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19 avril 2024

‘’La Guerre d’Algérie revisitée » par une nouvelle génération d’historiens


Publié par Saoudi Abdelaziz

‘'La Guerre d'Algérie revisitée'' par une nouvelle génération d'historiens

« Loin de s’essouffler, le mouvement apparu en France à l’aube des années 2000 chemine, grossissant, dans son élan, les rangs des ‘’nouveaux historiens de la guerre d’Algérie (…). Au seuil de 2015, un peu plus d’une vingtaine de chercheurs remettent en perspective nombre de sujets. Issus, tous, de la nouvelle génération, ils ont été réunis par Aissa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur sous la direction desquels ils apportent de nouveaux écalirages sur la compréhension de la guerre ». 

Par Youssef Zerarka, 26 février 2015

Une visite en librairie et une consultation du catalogue d’une bibliothèque en atteste et le fait valoir à grands traits : l’historiographique sur la guerre d’indépendance algérienne se renouvelle sans cesse. Bon an mal an, de nouveaux travaux investissent la sphère académique au grand bonheur d’un lectorat, heureux d’en savoir plus sur la guerre longtemps ‘’sans nom’’.

Loin de s’essouffler, le mouvement apparu en France à l’aube des années 2000 chemine, grossissant, dans son élan, les rangs des ‘’nouveaux historiens de la guerre d’Algérie’’.

Au soir de sa vie, le regretté Pierre Vidal-Naquet avait salué – à travers Sylvie Thénault et Raphaëlle Branche — l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs et appelé de ses vœux à l’avènement de beaucoup d’autres. Son vœu est exaucé à titre posthume.

A un demi-siècle de distance des accords d’Evian, les rangs des spécialistes de la guerre d’indépendance algérienne et de la décolonisation s’élargissent. Des noms nouveaux s’invitent dans les salons de livres, nourrissent le corpus ‘’guerre d’Algérie’’, animent les colloques, et se familiarisent avec le grand public.

Au seuil de 2015, un peu plus d’une vingtaine de chercheurs remettent en perspective nombre de sujets. Issus, tous, de la nouvelle génération, ils ont été réunis par Aissa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur sous la direction desquels ils apportent de ‘’nouveaux éclairages sur la compréhension de la guerre’’.

Des thématiques nouvelles

Au final, leur convergence, le temps d’un ouvrage collectif, a accouché de ‘’La Guerre d’Algérie revisitée’’ (éditions Karthala, 396 pages). Singularité à souligner au regard des travaux antérieurs, le travail dirigé par le trio Kadri, Bouaziz, Quemeneur privilégie des approches qui ‘’explorent davantage les racines et les dimensions internationales’’ du plus sanglant des conflits de décolonisation.

Le professeur Aissa Kadri s’en explique dans le texte qu’il signe en guise d’introduction du livre. Y sont passés au crible de l’examen historien ‘’le rôle de la Hongrie, de l’Italie, d’Israël et de la Croix Rouge’’.

Autre mérite du livre qui résonne comme un temps fort : ‘’l’attention portée aux opinions publiques, à la communication et au rôle des éditeurs et de l’édition, aux idéologies, aux représentations et aux pratiques des acteurs de la confrontation et aux rapports hommes/ femmes dans les luttes’’.

Au rang des réflexions qui nourrissent le livre, certaines études ‘’descendent jusqu’à la région, à la ville, au village sous forme de monographies’’. Leurs auteurs portent un ‘’regard plus localisé et territorialisé’’ sur le conflit et le contexte qui l’a précédé.

Entre autres thèmes pointés, l’action politique en milieu rural, les Aurès, la Kabylie avec la Wilaya III, la manifestation du 14 juillet 1953 à Paris, etc. L’imaginaire de la guerre n’est pas en reste.

‘’La dimension mémorielle est également revisitée non seulement dans une perspective intergénérationnelle, dans ce qu’elle traduit comme recompositions identitaires, mais aussi dans ce qu’elle laisse à voir comme imposition idéologique’’, explique Aissa Kadri.

Les auteurs de ce travail collectif labourent un champ plus que jamais ouvert à l’exploration historienne. Depuis la fin des années 1990, une poignée d’historiens français et algériens avaient profité de l’ouverture des archives pour examiner des séquences peu sinon guère abordées. Le mouvement gagne en ampleur.

Renouvellement

Au rang des questions décortiquées : la justice dans la guerre (S. Thénault), la torture (R. Branche), la répression de mai 1945 (JP Peyroulou). La Fédération de France du FLN (Linda Amiri), la vie politique algérienne en situation coloniale (Malika Rahal), insoumissions, refus d’obéissance et désertions des soldats français pendant la guerre d’Algérie (T. Quemeneur).

La photographie et ses usages pendant la guerre (Marie Chominot), la vie culturelle de l’immigration algérienne pendant la guerre (Naïma Yahi), financement du FLN pendant la guerre (E Colin-Janvoine et S Derozier), etc.

Comme en témoignent ces sujets, l’historiographie de la guerre d’indépendance algérienne a connu un ‘’renouvellement des objets, des questionnements et des approches’’, observe Aissa Kadri.

Le professeur parle, en s’en réjouissant, d’une ‘’dynamique de recherche, d’analyse et d’interprétation’’. Qui plus est portée par une ‘’jeune génération d’universitaires et de chercheurs qui, sans se démarquer de la génération précédente, la renouvelle en grande partie’’.

Auteur d’un travail fondateur, la génération des historiens de l’après-guerre avait ‘’posé les cadres généraux de l’histoire des années 1950 (…) le plus généralement à travers de larges panoramas, de grandes « fresques » qui balisaient toute la période, mais plus rarement à travers des travaux ponctuels, qui focalisant sur les principaux acteurs, à partir de biographies, de portraits et d’engagements contextualisés’’.

Des historiens plus ‘’plus distanciés‘’

Les historiens de la nouvelle génération – au rang desquels les signataires de ‘’La Guerre d’Algérie revisitée’’ – présentent un profil différent. Ils apparaissent ‘’plus distanciés, en tous les cas moins impliqués dans les enjeux politiques et mémoriels’’.

Au bout de 372 pages, le lecteur familier des travaux sur la guerre d’indépendance algérienne aura le sentiment d’avoir bénéficié d’un approfondissement de nombre de questions ‘’sur lesquelles on pensait que l’essentiel a été dit’’.

Le professeur Aissa Kadri résume le gain de cette moisson collective : ‘’Le résultat en est plus que probant et témoigne réellement tout à la fois de la nouveauté des interrogations mais aussi d’un approfondissement des questions sur lesquelles on pensait que l’essentiel avait été dit. Sans bouleverser les connaissances sur la guerre, ces travaux apportent de nouveaux éclairages sur la compréhension de celle-ci à travers aussi bien le temps long que le temps particulier’’.

Source: HuffPost Algérie

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