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20 avril 2024

Affaire Guéant : l’homme d’affaires Khaled Bugshan déféré devant le juge


Affaire Guéant : l’homme d’affaires Khaled Bugshan déféré devant le juge

Acteur clé de l’affaire de la vente des frégates françaises Sawari II à l’Arabie saoudite, Khaled Bugshan a été mis en examen par la justice française, le samedi 7 mars, dans l’affaire des tableaux de Claude Guéant, placé lui aussi en garde à vue puis mis en examen pour « faux » et « blanchiment de fraude fiscale ».

 
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Crédit photo: Tous droits réservés d.r.

Depuis des années, magistrats et journalistes avaient préféré oublier l’existence du richissime homme d’affaires saoudien Khaled Bugshan, pourtant un acteur clé dans l’affaire de la vente des frégates françaises Sawari II à l’Arabie Saoudite en 1994. Coup de théatre, ce samedi 7 mars: Khaled Bugshan vient d’être déféré devant le juge, dans le cadre de la procédure ouverte pour le versement d’éventuels fonds libyens à Nicolas Sarkozy. Cet intermédiaire, qui avait été hospitalisé en soins intensifs à l’hopital américain de Neuilly en novembre dernier, aurait joué un role clé dans la vente suspecte de tableaux en 2008 par Claude Guéant,  alors secrétaire général de l’Elysée, pour la somme de 500000 euros….Précisons que ce dossier Guéant est né à l’occasion des perquisitions des juges qui enquètent sur  l’argent libyen, mais constitue une procédure secondaire, déconnectée du contentieux principal.

Aujourd’hui les juges soupçonnent Khalid Ali Bugshan d’avoir joué un rôle dans les flux financiers qui ont abouti au versement de 500 000 euros sur un compte de Claude Guéant. Dans le cadre de son contrôle judiciaire, l’homme d’affaires doit remettre son passeport, s’est vu imposer une caution d’un million d’euros et a été interdit de tout contact avec Claude Guéant.
Bughsan, une galaxie

Grande fortune saoudienne, Khaled Bugshan fut au cœur des luttes intestines qui grignotaient la droite française depuis un quart de siècle. En 1996, après l’élection de Jacques Chirac, le soldat Bughsan et ses proches, véritables pivots de la chiraquie, eurent pour mission de ramener dans leur camp le flot d’argent qui avait pu, à l’époque, profiter à l’éternel rival, Edouard Balladur, par le biais de rétrocommissions. Ce qui valut d’alleurs à Bugshan de recevoir la légion d’honneur en 2004 des mains de Chirac.

Or, dans plusieurs procès verbaux liés à l’affaire Karachi, Ziad Takieddine accuse une banque genevoise, le Crédit agricole suisse, d’avoir récupéré des commissions illégales versées dans le cadre du contrat Sawari II. Des allégations confirmées par les enquêtes judiciaires. La justice a découvert que le Crédit agricole suisse avait effectivement versé, après 1997, des sommes très importantes à deux sociétés écrans, Parinvest et Issham. Lesquelles étaient représentées par un haut cadre franco-yéménite du Crédit agricole suisse, Wahib Nacer, et par Khaled Bugshan.

L’ombre d’Alexandre Djhouri 

Lors d’un interrogatoire début décembre 2011, Ziad Takieddine a accusé les deux hommes d’avoir placé les fonds provenant des commissions des frégates « dans des paradis fiscaux, en particulier au Qatar ». Le 2 avril 2012, Takieddine se fait même plus précis. Il évoque le placement de ces fonds détournés dans des filiales du Crédit agricole suisse implantées aux Bahamas d’abord, puis dans un deuxième temps au Qatar (1).

Au passage, on note que Wahib Nacer est alors domicilié à Chênes Bougerie, une commune chic de la banlieue de Genève tout comme… Alexandre Djouhri, puissant intermédiaire et intime de Villepin est parvenu après 2007 à se rapprocher de l’Elysée, et notamment de Claude Guéant. Ses relations anciennes avec Khaled Bughsan sont connues. Au delà du role joué par l’intermédiaire séoudien dans la vente des fameux tableaux, les juges s’interrogent aujourd’hui sur l’influence de Djhouri dans cette transaction en 2008, au moment où en effet il a ses entrées à l’Elysée chez le secrétaire général, Claude Guéant..

Qatar, la tirelire

Un an plus tard en avril 2013, l’intermédiaire franco-libanais, Ziad Takieddine, en remet une couche lors d’une interview à France 24. Selon lui, les 300 millions de dollars payés par les Qataris à la Libye pour aider à la libération des infirmières bulgares seraient passés par le Crédit agricole Qatar, filiale du Crédit agricole suisse, avant d’être détournés en partie au profit de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant. Cette filiale a été enregistrée à Doha le 31 mars 2007 ( soit quatre mois avant la libération de sinfirmières), puis étrangement fermée en septembre 2011 (2).

Au coeur du labyrinthe des commissions et rétrocommissions, Bughsan est un trait d’union vers les places financières qatari. Pourquoi la justice française s’était-elle privée jusqu’à présent d’interroger un si précieux témoin ? Lors d’une confrontation devant les juges avec Wahib Nacer, le banquier du Crédit Agricole Suez et voisin d’Alexandre Djhouri, Takieddine avait pourtant demandé à ce que l’avocat de Bughsan, Fadi Moukhaiech soit convoqué. Peine perdue. L’instruction est terminée depuis juin 2014 sans queles représentants du milliardaire saoudien soit entendu.

L’affaire des tableaux de Claude Guéant va-t-elle relancer ce dossier enfoui des Sawari II, qui mettrait en cause Chirac et Villepin? Espérons le, sans y croire tant la justice comme la presse se sont toujours montré tièdes sur ce dossier.

 

(1) « Le vilain petit Qatar, cet ami qui nous veut du mal », Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget (ed. Fayard, 2013)

(2) « Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison », Catherine Graciet (ed. Seuil, 2013)

ENCADRE 

Mohamed Aref soupçonné par le Point d’avoir financé les tableaux de Claude Guéant avait répondu dans « Mondafrique » à ses détracteurs. Cet avocat de Djibouti a d’ailleurs gagné le procès pour diffamation intenté contre « le Point ».

« Mondafrique ». Quel rôle avez vous joué dans l’achat des toiles hollandaises par un avocat malais, Sivajothi Muthiah Rajendram, dont l’Express a révélé le nom?

Mohamed Aref. Aucun et je ne comprends pas que les journalistes du Point et d’autres médias n’aient même pas pris la peine de me joindre. La police française ne m’a jamais interrogé, mes comptes n’ont pas été saisis. Je viens cette semaine à Paris pour le sommet des chefs d’Etat africain sans aucune crainte. On a voulu mettre la presse et la justice sur un leurre. J’ai porté plainte contre ces journaux qui m’ont nui considérablement dans mon rôle de consultant d’organisations internationales. Le procès aura lieu avant la fin de l’année 2014

« Mondafrique ». Est ce que votre proximité avec l’homme d’affaires Alexandre Djhouri, proche à la fois de Claude Guéant et de Dominique de Villepin, a pu induire la presse en erreur?

Mohamed Aref. Je connais en effet Alexandre Djhouri, mais à l’époque où les tableaux ont été achetés, j’étais dans les plus mauvais termes avec Nicolas Sarkozy et avec Claude Guéant qui voulaient chasser le président Baghbo de Cote D’Ivoire. Or j’ai toujours soutenu ce chef d’Etat, accusé à tort des pires turpitudes.

« Mondafrique ». Connaissez vous l’avocat malais qui est l’acheteur officiel des deux tableaux?

Mohamed Aref. Je connais bien la Malaisie, dont j’accueille parfois les représentants à Djibouti. L’avocat dont vous parlez y possède un magnifique cabinet. Il est en relation avec des hommes d’affaires asiatiques et je l’ai croisé en effe, j’ai vu les toiles de Claude Guéant. L’opération de désinformation à mon encontre était bien menée. Ma présence à Paris prouve, en tout cas, que je n’ai rien à me reprocher »

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