Depuis le début des troubles en Syrie, le Nouvel Observateur a affiché ouvertement son appui aux opposants et son hostilité au président Bachar el-Assad. Les reportages décrivent toujours les atrocités du régime mais font silence sur les atrocités des mercenaires fanatisés armés et soutenus par des États de la région. Le 20 mai 2016 (1), l’hebdomadaire en remet une couche. Dans un entretien intitulé « Pour en finir avec Daech, il faut en finir avec Bachar al-Assad« , Sara Daniel recueille les propos de l’écrivain Yassin al-Haj Saleh. Sans faire dans la demi-mesure, Yassin al-Haj multiplie les déclarations péremptoires et les amalgames habituels. A aucun moment, la journaliste ne juge utile de rectifier les propos erronés ou de les pondérer.

Sociologue et écrivain, Yassin al-Haj est né à Raqqa en 1961 et a passé seize ans dans les prisons de Hafez al-Assad pour son appartenance au Parti communiste. En 2011, il a participé à la « révolution » syrienne avant de s’exiler en Turquie. Nous pouvons comprendre que son séjour dans les prisons du régime, ait pu altérer son discernement. Par contre le « Nouvel Observateur » qui utilise, à des fins partisanes ses propos et sans le moindre esprit critique, est condamnable.

Relevons tout d’abord une affirmation de Yassin al-Haj qui effectivement correspond à la réalité, mais pas dans le sens où son auteur l’exprime quant il parle du «sentiment très répandu dans le pays d’avoir été abandonné par le monde entier, voire d’être victime d’une conspiration ». Nous savons aujourd’hui que la guerre contre la Syrie aurait été planifiée depuis longtemps, pour des raisons géopolitiques liées au conflit israélo-palestinien (2) et activée pour des raisons stratégiques liées aux questions d’approvisionnement en gaz en provenance du Qatar. Le printemps arabe (3) et les manifestations pacifiques au début n’ont été que le prétexte attendu pour déclencher le conflit. Une analyse approfondie sur cette question, qui relève du vrai travail de journalisme d’investigation, n’est, semble-t-il, pas la priorité pour l’hebdomadaire.

Tout au long de ces propos, une constante revient :

« Il est impossible d’en finir avec le terrorisme islamique en s’alliant avec Bachar al-Assad ».

Cela nous rappelle étonnamment les propos répétés comme une mantra par Laurent Fabius, et d’ailleurs repris par son successeur au Quai d’Orsay, Jean-Marc Ayrault. Yassin al-Haj insiste :

 « Daech est notre ennemi en Syrie avant d’être l’ennemi du monde. Mais il est impossible d’en finir avec le terrorisme islamiste en s’alliant avec Bachar al-Assad. Pour en finir avec Daech, Al-Nosra et les autres, il faut en finir avec Bachar. Si l’Etat islamique a pu prendre une telle ampleur, c’est grâce à lui…Je ne peux appeler les Syriens à prendre les armes contre Daech tant qu’Assad sera au pouvoir. Comment le pourrais-je alors que j’ai vu des maisons pulvérisées par les bombes du régime, et que j’ai ramassé des morceaux de corps dans les décombres ? »

La journaliste ne s’interroge à aucun moment : que veut dire « en finir »? S’agit-il d’un appel à « liquider » le président Assad comme a été liquidé Kadhafi ? Et après sa « liquidation », les Syriens prendraient-ils, à l’appel de Yassin al-Haj, les armes contre Daech ? Heureusement que les Syriens n’ont pas attendu son appel pour lutter contre Daech, car sinon, les hommes en noir seraient aujourd’hui à Damas, et notre écrivain, Yassin al-Haj, toujours encore en sécurité en dehors de Syrie ! On relèvera d’ailleurs une affirmation pour le moins curieuse, lorsqu’il prétend « avoir ramassé des morceaux de corps dans les décombres », alors même qu’il est en exil en Turquie ?

Les affirmations mensongères se succèdent à un rythme accéléré dans la suite des propos. Nous relèverons que « les vetos russes et chinois au conseil de Sécurité de l’ONU continuent d’empêcher la communauté internationale d’intervenir en Syrie et protègent l’assassin de son peuple ».

Nous avons vu les conséquences de l’intervention de la dite « communauté internationale » en Libye, qui a ouvert la voie aux mouvements islamistes extrémistes, et transformé le pays en chaos, mais la journaliste ne réagit pas à ces outrances.

D’ailleurs Yassin al-Haj continue dans la même veine :

« Bachar a les mains libres malgré l’attaque chimique d’août 2013 qu’il a lancée dans la banlieue de Damas et qui a fait 1500 morts … »

Nous savons, depuis la propagande nazie, qu’un mensonge répétée mille fois devient vérité, mais il est troublant qu’une journaliste ne relève pas le mensonge d’une pareille affirmation : le nombre de morts n’a pas dépassé 300 à 400, selon les estimations les plus fiables, et le chiffre de 1500 jamais démontré, mais il a été utilisé depuis 2013 sciemment dans une désinformation systématique relayée par l’ensemble des médias. François Belliot, dans son ouvrage(4) en apporte la démonstration. Par ailleurs, nous savons aujourd’hui, par les travaux d’un VRAI journaliste d’investigation, Seymour Hersh,(5) que cette attaque aux gaz chimiques d’août 2013 était une attaque dont les tirs provenaient d’une position « rebelle ».

Jamais, le Nouvel Observateur n’a communiqué à ses lecteurs ne serait-ce qu’un résumé de cette enquête, ou tout au moins, ouvert un débat sur cette question, en présentant les éléments à charge ou à décharge. Et pour conclure, cette affirmation absolument sidérante :

 « Rappelons qu’il n’y a pas de comparaison possible entre les méfaits de Daech et ceux du régime : bien sûr les décapitations sont spectaculaires, mais ce sont les barils de bombes largués par l’armée de Bachar qui sont responsables de la grande majorité des morts et des blessés qui ensanglantent la Syrie »

Sont oubliés les massacres des Yézidis, la mise en esclavage des femmes, l’expulsion sous peine de mort, de tous les chrétiens des localités conquises par Daech (Mossoul, Quaraqosh, etc). Le gouvernement syrien a-t-il jamais massacré les chrétiens et autres minorités, comme le fait Daech ? Et prétendre que des barils de bombes sont responsables de la grande majorité des morts, c’est oublier toutes les victimes, militaires, agents et fonctionnaires syriens assassinés par les groupes djihadistes, c’est oublier tous les jeunes Syriens morts au combat en défendant leur patrie, c’est oublier tous les soldats faits prisonniers et exécutés par Daech, Al-Nosra et autres mercenaires.

La lecture de ce texte, dont le titre : «Je ne crois pas aux discussions de Genève » est  évocateur , est affligeant. Les contrevérités, toutes plus énormes les unes que les autres, qu’inflige aux lecteurs par Yassin al-Haj, peuvent, vu son contexte et son vécu, être, à la rigueur, expliquées par sa haine envers l’Etat syrien. Toutefois, en aucun cas un journal n’a le droit de répéter à longueur d’année des mensonges et des contre-vérités. Certes, il a le droit d’avoir son opinion, pour ou contre Bachar al-Assad, mais il est tenu à un devoir d’objectivité envers ses lecteurs.

Malheureusement, le Nouvel Observateur, comme d’ailleurs nombre de ses confrères, (Le Monde, Libération, etc) a depuis longtemps perdu son indépendance.

Marc Jean | 25 mai 2016 – Un lecteur du Nouvel Observateur

(1) tempsreel.nouvelobs

(2) Plan Oded Yinon : http://www.silviacattori.net/article5736

(3) « Arabesques, enquête sur le rôle des États Unis dans les révoltes arabes » par Ahmed Bensaada aux Editions Investig’Action 2015

(4) « Guerre en Syrie, le mensonge organisé des médias et des politiques français ». Editions Sigest.

(5) http://arretsurinfo.ch/les-faux-attentats-font-toujours-recette/

Source: http://arretsurinfo.ch/le-nouvel-observateur-persiste-et-signe-bachar-el-assad-et-daech-meme-combat/


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