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28 mars 2024

Désigner une « cinquième colonne » sert à masquer les intérêts économiques


De l’islamophobie à l’unité nationale, en passant par la surveillance de masse et la remise en cause du droit du travail…Le sociologue Saïd Bouamama passe en revue les nouveaux masques idéologiques de la domination dans la France de 2016. Entretien

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Comment analysez-vous, dans une perspective de long terme, les mesures gouvernementales mises en oeuvre depuis plus d’un an pour la prévention du radicalisme dans les écoles ?

Ces mesures sont essentiellement centrées sur l’idée d’un apprentissage des « valeurs de la République » et de la « laïcité » au sein de l’école. Elles sont donc avant tout de nature idéologique. Or se limiter à cet aspect est à la fois inefficace socialement et politiquement, et dangereux dans le rapport aux élèves.

Inefficace parce que le processus du devenir nihiliste (nous préférons ce terme à radicalisation) est toujours la rencontre entre un sentiment d’exclusion et/ou de négation et/ou de discrimination et/ou de stigmatisation et une offre explicative conduisant au nihilisme que les jeunes rencontrent auprès de « prédicateurs » ou sur le net. L’approche gouvernementale ne se préoccupe que de l’offre et néglige la demande (ces sentiments de négation, de stigmatisation, etc.). En niant l’existence de cette demande, il s’agit de ne pas s’attaquer aux réalités concrètes inégalitaires qui la produisent.

Comment sérieusement croire qu’affirmer que la République est la « liberté, l’égalité et la fraternité » quand l’expérience quotidienne de ces jeunes leur démontre que la liberté leur est refusée, que l’égalité est un mythe et que la fraternité n’est qu’un discours ? Rappelons-nous la demande la Ministre de l’Education Nationale de signaler les élèves refusant « d’être Charlie ».

Ce n’est pas sur la base de la peur ou de la menace ou à partir d’une injonction que l’on peut agir sur les grilles explicatives du monde qu’ont les élèves. Les seuls comportements que peut créer ce type d’approche sont dangereux : soit les élèves se conforment en taisant ce qu’ils pensent réellement aboutissant ainsi à « invisibiliser » la réalité, soit ils en rajoutent (comme fréquemment devant une injonction) accélérant ainsi la tentation sécuritaire de l’institution scolaire. Dans les deux cas, l’inefficacité est au rendez-vous.

Dangereuse dans le rapport aux élèves car elle pose les enseignants comme défenseurs de la version officielle de la réalité. Comment parler de la réalité actuelle et être crédible sans parler des guerres, des discriminations systématiques ou de l’islamophobie par exemple ? Les enseignants sont ainsi pris en otages. Ils doivent aborder une réalité complexe en ayant l’interdiction d’évoquer certaines de ses causes structurelles. Le processus du devenir nihiliste peut se décrire comme un processus de dévoiement d’une révolte légitime. Pour combattre le dévoiement, il faut commencer par reconnaître la légitimité de la colère afin de pouvoir montrer qu’elle se trompe de cibles.

Quelles conséquences ces mesures peuvent-elles avoir sur la notion du vivre ensemble en général et sur la population d’origine immigrée en particulier ?

Une des conséquences possible est le renforcement de l’approche culturaliste déjà fortement diffusée médiatiquement et politiquement. Cette approche n’explique pas les faits sociaux à partir de causes économiques, sociales et politiques mais à partir des caractéristiques culturelles et/ou religieuses d’un groupe.

En n’abordant pas toutes les causes matérielles du « devenir nihiliste », le culturalisme est inévitablement au rendez-vous. Les populations perçues ou se percevant comme musulmanes seront ainsi l’objet volontairement ou non d’un processus de stigmatisation. Cela d’autant plus que nous ne sommes pas dans un contexte anodin. On demande aux enseignants d’effectuer cette mission idéologique dans un contexte où il est question d’intervention en Lybie et de déchéance de la nationalité.

Pour ces deux aspects, les débats médiatiques et politiques diffusent à longueur d’antenne une approche culturaliste homogénéisant les musulmans réels ou supposées et présentant la violence comme liée spécifiquement à une religion. Ce faisant c’est l’idée d’une frontières entre un « Nous » et un « Eux » (les musulmans) que l’on renforce à longueur d’antenne.

La question que se posent ces jeunes n’est pas celle du « vivre ensemble ». Celui-ci existe de fait dans leur quotidien : ils vont à l’école, prennent le métro, ont des amis ou des amours d’autres origines, etc. La question posée est tout autre : c’est celle du « vivre ensemble égalitaire » c’est-à-dire du refus d’assignation à une position subalterne et stigmatisée. De nouveau, pour être crédible le rapport aux élèves doit répondre à cette question c’est-à-dire aborder les faits qui créent cette inégalité : les discriminations, l’islamophobie, les contrôles au faciès, etc. Agir autrement est comparable à l’attitude consistant à demander à un esclave de débattre de la démocratie sans reconnaître et combattre le statut social qui l’opprime.

Pensez-vous que la prolongation de l’état d’urgence en France soit justifiée pour des raisons sécuritaires ? Quel projet de société se dessine à travers cette entrée dans une situation de danger permanent lié au phénomène du terrorisme ?

Par définition, l’état d’urgence n’est efficace que dans un laps de temps très court. Passé ce délai, les personnes que l’on est censé débusquer s’organisent, s’adaptent, sont plus vigilantes, etc. La réponse sécuritaire peut avoir une efficacité à court terme mais jamais en s’installant dans la durée. S’il en était autrement, les régimes qui se sont basés sur l’état d’urgence permanent (comme le colonialisme, l’apartheid ou le nazisme) seraient des réalités encore prégnantes.

L’état d’urgence prolongé porte toujours la tentation à dépasser les frontières qui l’ont motivé initialement. Une des caractéristiques de l’état d’urgence actuel est qu’il a été utilisé bien au-delà du « terrorisme » c’est-à-dire contre des « écologistes », des opposants à la guerre, des squatteurs, des militants syndicaux, etc. Il s’agit ni plus ni moins que d’habituer la population au renoncement à ses droits fondamentaux. Prétendre que le prix de la sécurité est le renoncement aux libertés est un mécanisme classique de la dérive totalitaire.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus aucun danger d’attentats en France mais que la réponse à ceux-ci ne peut être durablement la seule réponse sécuritaire. Si la question des causes n’est pas prise en charge, la réponse sécuritaire ne fait qu’écoper une barque trouée.

Quel regard portez-vous sur la loi de juillet 2015 relative au renseignement ?

La loi du 24 juillet 2015 diminue les libertés fondamentales, légalise des pratiques auparavant illégales et autorise une surveillance de masse. En fait, elle vient légaliser des pratiques existant déjà antérieurement mais qui étaient illégales. Il s’agit d’autoriser ce qui se faisait déjà et donc qui pouvait être contesté en justice. La loi autorise par exemple l’analyse automatique du trafic internet en vue de détecter « les comportements suspects ». L’émotion populaire liée aux attentats a été instrumentalisée pour faire passer cette surveillance de masse.

Un des articles de la loi étend quasi-explicitement le champ d’application de la loi aux mouvements sociaux. Il pose que la compétence des services de renseignement s’étend à la « prévention des violences collectives susceptibles de porter gravement atteinte à la paix publique ». Une telle formulation floue autorise l’utilisation de techniques exceptionnelles pour surveiller les mouvements sociaux.

Ces deux exemples parmi beaucoup d’autres suffisent à souligner les véritables objectifs de la loi : éliminer toutes les entraves juridiques à l’action gouvernementale en matière de renseignement. Sans le contexte des attentats, de telles mesures auraient soulevé une mobilisation massive. L’instrumentalisation de l’émotion permet de remettre en cause les libertés fondamentales conquises par les luttes sociales antérieures.

Le véritable sens de cette loi ne peut être perçu qu’en le situant dans le contexte global actuel. Celui-ci n’est pas seulement celui du terrorisme mais aussi celui d’un démantèlement accéléré des droits sociaux comme le démontre l’actuel projet concernant le droit du travail. Dans un tel contexte, le besoin de contrôler les colères sociales pousse à éliminer les entraves juridiques à la surveillance de masse. Ce projet est liberticide et constitue un outil de la dérégulation généralisée de l’ultralibéralisme.

Dans l’un de vos articles récents, vous avez parlé de la « Lepénisation des esprits ». Comment analysez-vous ce processus et son impact sur la société ? Quels sont les principaux bénéficiaires d’une tendance à la banalisation de cet extrême de l’échiquier politique ?

La « Lepénisation des esprits » est le processus de diffusion à un éventail politique très large des mots, des logiques de raisonnement, des thèmes, des sujets, etc., qui étaient auparavant le propre de l’extrême-droite. Les thèmes de l’identité nationale qui serait menacée par nos concitoyens musulmans, celui de l’invasion par les réfugiés, celui d’une incompatibilité de l’Islam avec la « République », celui de la sécurité, etc., étaient auparavant le propre de l’extrême-droite et sont devenus des thèmes quasi-consensuels.

Un des seuils essentiels de la « Lepénisation des esprits » se trouve dans la phrase de Laurent Fabius en 1984 posant que « Le Pen pose de bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses ». Un tel raisonnement occulte que l’acceptation d’une question ou d’une manière de poser une question entraîne inévitablement et logiquement un type de réponse.

La conséquence prévisible que nous avions déjà énoncée en 1984 est l’enclenchement d’un processus de droitisation de la société dont nous voyons aujourd’hui les résultats dans les urnes. Une seconde conséquence est la légitimation de la thèse de l’existence d’un « ennemi de l’intérieur » que constitueraient nos concitoyens musulmans et/ou issus de l’immigration réels ou supposés. La « Lepénisation des esprits » clivent notre société entre un « Nous » menacé et un « Eux » menaçant c’est-à-dire nous fait entrer dans le cœur de la pensée politique d’extrême-droite.

Ce processus a une base matérielle. Il s’agit de détourner les colères sociales que peuvent susciter les politiques libérales actuelles en produisant des débats-écrans, en proposant de fausses cibles, en masquant les enjeux réels. Ce détournement répond à des besoins de court-terme (faire passer une nouvelle mesure, éviter un mouvement social contre la guerre ou contre une nouvelle montée de l’austérité, etc.) mais a des effets de long terme sur la société en consolidant cette prétendue frontière entre un « Nous » et un « Eux ». De cette manière, on divise ceux qui devraient être unis et on unit ceux qui devraient être divisés.

Dans votre livre « Les discriminations racistes : une arme de division massive« , vous vous montrez critique à l’égard du concept de « diversité », en décortiquant les aspects superficiels de ce modèle multiculturaliste qui célèbre l’entre soi et le cloisonnement. Il semblerait qu’une partie de ces critiques aient été assumées par le gouvernement français, lorsque le mot apartheid a été prononcé. Voyez-vous une évolution dans le traitement politique des quartiers populaires ?

La diversité fait diversion. Elle masque la question de l’égalité. Elle n’est que l’ouverture d’un système inégalitaire à l’égard de quelques-uns (quelques femmes, quelques personnes issus de l’immigration, quelques immigrés) pour mieux le reproduire pour les autres. L’image adéquate au concept de diversité est celle de la photo de famille. On prend une photo mettant en évidence la présence de noirs, d’arabes, de femmes, d’hommes, etc., sans préciser le nombre et la place de ces différentes catégories. Une telle image est bien différente de celle correspondant à l’égalité qui est celle de l’organigramme permettant de repérer la place de chaque catégorie sociale dans l’ensemble social.

Un autre avantage du discours de promotion de la diversité est de renvoyer l’échec de la majorité à sa propre responsabilité puisque certains minoritaires s’en sortent et réussissent. C’est loin d’être nouveau. Dans le passé, on mettait en avant des ouvriers étant devenus chef d’entreprises pour défendre le capitalisme ou quelques indigènes « évolués » pour défendre la colonisation.

La prononciation de l’expression « apartheid social » n’a rien changé à la situation. Elle n’a été suivie d’aucun effet concret ni d’aucune politique s’attaquant aux causes de l’inégalité. Pour cela, il aurait été nécessaire de mettre en œuvre une politique offensive de lutte contre les discriminations racistes qui sont massives et systématiques.

Par ailleurs, historiquement la société française s’est composée par le brassage de cultures. Quelles sont alors les étapes à franchir dans la reconnaissance et la participation réelle des populations aux identités multiples au sein d’une même société ? Quels sont les principaux obstacles ?

Il convient en premier lieu de rompre avec toutes les approches essentialistes de la culture et de la nation. Les nations et leur culture ne sont des réalités figées dont les identités resteraient les mêmes tout au long de l’histoire. Elles évoluent en fonction des changements de contextes et en fonction de la composition de leurs populations. Il faut cesser de confondre l’unité politique d’une nation et l’unicité culturelle. L’égalité des droits et des devoirs n’a rien à voir avec l’homogénéité culturelle.

Une seconde étape est de combattre les discriminations systémiques massives qui assignent des catégories de citoyens à des places sociales inégalitaires. Ce sont ces discriminations qui fragilisent nos sociétés et non sa composition plurielle. Enfin, ces éléments ne sont pas dissociables des politiques étrangères des Etats européens. On ne peut pas diaboliser des cultures ou des religions pour justifier des guerres et éviter que cette diabolisation ne touche ici ceux qui apparaissent issus de ces cultures ou de ces religions.

Vous avez déconstruit le mythe sur les supposées origines récentes du terme islamophobie, en revendiquant sa légitimité. L’emploi de ce mot continue à être tabou, y compris au sein d’une certaine « gauche ». Pouvez-vous revenir sur cette question ?

L’islamophobie est l’une des formes essentielle du racisme contemporain. Le racisme a une histoire. Il s’adapte pour continuer à être efficace. Il est apparu au début du capitalisme pour justifier la destruction des civilisations amérindiennes, puis l’esclavage et la colonisation. Avant, il y avait des guerres mais elles ne se justifiaient pas par une hiérarchisation de l’humanité en inférieurs et supérieurs.

Il a pris un premier visage dans le biologisme, c’est-à-dire dans la double affirmation de l’existence de race biologiquement différentes et d’une hiérarchisation de celles-ci. Le combat des « inférieurs », l’expérience du nazisme (qui est l’application du biologisme entre « supérieurs ») ont rendu illégitime le biologisme.

Un second visage est apparu : celui du culturalisme, c’est-à-dire une hiérarchisation des cultures en supérieures et inférieures. Le besoin de justifier les nouvelles guerres coloniales, dont un des enjeux est le gaz et le pétrole, a nécessité une mutation du culturalisme en le centrant sur la religion musulmane présente massivement dans les pays où se trouvent ces richesses.

Telles sont selon nous les causes matérielles du développement contemporain de l’islamophobie. Elle existait auparavant et en particulier à l’époque coloniale mais pour d’autres raisons : la justification de la colonisation. C’est pourquoi des Etats laïcs comme la France ont pu promouvoir une évangélisation à certains moments.

Il existe tout un débat sur la pertinence du terme islamophobie. Celui-ci n’est pas dénué d’intérêts. Certains préfèrent utiliser l’expression « racisme anti-musulman » par exemple. Je ne suis pas entièrement satisfait moi-même de l’expression islamophobie. Nous ne sommes pas simplement en présence d’une « phobie » ou d’une « peur » mais bien d’un racisme c’est-à-dire à la fois une idéologie, des préjugés et des actes racistes.

Cela étant dit, le débat est, pour moi, clos depuis que les premiers concernés, c’est-à-dire nos concitoyens musulmans réels ou supposés, ont choisi ce terme pour désigner l’oppression qu’ils subissent. Le reste n’est que de la coquetterie intellectuelle ayant comme conséquence de ne pas prendre la mesure réelle de ce nouveau visage du racisme.

Bien sûr, pour d’autres critiques du terme islamophobie, il s’agit de nier l’existence du phénomène en refusant de le nommer. C’est en particulier le cas des discours gouvernementaux qui ont besoin de l’islamophobie pour justifier leurs politiques intérieures et extérieures sans pouvoir le reconnaître ouvertement.

Des penseurs comme le regretté Ilan Halevi, ont souligné les parallélismes inquiétants entre l’islamophobie et la judéophobie. Partagez-vous ce constat ?

Oui, bien sûr, en soulignant que les débats sur la pertinence du terme « judéophobie » ont été beaucoup moins importants que pour l’islamophobie. Nous gagnerions beaucoup pourtant à une approche comparative. Plus grave encore est la hiérarchisation des racismes que construit le discours gouvernemental. Elle produit ainsi une hiérarchisation des racismes en en reconnaissant certains et pas d’autres. En réaction, se développe une contre-hiérarchisation que l’on pourra alors épingler.

Dans les sources de l’islamophobie moderne a surgi le mythe d’Eurabie. Pensez-vous que cette notion complotiste qui pointe le risque constant d’une cinquième colonne au sein des sociétés européennes soit devenue un outil incontournable des classes dominantes ?

La frontière entre la politique intérieure et la politique extérieure n’a jamais été entièrement étanche. Il faut légitimer les agissements à l’extérieur pour justifier ceux de l’intérieur. C’est encore plus vrai à l’époque de la mondialisation capitaliste. Dès lors, le besoin de légitimer les guerres à l’extérieur rend nécessaire de produire de « l’unité nationale » en construisant un ennemi apparaissant d’autant plus menaçant qu’il est de l’intérieur. Masquer les intérêts économiques qui suscitent des guerres à l’extérieur et paupérisent à l’intérieur rend nécessaire l’existence d’une « cinquième colonne ». Les colères sociales sont ainsi détournées vers de fausses cibles, d’une part, et la remise en cause des guerres est plus difficile, d’autre part.

Sur la question des réfugiés, nous assistons à des récupérations politiques et à une agitation médiatique tous azimuts. Ce cocktail conduit souvent à des réactions d’hystérie et de rejet de l’autre. Croyez-vous que notre prise de conscience sur ce problème soit à la hauteur ? Quelle devrait être la réaction des mouvements et forces progressistes ?

Les forces progressistes ne sont pas du tout à la hauteur de la situation. On ne peut pas approuver des politiques économiques internationales qui produisent de la misère de masse dans les pays du tiers-monde, tolérer des guerres qui sapent les fondements matériels des nations agressées, et être à la hauteur de la question que posent les réfugiés.

Tant que les forces progressistes n’insisteront pas sur les causes qui poussent à la migration, elles seront en porte à faux sur la question des réfugiés. L’exode de masse ne cessera pas tant que les causes qui le suscitent n’auront pas disparu. Tel devrait être le point de départ de toute analyse sur les migrations contemporaines.

Source : Investig’Action

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