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29 mars 2024

Liberté d’expression pour tous !


SOLIDARITÉ PALESTINE

Opinion

Liberté d’expression pour tous !

Nicolas Bourgoin


Photo: D.R.

Lundi 2 mars 2015

Justice aux ordres ? le verdict du dernier procès en date contre la dissidence le donne en tout cas à penser : 1000 euros pour avoir collé des affiches, des autocollants et poché « Soral a raison » le 20 novembre dernier dans la ville de Meaux.

L’objet du délit ? le dessin de Zéon, « Isra-hell » qui avait valu à son auteur une plainte de la LICRA en 2011 pour « incitation à la haine raciale », pourtant restée sans suite. C’est en tout cas ce qui a motivé les poursuites contre les trois personnes incriminées, de l’aveu même du procureur. L’argument peut évidemment faire sourire à l’heure où les politiques érigent la liberté d’expression en valeur suprême.

Mais il aussi est révélateur de la mécanique qui est en train de se mettre en place et qui broiera impitoyablement tous ceux qui ne se plieront pas à ce qui est devenu la nouvelle norme : tolérance maximum pour la critique de l’Islam, tolérance zéro pour la remise en cause de la domination sioniste. Et comme les idées dominantes d’une époque ne sont que les idées de la classe dominante (Marx), cette nouvelle idéologie nous en apprend finalement beaucoup sur le projet des élites mondialistes qui nous gouvernent…

Le pouvoir a frappé dur : 40 heures de garde à vue, un procès en correctionnelle avec à la clé 8 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans, un stage de citoyenneté et  une privation des droits civiques pendant 5 ans requis contre des sympathisants d’une organisation politique seulement coupables d’avoir affiché leurs idées sur des murs. Nous ne sommes pas dans « l’enfer soviétique » mais bien dans la France « socialiste » du début du XXIè siècle. Et ce dernier épisode en date de la répression politique contre les opposants de tous bords est le dernier d’une longue liste : acharnement contre certains leaders de la dissidence politique (Alain Soral en est à son énième procès pour un total demandé par les parties adverses frôlant les 500.000 euros), peine de prison ferme pour Vincent Reynouard à cause de vidéos postées sur Youtube, multiplication des procès pour apologie du terrorisme à l’encontre de personnes coupables d’insoumission, violences policières contre les zadistes… La réalité des libertés politiques tranche nettement avec la volonté affichée par ailleurs de défendre la liberté d’expression. Nos maîtres censeurs ont oublié en route une vérité première : la défendre n’a de sens que lorsqu’il s’agit d’opinions contraires aux siennes. Le pouvoir socialiste a beau jeu de prôner le droit à la caricature contre le fondamentalisme djihadiste : les dessinateurs de Charlie Hebdo servent directement la politique gouvernementale en stigmatisant les musulmans.

Taper sur l’Islam semble être en effet la seule ligne politique d’un gouvernement par ailleurs impuissant sur les fronts économique et sociaux. Condamnation du voile sous couvert de défense de la « laïcité », déclarations islamophobes, assimilation de l’islamisme au fascisme… le traitement discriminatoire dont les musulmans font aujourd’hui l’objet tranche nettement avec la bienveillance dont ils bénéficiaient pendant l’ère mitterrandienne. Entre temps, l’objet de la peur a changé de camp : la doctrine de la guerre contre le terrorisme, consécutive à l’effondrement de l’URSS, substitue la menace islamique à la menace soviétique. Elle sort la question musulmane de la problématique de l’intégration qui était la sienne dans les années 1980 pour la placer dans celle du « choc des civilisations » post-11 septembre.

Mais à la différence de la guerre froide contre le camp socialiste, la guerre contre le terrorisme islamiste vise un ennemi transversal, à la fois intérieur et extérieur. Le combat sécuritaire contre l’ennemi intérieur socio-ethnique et les opérations extérieures contre les djihadistes sur les théâtres de guerre sont les deux fronts d’un même conflit. Pendant que Charlie Hebdo sort son nouveau numéro encore une fois bourré de caricatures islamophobes, les avions Rafale du Charles de Gaulle larguent leurs bombes sur les « positions » djihadistes en Irak. Aujourd’hui plus que jamais, la guerre est la continuation, par d’autres moyens, de la politique intérieure et une mise en acte de la propagande.

La nouvelle idéologie dominante du « choc des civilisations » limite drastiquement le champ de la parole autorisée. Prendre la défense de l’Islam contre le sionisme c’est du même coup jouer contre son camp, faire acte de trahison. Dans cette guerre, la désertion est au plus tolérée : ne pas être Charlie fait de vous une brebis égarée que l’on saura réintégrer dans la communauté républicaine, être Coulibaly, une brebis galeuse. Toute réconciliation est proscrite : être Charlie Coulibaly vaut excommunication.

Là est le vrai enjeu de la défense actuelle de la liberté d’expression (à géométrie variable) : gagner le soutien de l’opinion publique, préalable indispensable à toute guerre militarisée au long cours, en faisant taire toute voix dissidente. Contre cette instrumentalisation belliciste, il faut défendre un droit à l’expression, y compris et surtout pour ceux qui défendent un point de vue opposé au discours officiel des élites ou qui remettent en cause l’histoire dominante. Jean Bricmont a bien montré les effets pervers de la criminilisation du négationnisme par la loi Fabius-Gayssot qui empêche tout débat contradictoire et ne peut qu’entraîner doutes et suspicion.

Il en va de même pour la liberté d’expression qui n’a de sens que si elle n’est pas limitée par une censure forcément arbitraire. Comment légitimer le partage entre le dicible et l’indicible, la parole correcte et incorrecte autrement que par l’autoritarisme ? Défendre cette liberté pour tous est le seul moyen d’éviter le deux poids deux mesures qui alimente le communautarisme et hypothèque toute réconciliation nationale avec les populations issues de l’immigration post-coloniale. Une tolérance à rebours de la politique actuelle.

Voir également sur ce site : un entretien à propos de mon dernier ouvrage « La République contre les libertés ».

Publié le 3 mars 2015 avec l’aimable autorisation de l’auteur

 

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Source : Nicolas Bourgoin
http://bourgoinblog.wordpress.com/…
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