Aussi, pour faire accepter par la population ce risque terrible, la stratégie du lobby élaborée par le cabinet Mutadis consultant est triple :

– Nous convaincre qu’avec 3/4 d’électricité nucléaire, on ne peut pas s’en passer, d’où la promotion de l’utilisation massive d’électricité, (par le chauffage électrique, la climatisation, et maintenant de la voiture électrique).

– Œuvrer à ce qu’il n’y ait pas d’alternatives, pour cela il est nécessaire que nous soyons à la traîne du développement des énergies renouvelables, et à la traîne également des mesures en faveur de la sobriété et de l’efficacité énergétique.

– Prétendre qu’on peut vivre en zone contaminée, c’est ce que le lobby impose en Biélorussie et au Japon, au mépris de la santé des habitants, et ce pour des générations.

Mais, et c’est très grave, le lobby va profiter de la Conférence Climatique qui se tiendra à Paris cet automne pour faire la promotion du nucléaire ……

Convaincus qu’il faut arrêter le nucléaire en partie immédiatement, le reste en extrême urgence, et c’est possible*, certains d’entre nous estimons que ce risque est tellement effrayant qu’il faut non seulement lancer un programme exigeant de réduction de la consommation d’électricité, mais aussi accepter de brûler provisoirement des hydrocarbures en attendant que les renouvelables prennent le relais. La part du nucléaire dans la consommation totale finale d’énergie en France étant inférieure à 15 %, cela ne devrait pas demander un effort considérable pour compenser le fonctionnement des centrales thermiques nécessaires à la production d’électricité.

La dénonciation du nucléaire, qu’il soit civil ou militaire (les deux étant liés), n’empêche pas de se préoccuper aussi du réchauffement climatique. Nous notons que les experts estiment que pour espérer limiter à 2 °C la hausse des températures à la fin du siècle, « il faut réduire de 40 % à 70 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 ». Ce qui exige de « presque quadrupler la part des énergies à émissions de carbone nulles ou faibles », c’est à dire des énergies renouvelables. Le nucléaire ne peut être une solution à la lutte contre le réchauffement climatique, il faut au contraire l’arrêter, d’autant qu’il ne contribue qu’à hauteur de 2 % à la consommation totale d’énergie mondiale, c’est à dire rien, et on constate que sa production régresse.

A l’échelle de la planète, les ressources renouvelables contribuent à 22 % de la production d’électricité, contre moins de 10 % pour le nucléaire. Toutefois, la progression est rapide : les investissements annuels dans ce secteur ont été multipliés par 10 en 10 ans. La croissance est particulièrement forte dans les pays émergents : à elle seule, la Chine, en même temps qu’elle construit à tour de bras de nouvelles centrales à charbon, compte pour 40 % dans les nouvelles capacités électriques mondiales utilisant des ressources renouvelables.

En France, on est à la traîne. La météo clémente a entraîné sur l’ensemble de l’année 2014 un repli de 6% de la consommation française d’électricité, à 465 TWh. En dépit des accents vertueux des discours officiels, la France reste à la traîne avec une contribution de 19,5 % de la consommation électrique d’origine renouvelable, en 13ième position de l’Europe. On voit même, par exemple, EDF et l’ADEME bloquer le projet d’autonomie de production électrique de l’île de Sein qui, s’il marchait, donnerait des idées à d’autres collectivités….

L’hydraulique tient une position dominante (14%). L’éolien a pris un retard colossal (moins de 4%) du fait des obstacles administratifs, et des associations hostiles souvent aux mains de retraités du nucléaire. Quant à la filière des bioénergies électriques, dont les développements sont souvent contestables, elle contribue pour 1,1 % à la consommation (il s’agit de brûler des déchets ménagers, du biogaz, du bois-énergie, des déchets de papeterie).

Le photovoltaïque, quant à lui ne couvre que 1,2 % de la consommation ! Pourtant son intérêt a largement fait ses preuves, les matériaux qui le constituent sont recyclables, l’énergie consommée pour les fabriquer (temps de retour énergétique) est de deux ans environ, la durée de vie des panneaux solaires étant de l’ordre de 20 à 30 ans, et son coût baisse régulièrement.

Mais nous avons une singularité, un record lié au nucléaire, le chauffage électrique. Le concept de chauffage électrique est une particularité française instaurée à l’occasion du développement du parc nucléaire dont il fallait absorber et financer la production. Mais lors des hivers rigoureux, il engendre d’importants pics de consommation imposant un sur dimensionnement des capacités de production, très onéreux pour les consommateurs français, qu’ils soient chauffés à l’électricité ou pas. Nous bradons le courant à perte quand personne n’en a besoin, alors que tous les hivers nous achetons aux Allemands qui nous sauvent du black out des kWh hors de prix, pour alimenter les radiateurs électriques qui continuent à équiper les logements neufs.

Quand la température baisse d’1 degré, il faut mobiliser 2300MW de moyens de production supplémentaire soit près de deux tranches nucléaires ! Sauf que la lourdeur du nucléaire ne permet pas de suivre ces hausses de consommation, et ce sont les pays voisins, l’Allemagne essentiellement, qui les assurent… à grand frais.

Si les consommateurs qui utilisent le chauffage électrique assumaient seuls les surcoûts qu’il induit, ils devraient payer nettement plus cher, mais cela est répercuté sur l’ensemble des consommateurs qui sont injustement taxés.

Alors qu’en est-il du nucléaire hexagonal ?77 % de la production d’électricité en France était d’origine nucléaire en 2014 . C’est le pays où cette part est la plus importante : Belgique (52 %), Slovaquie (52 %), Ukraine (49%). Cette part tombe à moins de 20 % aux États-Unis et à un peu plus de 2 % en Chine.

Nous sommes donc le seul pays au monde dont les 3/4 de l’électricité produite reste atomique. Et ce au nom de l’indépendance énergétique, alors que tout l’uranium est importé ; au nom d’un prix de revient plus faible que les autres sources d’électricité, sauf qu’on ne prend pas en compte le coût réel de la recherche Fuck(budget du CEA), de la gestion des déchets pour lesquels aucune solution satisfaisante n’existe, du démantèlement des centrales et usines, et même pas l’assurance de catastrophes (c’est l’État qui assure, c’est à dire nos impôts). En fait, le nucléaire français n’est « compétitif » qu’avec la prise en charge par l’État des surcoûts et …. du trou d’Areva !

Et ce n’est pas fini, pour prolonger la vie des réacteurs et les mettre aux normes de sécurité suite à Fukushima, un programme est annoncé à 55 milliards, mais il sera probablement de 100 ou 150, voire 200 milliards : dans le nucléaire, les factures réelles sont toujours beaucoup plus lourdes qu’annoncé, voir le cas de l’EPR dont le coût est passé de 2,8 milliards au départ à près de 10 milliards aujourd’hui.

Et cela ne permet en aucun cas de préjuger de ce qui se passerait en cas de catastrophe en France, ce qui n’empêche pas le Sénat de retoquer les petites avancées de la loi sur la programmation énergétique. Cela soulève bien des questions. La France est-elle vouée à l’impuissance lorsqu’elle tente, même partiellement et progressivement, de s’attaquer au quasi-monopole de l’atome ?

Et qu’en est-il ailleurs dans le monde ?

440 réacteurs sont en service sur toute la planète selon l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) dont la majorité ont une moyenne d’âge comprise entre 28 et 35 ans. La France est la 1ère par habitant mais la 2ième en nombre derrière les États Unis. La moitié des réacteurs sont situés en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. L’Afrique n’en compte que deux et l’Amérique latine 7.

150 réacteurs ont déjà été fermés définitivement dans le monde et les constructions ou projets en cours ne compensent pas les fermetures.

L’après-Fukushima du nucléaire

Quatre ans plus tard, l’impact économique de l’accident de Fukushima-Daiichi sur le nucléaire planétaire apparaît toujours contrasté. Le Japon est sous le choc économique. Les 48 réacteurs qui produisaient ensemble environ 30 % de son électricité sont à l’arrêt. De ce fait, l’Archipel est devenu le premier importateur mondial de gaz naturel. le redémarrage de centrales nucléaires recherché par le gouvernement soutenu par l’internationale du nucléaire est très contesté par la population. D’où l’incertitude qui pèse sur Areva, dont le Japon était un grand et profitable client. De plus, l’arrêt des réacteurs japonais a entraîné une chute des prix de l’uranium.

A l’opposé, l’impact sur le nucléaire chinois s’est estompé. Si après la catastrophe, les autorisations de construction de nouveaux réacteurs avaient été gelées et certains chantiers en cours retardés, depuis, l’important programme nucléaire chinois a repris son cours normal. Comparativement, l’Inde reste un nain nucléaire.

En Europe, on note que l’Allemagne a décidé immédiatement après Fukushima d’accélérer sa sortie du nucléaire : Arrêt quasi immédiat d’une partie des réacteurs et sursis de quelques années pour le reste. La Suisse, l’Italie et la Belgique ont décidé d’abandonner le nucléaire. Mais en France on a simplement annoncé la fermeture de la plus vieille centrale du parc, Fessenheim, et ce n’est pas gagné, ainsi que la réduction en 2025 de la part du nucléaire dans la production d’électricité et ce n’est pas acquis non plus…

On assiste donc globalement à une régression du nucléaire mondial qui ne couvre même plus 10 % d’électricité, soit 2 % d’énergie totale consommée sur la planète. En effet construire un réacteur prend de nombreuses années à un coût de plus en plus élevé en concurrence avec les autres sources d’électricité qu’elles soient fossiles ou renouvelables. De nombreux réacteurs vont fermer dans les années à venir, qui ne seront quasiment pas remplacés.

La part des renouvelables dans le mix électrique mondial atteint désormais 21 % de l’électricité produite en 2012, en croissance assez rapide. Elle s’explique par une hausse de la production hydroélectrique en particulier en Chine, et par le dynamisme des autres filières renouvelables. Très forte progression de l’éolien, et encore plus du solaire.

Le cas de l’Allemagne est intéressant. 1,4 millions d’installations photovoltaïques étaient en fonctionnement en 2013, elles ont contribué à environ 5,7 % de la consommation d’électricité en Allemagne. L’énergie éolienne allemande également joue un rôle considérable. En effet, l’Allemagne dispose de 30 % des capacités de production d’énergie éolienne de l’Europe UE. L’Espagne (18 %) et le Royaume-Uni (10 %).

Mais il y a beaucoup plus intéressant : le prix élevé de l’électricité et de l’énergie en général a été un moteur très puissant de réduction des consommations en Allemagne, pendant que l’illusion d’une électricité « pas chère » poussait en France à toutes les dérives pour une consommation effrénée. La meilleure motivation pour réduire et maîtriser ses consommations, ce sont les économies réalisées, et les Allemands ont fait des progrès notables en sobriété et efficacité énergétique, sources aussi d’emplois, contrairement à ce qui se passe chez nous. Ainsi, un ménage allemand consomme près de la moitié moins d’électricité que son homologue français, ce qui leur coûte sensiblement la même chose.

La Chine est devenue en 2010 le premier producteur d’énergies renouvelables du monde en valeur absolue (elle dispose notamment de 29% de la capacité éolienne mondiale) et est devenue le premier marché pour le solaire photovoltaïque en 2013, suivie par l’Inde. L’Union européenne arrive en troisième position, avec une production plus diversifiée en termes de filières. Les États-Unis se trouvent à la 4ème place avec une production deux fois moins importante que celle de la Chine.

De plus en plus de régions, de villes et de territoires en Europe et dans le monde s’engagent dans une stratégie 100% énergies renouvelables à moyen ou long terme, comme par exemple la Communauté de communes du Mené en Bretagne qui vise l’autonomie énergétique en 2030 en réduisant ses consommations et en utilisant uniquement des sources renouvelables locales (biogaz, bois, éolien, solaire, etc.).

Une majorité des 48 Parcs naturels régionaux rejoindra bientôt la quarantaine de collectivités déjà engagées dans une démarche « Territoires à énergie positive*», visant l’objectif de l’autonomie énergétique à l’horizon 2030.

En Allemagne, plus de 130 collectivités, représentant un quart du pays, travaillent sur une transformation de leur territoire en «zone 100% renouvelable». En Autriche, les 106 « territoires modèles pour l’énergie et le climat », couvrant un tiers du pays ont la même ambition.

Coût comparé du nucléaire et des renouvelables. Grâce à la demande d’EDF à l’Angleterre de garantir le prix de l’électricité à 115€ /MWh pour y construire les réacteurs EPR, cela nous donne un prix de référence déjà 60% plus élevé que celui de l’électricité gaz (100€), charbon (75 €) ou éolien. Des éoliennes en France bénéficiant d’une implantation géographique favorable permettent déjà de produire l’électricité à un coût entre 60 et 70€/MWh.

Prolonger la vie des centrales nucléaires actuelles, qui produisent aujourd’hui à un coût de 60 €/Mwh, au-delà de 40 ans nécessiterait des investissements portant les coûts autour de 130 € par MWh.

Et ces coûts ne prennent pas en compte la prise en charge par l’État des recherches-développement effectuées au CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) et de ses essais excessivement onéreux Iter, Astrid, etc.

Le coût des énergies renouvelables est annoncé en chute libre. En particulier le solaire photovoltaïque a diminué de moitié depuis 2010 pour se situer actuellement ente 100 et 115 €.

Le coût du MWh éolien terrestre est inférieur à celui du MWh nucléaire, celui du solaire comparable mais baisse rapidement quand celui du nucléaire monte . Voilà pourquoi la « nucléocratie » entraîne la France à freiner leur développement, pour sauver le nucléaire.

Alors que les dégâts effrayants du nucléaire nous permettent d’en parler comme d’un crime contre l’humanité qui devrait être jugé comme tel, la « nucléocratie » s’efforce de sauver le nucléaire, comme le montre la politique vis à vis des renouvelables et des économies d’énergie. Ce choix mortifère menace la population de l’Europe occidentale.

Appelons à l’arrêt immédiat ou quasi-immédiat du nucléaire.

Pierre Péguin 11mars 2015

*Lien diffusé par Marie-Christine Gamberini pour lequel 37 réacteurs sur 58 peuvent être arrêtés du jour au lendemain, et progressivement les autres en quelques années.

http://www.arkitekto.net/P2_scenario_electrique.htm

**Énergies renouvelables – En finir avec les idées reçues !

Elles coûtent cher », « Elles demandent plus d’énergie à fabriquer qu’elles n’en restituent », « Elles détruisent des emplois »…

Nouvelle publication conjointe du CLER, du RAC et d’Hespul organisée sous forme de 11 fiches thématiques et complétée par un glossaire et des informations sur l’état d’avancement des énergies renouvelables en France, Europe et dans le monde.

La publication est téléchargeable ici

http://www.cler.org/IMG/pdf/enr-2015-bat3-web.pdf