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29 mars 2024

ENTRETIEN AVEC ‘HORIZONS NOUVEAUX MAGAZINE’ – 2e PARTIE (HNM #49 / 23 FEVR. 2015)/ ANALYSES POUR L’AFRIQUE ET LE MONDE


ENTRETIEN AVEC ‘HORIZONS NOUVEAUX MAGAZINE’ – 2e PARTIE (HNM #49 / 23 FEVR. 2015)/ ANALYSES POUR L’AFRIQUE ET LE MONDE

 

PCN-SPO & HNM (Horizons Nouveaux Magazine)/

2015 03 10/

 

Entretien avec Luc MICHEL (*),

Diffusé dans le n° 49 de HNM (Cameroun)

Paru le 23 février 2015

 

# INTERVIEW EXCLUSIVE AVEC LE PANAFRICANISTE BELGE LUC MICHEL, LEADER DE L’ONG EODE (2eme PARTIE)

« NOUS SOMMES ENTRES DANS UNE DECENNIE DECISIVE »

 

Partie II/

QUELLES SONT VOS ANALYSES POUR L’AFRIQUE ET LE MONDE ?

 

# NHM : Le monde est secoué depuis des décennies par des conflits armés, qu’est ce qui explique toutes ces explosions de violence?

 

Luc MICHEL : Il est bien certain que ce qui amène le chaos et les guerres dans le monde c’est bien l’impérialisme ? Dans son livre L’IMPERIALISME STADE SUPREME DU CAPITALISME, Lénine a établi la base de ce qui est la « Théorie marxiste-léniniste de l’impérialisme ». Il a raison en grande partie.

Dès la fin du XIXe siècle, c’est l’impérialisme moderne (la lutte pour la conquête des marchés, à partir du moment où l’Afrique étant colonisée il n’existait plus de marchés encore à conquérir) qui explique évidemment les grandes guerres, la Première guerre mondiale, la Seconde, la Guerre froide. Et qui explique encore ce qui se passe dans le monde du « Nouvel Ordre Mondial » de l’impérialisme américain (puisqu’il faut le nommer clairement, et nous sommes d’accord avec le Che Guevara qui disait que « l’impérialisme occidental a une tête et qu’il faut la couper). Ce sont les Etats-Unis qui ont développé plus d’une centaine de conflits dans le monde depuis 1945, mais aussi des coups d’états. En Amérique Latine, en Eurasie, mais aussi toutes les agressions contre l’Afrique depuis 1961. Et maintenant les agressions dans le cadre des « révolutions de couleur » en Europe de l’Est, de leur version moyen-orientale du soi-disant « printemps arabe ». Les sanctions et les embargos sont des guerres économiques, comme Obama vient de l’avouer sans vergogne dans le cas des sanctions contre la Russie il y a quelques jours. Et il y a aussi la « guerre culturelle », c’est-à-dire l’invasion sous prétexte de la globalisation de l’anti-civilisation yankee (avec Mc do, les vomissures d’Hollywood, la civilisation de Coca-Cola).

 

Il y a encore l’instrumentalisation, l’utilisation de la « géostratégie du chaos » (à ne pas confondre, comme le font beaucoup d’analystes, avec la « géopolitique du chaos », qui est un concept du début des années 90, pour expliquer le chaos géopolitique né de l’implosion de l’URSS et de la Yougoslavie). La géostratégie du chaos a eu un laboratoire : c’est la Somalie, c’est pour cela qu’on parle de « somalisation ». Actuellement on est train de somaliser la Libye, le Mali ou la Centre Afrique, et on aimerait somaliser le Cameroun ! La Somalie inquiétait les USA dans les années 80, alliée de l’Union Soviétique (c’était le temps du maréchal Siyad Barré), aujourd’hui éclatée en deux états et en réalité en 5 états, 3 étant de des semi-états de facto, le gouvernement central siégeant à l’étranger et ne contrôlant même pas la capitale Mogadiscio. C’est le destin tragique que les américains promettent à de nombreux pays arabes et africains. Depuis le laboratoire somalien, les géopoliticiens et les géostratèges américains ont théorisé cette « géostratégie du chaos ». Le grand géopolitologue George Friedmann (le patron de STRATFOR) est celui qui dans son livre manifeste de l’expansion américaine LES 100 PROCHAINES ANNEES explique ce que les USA doivent faire pour que le XXIe siècle soit à nouveau « un siècle américain ». Il y consacre plusieurs pages à cette « géostratégie du chaos » et il y explique comment les américains, n’ayant plus les moyens militaires et économiques de s’imposer directement, doivent faire éclater les états et y organiser le chaos et régner sur celui-ci.

 

La théorie marxiste-léniniste de l’impérialisme a cependant des limites importantes, car elle ne prend pas en compte l’Europe occidentale, car elle s’est arrêtée sur une vision du monde qui est celle d’avant1940. Et surtout elle a une vision du combat anti-impérialiste qui (comme l’appelait Fidel Castro dans les années 60) est « tricontinentale ». C’est une erreur parce que depuis 1944 un phénomène colonial nouveau est apparu, c’est-à-dire que les pays d’Europe occidentales sont devenus eux-mêmes des colonies de l’empire américain. Les américains qui ont débarqués en Normandie en juin 1944 ne sont jamais repartis, ils sont toujours là partout en Europe avec leurs armées, leurs bases militaires, leurs multinationales … Et surtout avec des classes politiques qui sont soumises à l’Empire américain, pour parler crûment les vaincus européens de 1939-40 ne sont pas les vainqueurs de 1945 ! Ils ont accepté la domination politique américaine pour conserver le contrôle politique et économique de leurs pays, mais ils sont devenus des sous-traitants de l’impérialisme US, notamment en Afrique. Voilà donc la situation et il fallait raisonner là dessus.

 

Notre Ecole géopolitique a donc développé depuis les années 60 une autre théorie de l’impérialisme qui prend en compte la question ouest -européenne et qui prône donc non plus une tricontinentale mais un « front quadricontinental » contre l’impérialisme et l’exploitation. Nous avions d’ailleurs introduit cette théorie dans les années 90 en Libye et Mouammar Kadhafi définissait la Libye comme un pont entre l’unification africaine et l’unification européenne, les deux devant se dégager ensemble de l’impérialisme américain, et c’est à nouveau notre conception, la Méditerranée servant de point de rencontre et de « Mare nostrum » (comme au temps des romains) entre les unifications panafricaine et paneuropéenne agissant en symbiose. La destruction de la Jamahiriya libyenne et la suggestion de l’Union Européenne maintenant complètement vassalisée aux États-Unis via l’OTAN (qui n’est pas le « bouclier de l’Europe » mais son harnais) n’ont pas du tout rendu cette théorie obsolète, elle est toujours valable pour les rapports futurs entre l’Eurasie et l’Afrique.

 

# NHM : Pour nous attarder particulièrement à l’Afrique et à la lumière des crises armées qui ont cours dans ce continent, la paix y est-il possible et quelles sont les conditions à réunir pour que cela se traduise en réalité?

 

Luc MICHEL : Votre question en fait prend directement la suite de la précédente. Ce qui a produit directement ces décennies de conflits armés en Afrique, c’est évidement l’impérialisme occidental, qui a provoqué les guerres entre les pays africains, les dizaines de sécessions, de guerre civiles, de coup d’états, de guérillas. Lorsque arrivent les indépendances à la fin des années 50 et au début des années 60, l’Afrique a l’impression d’être indépendante, mais elle est confrontée à un maintien de la présence militaire et économique des anciens colonisateurs, c’est le néo-colonialisme. L’exemple typique étant celui de l’organisation par Jacques Foccart, pour le compte du régime du général de Gaulle (qui là a marqué sa mémoire d’une pierre noire et qui là n’est pas le libérateur qu’il a été au Québec ou en Asie), de la Françafrique avec tous ses mécanismes de domination néo-coloniale.

 

Lorsqu’on arrive plus à contrôler politiquement ou économiquement un état, et bien on le fait évidement éclater, ce sont les sécessions, c’est le cas des grands états pétroliers, avec le Sud soudan et bien avant le Biafra (organisée par Paris). Le phénomène du néo-colonialisme existe partout.

 

La seconde étape c’est qu’un certains nombre d’états africains ont décolonisé, ou on brisé un pouvoir de type colonial comme en Afrique du Sud avec le régime d’apartheid, mais aussi les colonies portugaises d’Afrique, se sont libérés avec l’aide des Soviétiques et parfois des Chinois, parfois avec l’appui du Corps expéditionnaire internationaliste cubain. Ces états ont pris la voie du développement. C’était par exemple la Somalie du maréchal Syad Barré, qui avait mis un terme à l’analphabétisation en moins de 4 ans. C’était des régimes qui marchaient et qui développaient les pays africains, mais ils étaient étroitement liés à l’Union Soviétique. Lorsque l’URSS s’est effondrée, les russes quittant totalement l’Afrique, ces pays ont été laissés à eux-mêmes et ont repris la voie de la recolonisation. Il y a d’autres états qui étaient des défis inacceptables et qui ont été détruits, comme la Jamahiriya libyenne avec son système politique original, sa Démocratie directe, son système socialiste jamahiriyen (qui redistribuait équitablement les revenus du pétrole) et avec un PIB pour les habitants et un niveau de vie qui étaient ceux du sud de l’Union Européenne. La chute de la Jamahiriya libyenne est également l’une des séquelles de la chute de l’URSS, même si elle est intervenue 20 après.

 

Arrive maintenant une nouvelle étape : c’est-à-dire que les américains, qui jusque là à part quelques grandes expéditions ont dominé l’Afrique par l’intermédiaire des pays de l’OTAN (des sous-traitants, si je peux m’exprimer ainsi, du Bloc occidentale), entendent la recoloniser directement. En 2007 –2008, des géopoliticiens américains commencent a s’intéresser à l’Afrique, Georges Bush II crée l’AFRICOM en 2007-2008. 2008 c’est aussi la rentrée de la France dans l’organisation militaire de l’OTAN, c’est-à-dire la vassalisation totale de la France à la diplomatie US, mais aussi à l’organisation militaire américaine. C’est un phénomène qui est passé inaperçu de la plupart des analystes africains (tant la haine justifiée de la Françafrique est importante) : Paris en Afrique se soumet également à la vision américaine, les généraux français deviennent des généraux de l’OTAN et la France agit maintenant dans toute l’Afrique pour le compte des américains. La Françafrique, dont les structures continuent a exister, est comme ces grandes entreprises régionales qui se font à un moment donné avaler par une multinationale, c’est-à-dire qu’elle devient la sous-traitante d’une politique qu’elle ne définit plus ! On ne doit pas oublier que le projet américain vise a donner moins d’importance à la France en Afrique.

Il faut également souligner qu’il y a une vision géopolitique américaine pour l’Afrique et qu’elle conçoit une Afrique divisée ! Il n’y a pas un concept géopolitique américain d’une Afrique unie, comme nous l’avons par exemple dans le Panafricanisme, mais une vision de l’Afrique du nord, de l’Afrique saharienne et sub-saharienne, comme frontière, comme « Limes », du « Grand Moyen Orient », assurant la sécurité des états soumis aux Etats-Unis en Eurasie. Et deuxièmement il y a une vision d’un bloc de l’Afrique australe (anglo-saxon et anglophone), à laquelle ont été rattachés tous les pays de la Région des Grand Lacs, qui apparaît dans certaines visions géopolitiques américaines. Il y a des cartes prévisionnelles pour l’Afrique en 2250, où ce bloc n’est plus lié à l’Afrique mais faisant partie d’un bloc atlantiste dominé par les Etats-Unis. Il faut savoir également qu’il y a un projet d’angliciser les pays francophones des Grands Lacs, c’est déjà largement en route pour le Rwanda de Kagamé (qui n’oublions pas un anglophone), et c’est également le cas pour les débuts du régime de Kabila père. Pour comprendre l’importance des Grands Lacs dans la vision africaine d’Obama, celui-ci y dispose d’un « envoyé spécial pour la région des grands lacs » (c’est-à-dire d’un proconsul) … Tout ce qui se passe en Afrique est lié à l’impérialisme !

 

# NHM : Quelle est à votre avis l’influence de l’héritage colonial dans le contexte de pauvreté endémique et chronique qui est celui de l’Afrique et quelles sont les pistes de solutions?

 

Luc MICHEL : Il est bien certain que l’Afrique est un continent riche et parallèlement à cela c’est le continent qui connaît la misère, les famines, les grandes pandémies comme Ebola ou le Sida, sans solutions réelles. Tout cela a une origine, tout cela prend sa source dans le néo-colonialisme, la prédation impérialiste et l’exploitation de l’Afrique par les anciennes puissances coloniales et les USA. Nous avons l’exemple significatif de la Françafrique, mais il ne doit pas faire oublier la malignité des anglo-saxons. Il y a également évidement les tentacules des multinationales américaines et de l’UE qui s’étendent sur toute l’Afrique. Il y a aussi cette globalisation qui n’est menée qu’au profit des américains. La globalisation c’est l’intégration des économies du monde autour de l’économie américaine et à son profit. Il faut surtout constater que la vision qu’ a la globalisation de l’Afrique, c’est de faire uniquement du continent une source de matières premières, d’industries de transformation et de livraisons de matières premières et d’industries de livraison et de production de produits agricoles. Depuis la décolonisation, les occidentaux se sont toujours opposés largement à l’industrialisation de l’Afrique, surtout de l’industrie lourde. L’un des états qui y échappe étant l’Afrique du Sud, grâce à un héritage indirect bénéfique de l’ex Afrique du Sud blanche, qui s’était considérablement développée en raison même de l’isolement du pays par l’apartheid. Développement notamment d’une puissante industrie de recherche et d’armement, fabrication de matériels roulants, industrie nucléaire …

 

Il y a évidement des solutions mais ces solutions n’existe qu’au niveau du Panafricanisme, il n’y aura pas de liberté pour l’Afrique sans application du programme panafricaniste. Quelle est ce programme ? Ce sont au moins les Etats-Unis d’Afrique, ou une Afrique transnationale qui en serait un stade ultérieur. C’est évidemment, et là ce sont des idées que j’y importe depuis quelques années, la création d’un grand Bloc africain géoéconomique auto-centré, qui organise lui-même les richesses et l’exploitation du continent, les moyens financier et bien entendu l’industrialisation de celui-ci. A la base de tout ça il y a une nécessité, évidemment, c’est que l’Afrique aie sa souveraineté financière. On est là dans le projet de Kadhafi, dans les années 2000-2005, qui a été repris par le président Obiang Gnema Mbassogo depuis le dernier sommet africain à Malabo, la nécessité de l’unité monétaire africaine, d’une monnaie africaine, d’une banque d’investissement africaine. Ici aussi l’Afrique ne doit rien attendre de l’occident et il faut mettre un terme à la domination et aux manœuvres des institutions de Bretton Woods sur l’Afrique, c’est-à dire la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International, qui ne sont que des instruments d’esclavagisme des peuples et des états. Partout où ils sont intervenus, en Afrique ou ailleurs, ça été les thérapies de choc, la misère, les régimes politiques autoritaires (rappelons ceux de Margaret Thatcher ou du général Pinochet au Chili, qui ont été le véritable laboratoire de l’ultra libéralisme). Donc l’Afrique doit se débarrasser de tout cela en y substituant ses propres institutions.

 

J’ajouterai évidement la question de la Défense africaine, concomitante. Sans moyen de faire respecter cette indépendance par des moyens militaires, le reste a peu de chance de pouvoir être appliqué, se maintenir ou même simplement être respecté.

 

# NHM : L’Afrique est donc menacée de partout. La paix est-elle pourtant possible et à quel prix ?

 

Luc MICHEL : Revenons sur le sujet de la guerre et de la paix en Afrique, parce que la clé est là ! Une paix est-elle possible et réelle en Afrique ? Tout d’abord il y a une chose a prendre en compte : il ne faut rien attendre de l’occident et des occidentaux. Y comprit de leurs instruments diplomatiques que sont les Nations-Unies en Afrique, depuis l’envoi des casques bleus au Congo ex-belge en 1961. Les casques bleus n’ont empêché aucune guerre, établi aucune paix, ils sont liés à un cortège de scandales, d’affaires de viols, de prostitution, de trafics … La deuxième chose qu’il faut comprendre c’est que si on n’attend rien des occidentaux, on ne peut rien faire tant que la puissance occidentale est la seule puissance capable de se déployer en Afrique. Parlons franchement, il faut partir des idées, les grandes choses se font au travers de grandes idées, de grands livres et de grands conflits. Il faut une « doctrine de Monroe panafricaine » ! Qu’est-ce que j’entends par là ? Et bien vous savez qu’au début du XIXe siècle le président américain Monroe a proclamé ce qu’on appelle la « doctrine de Monroe » et qui s’entend par « les Amériques aux américain » (entendez aux USA, aux américains du nord). Il voulait par là chasser les puissances européennes, coloniales ou néocoloniales, des Amériques. Il avait raison : c’est sur ça que s’est basée l’émergence géopolitique internationale des Etats-Unis et la puissance américaine. Il faut donc commencer par définir une « doctrine de Monroe panafricaine », qui reposera sur le concept principal de « l’Afrique aux africains ».

 

Mais les grandes idées si elles ne sont pas supportées par la puissance ne donnent rien. Le grand Machiavel disait que « tous les prophètes désarmés ont été vaincus et que tous les prophètes armées ont été vainqueurs ». Ce qu’il énonçait pour les prophètes et les religions s’entend également pour en géopolitique pour les états ! Il faut donc une puissance militaire panafricaine, qui pourrait se construire autour de l’Union Africaine. Et comme dans de nombreux domaines, lorsqu’on examine les problèmes de l’Afrique, la solution a déjà été définie par le regretté Mouammar Kadhafi lors d’un sommet de l’UA à Syrte en 2005, lorsqu’il avait proposé un plan pour défendre l’Afrique et en chasser les occidentaux. Ce plan s’orientait autour d’une « armée africaine intégrée », avec un « état-major africain intégré », sous commandement du Conseil de l’Union Africaine. Il prévoyait également la création de Services de renseignement et de sécurité panafricains, et de Forces spéciales panafricaines. Et surtout il prévoyait une grande « Force d’interposition panafricaine », qui dans le cas le cas de conflit pourrait a très court terme se déployer pour empêcher les guerres et amener la paix. Lors du sommet de Malabo de juin 2014, l’Union Africaine a repris cette idée-force d’une Force d’interposition panafricaine. Et bien elle a été immédiatement torpillée par Obama qui, en conclusion du « Sommet USA-African leader » début août 2014 (ce grand piège qui a été tendu aux chefs d’états africains), a proposé de créer une « force d’interposition rapide », sous commandement de l’AFRICOM et avec certains états clients des Etats-Unis, notamment l’Ouganda et le Rwanda. C’est tuer dans l’œuf cette force panafricaine de l’UA, en lui arrachant des moyens et en lui créant une concurrence immédiate avant sa naissance même. Et surtout en dotant cette force concurrente des moyens militaires qui sont ceux de l’impérialisme américain et occidental.

 

Voilà donc la situation de l’Afrique et voilà donc ce qui pourrait ramener la paix en Afrique. Je vais ajouter une chose : vous savez qu’on divise souvent les panafricanistes en afro-optimistes et en afro-réalistes. On oublie les afro-pessimismes. Je suis un panafricaniste activiste mais pour le moment pessimiste, parce qu’en dehors de quelques chefs d’états (dont le leader du nouveau Panafricanisme, le président guinéo-équatorien Obiang Gnema Mbasogo) je ne vois pas l’Afrique se sortir de là. Nous voyons au contraire s’étendre les tentacules de l’impérialisme américain, avec Washington entrée dans une tentative directe de recolonisation de l’Afrique. Notamment par la grande vague de changements de régimes qui a été annoncée lors du sommet de Washington début août 2014 et la mise en place, notamment par la NED, au niveau du financement et de l’encadrement, par la mise en place d’une organisation pour une série de « révolutions de couleurs ». Le Gabon vivant la première d’entre-elles et le Burkina Faso ayant vu certains des éléments déclencheurs de sa révolution confisquée liés à ces réseaux organisant les révolution de couleur (ceux de Söros notamment).

 

# NHM : Le poids de la Russie et de la Chine se fait de plus en plus sentir dans la géopolitique mondiale, croyez-vous que ces deux puissances puissent influer à terme sur la prédation occidentale et américaine?

 

Luc MICHEL : Les questions de la Russie et de la Chine sont deux choses bien différentes ! Je vais commencer par la Chine. La Chine n’a pas de projet géopolitique mondial. La géopolitique chinoise ne prend en compte que ce que les russes appelleraient « l’étranger proche », c’est-à-dire la question de Taiwan, du Japon, de la Mer de Chine, la projection géopolitique chinoise ne se faisant que vers l’Indochine, l’Indonésie et au-delà vers l’Australie. J’ajouterai que l’on est là dans les fondements de la géopolitique chinoise impériale, lors de la grande période des empereurs chinois. Dans c le passé lointain, la Chine ne s’est jamais projetée que vers l’Indochine et l’Indonésie. Elle n’a jamais eu de vues sur la Russie, la Chine quand elle regarde vers le continent eurasiatique veut s’assurer des frontières stables et c’est tout. Assurant à l’ensemble géopolitique intérieur chinois, la maîtrise des Han sur l’autre moitié de cette population chinoise qui n’est pas de culture Han, les musulmans ouigours du Sin-Kiang (Turkestan chinois), les tibétains, etc. La frontière ouest que veut s’assurer la chine est sur l’Himalaya. Et donc le problème c’est que la Chine n’a pas de vision géopolitique en Afrique, les chinois ne veulent faire que des affaires, ils ne recherchent que le profit. Et parce qu’eux-mêmes ont connu l’exploitation et le colonialisme, ils sont simplement des partenaires que je pourrais appeler plus ouverts pour les africains. Mais il n’y a pas de projet de la chine de s’opposer par exemple aux Etats-Unis. Deuxièmement le rapport de la Chine et des Etats-Unis sont ambigus. Ce sont deux adversaires géopolitiques, il y a actuellement une tentative de « révolution de couleur » à Hong-Kong par exemple qui vise directement le régime chinois. Mais parallèlement à ça la chine et les Etats-Unis sont deux partenaires financiers et   économiques, et la Chine est la première créancière des USA. Elle n’a donc strictement aucun intérêt à ce que les Etats-Unis s’effondrent, en tous cas pas maintenant …

 

Venons-en au cas de la Russie. Là c’est l’inverse, la Russie a une grande vision géopolitique depuis que Vladimir Poutine a accédé au pouvoir. Cette vision n’est pas seulement eurasiatique. Le projet eurasiatique de Poutine est parfois caricaturé par ses adversaires atlantistes, mais ils n’ont pas tout à fait tord quand ils disent que c’est un peu la   reconstitution de l’Union Soviétique. Mais Moscou a aussi la volonté de redevenir une grande puissance mondiale, elle est en train de se re-projeter vers l’Amérique latine, vers l’Asie. Et, c’est quelques chose de très récent depuis quelques mois, il y a une vision russe sur l’Afrique. Le leadership russe s’est rendu compte que le départ depuis 20 ans, la fuite des russes ex-soviétiques de l’Afrique, a été une gigantesque erreur. Que cette erreurs a continué sous Medvedev en lâchant la Jamahiriya libyenne qui était son principal partenaire africain (on aurait du construire une base militaires russe à Benghazi en 2012). Et donc les russes veulent revenir en Afrique. Le travail ayant été préparé par un nombre de russes qui sont philoafricains, qui ont de la sympathie pour l’Afrique, et par notre Ong EODE, qui plaide dans les deux sens depuis maintenant un an (notamment sur les antennes d’AFRIQUE MEDIA ou de la RTVGE) pour que la Russie devienne le principal partenaire politique et économique de l’Afrique.

 

La Russie apporte à l’Afrique non seulement une vision gagnant-gagnant du partenariat financier et économique. Je rappellerai que contrairement à toutes les puissances occidentales, la Russie n’a pas besoin directement des matières premières et des richesses de l’Afrique, tout cela elle l’a déjà en Sibérie : les diamants, le gaz, le pétrole, l’uranium, les minerais stratégiques … Ce que cherche la Russie c’est un partenariat économique qui débouche sur un partenariat politique. La Russie est aussi un grand producteur d’armements, ce sont des spécialistes en défense, en matière de stratégie, de force spéciale, de sécurité. Et ils peuvent aider puissamment les états africains à garantir leur sécurité et à se détacher de l’emprise occidentale dans ce domaine, et également à préparer la future armée panafricaine.

 

Il faut donc ne pas attendre grand chose de la Chine et énormément de la Russie. Je dirai un dernier mot parce qu’il faut quand même comprendre que la Russie et la Chine sont partenaires dans une série importantes d’organismes inter-étatiques en Eurasie, l’ancien Groupe de Shanghai, l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), etc. La Chine est consciente de la menace américaine, elle voit la déstabilisation au Sin-Kiang, à Hong-Kong ou au Tibet. Et donc elle soutient la Russie dans un certain nombre de domaines, elle suit la Russie et ce n’est pas elle qui a l’initiative, elle suit la Russie au conseil de sécurité des Nation-Unies.

 

# NHM : Dans le contexte mondial actuel marqué par la violence, les rapports de force asymétriques et la prédation institutionnalisée des puissances occidentales et américaine, comment entrevoyez-vous l’année 2015?

 

Luc MICHEL : Il y a en géopolitique comme en politique des “années décisives” (selon les termes de Spengler). Nous sommes entrés dans une décennie décisive. C’est la volonté de Washington d’engager un cycle historique dont le but est de faire du « 21e siècle un nouveau siècle américain ». Selon les termes mêmes, et identiques, de tous les géopolitologues et idéologues américains, que ce soit Georges Friedman de STRATFOR (dans son LES CENT PROCHAINES ANNEES) ou les Neocons (dans la ligne du manifeste du PNAC, le « Project for a New American Century ») de retour sur le devant de la scène.

 

La machine américaine s’est donc lancée dans une logique de confrontation avec ses deux grands ennemis désignés : Russie et Chine. Et dans le même mouvement une vague de changements de régime a été planifiée, en Eurasie et en Afrique, via la machinerie bien réglée des « révolutions de couleur » …

 

Des jours sombres s’annoncent sur le monde, singulièrement en Afrique et en Eurasie. Ne refusons pas de les voir !

 

# NHM : Un message de fin aux peuples du Monde en quête de justice et surtout africains ?

 

Luc MICHEL : 2015 sera donc une année de combat. Une année de lutte contre l’impérialisme et l’exploitation et pour la Cause des Peuples.

 

Une année de luttes et de résistance. Notre Cause est juste, c’est celle de l’honneur et de la liberté des peuples face à la Nouvelle Carthage capitaliste yankee ! Mais nous ne vaincrons qu’unis, sur les quatre continents. Refusons donc ce qui divise, ce qui sépare, la xénophobie, les racismes, les petits-nationalismes séparateurs, les querelles dépassées du passé. Car la division ethnique, religieuse, culturelle ou nationale est l’arme privilégiée de l’impérialisme. Le temps nous est partout compté. Une décennie décisive dit-on à Washington. Ne sous-estimons pas l’ennemi, il progresse partout, fort de nos faiblesses, fort de notre désunion, fort de nos atermoiements. Sa « doctrine de Monroe » il l’a proclamée il y a deux siècles déjà, son unité économique, financière et politique, il l’a faite il y a 150 ans déjà. Ce sont ses flottes, ses armées, ses bases, ses alliances politico-militaires qui dominent le monde. Le temps est venu de penser l’unité, d’opposer un front uni. Le temps est arrivé de cesser de regarder le passé et de penser et d’organiser le futur. Il en va de notre liberté …

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