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« Les Mythes fondateurs du choc des civilisations »

C’est sous ce titre que le nouveau livre de Youssef Hindi vient de sortir…(*)

Son précédent ouvrage « Occident et Islam » a mis en lumière les mécanismes et dogmes messianiques conduisant, depuis l’époque médiévale, à l’éclosion du sionisme.

Dans ce nouvel ouvrage, Youssef Hindi a une approche originale et différente : il s’attache – loin des stéréotypes qui fleurissent aujourd’hui – à remettre le fait religieux musulman en perspective avec ses textes fondateurs, notamment ceux du Coran, quand visiblement certains les instrumentalisent au lieu de les suivre…

Certes, il pourrait paraître étonnant en une période où des groupes terroristes se réclamant des paroles du Prophète et se livrent à des massacres aussi aveugles qu’immondes, de lire des développements aussi opposés…

Mais ce phénomène d’instrumentalisation fondamentaliste conduisant au terrorisme n’a rien, hélas, de nouveau et n’est pas même propre à l’Islam !

C’est ainsi qu’Alain Bauer, ancien grand maître du Grand Orient, professeur de criminologie dans diverses universités et au CNAM, consultant de tous les gouvernements français depuis celui de Michel Rocard, n’hésite pas, dans son cours, à faire remonter les origines du fondamentalisme terroriste, bien avant la secte des Assassins et les précurseurs du wahhabisme, aux juifs, notamment aux zélotes il y a plus de deux mille ans…

La bible aurait donc, tout autant que le Coran, conduit à des interprétations criminelles, dévoyées, génératrices des pires exactions ?… Une réalité à prendre en compte.

Dans cet ouvrage, Youssef Hindi s’attache à montrer avec rigueur comment des textes fondamentaux de l’Islam ont été détournés, secondairement réinterprétés par des « penseurs autoproclamés » qui se revendiquaient de l’Islam pour conduire à une vision sectaire et belliqueuse.

Certes, cet ouvrage de 200 pages ne permet pas d’épuiser le sujet, mais il traite d’un certain nombre d’exemples particulièrement pédagogiques, notamment sur des sujets sensibles et controversés en Occident, tels l’instrumentalisation des minorités religieuses, la condition de la femme dans l’Islam par opposition à la condition de la femme dans des pays islamisés qui y ont conservé des pratiques et usages pré-islamiques, les relations entre le califat et la laïcité. Etc.

C’est pourquoi on rappelle, par exemple, ce que beaucoup ignorent, que la femme musulmane, après mariage,  reste juridiquement maîtresse de ses biens, alors que dans le monde chrétien ils se sont trop facilement trouvés administrés, voire même confisqués, par le mari…

C’est ainsi que l’on comprend que l’Islam historique, loin de vouloir systématiquement « éradiquer le christianisme » a souvent entretenu avec d’excellentes relations.

Certes, en 1009, le calife fatimide du Caire, al-Hakim, fit détruire le Saint-Sépulcre. Mais son successeur permit à l’Empire byzantin de le rebâtir, et les pèlerinages furent à nouveau autorisés et connurent alors une faveur encore inégalée.

On oublie aussi trop facilement que la fameuse origine des Croisades est liée au refus de passage des pèlerins promulgué par de nouveaux occupants de la Palestine : les turcs Seldjoukides venus à travers l’Asie Mineure byzantine qu’ils avaient ravagée.

La confusion en Occident entre les Turcs et les autres musulmans conduira alors à des affrontements généralisés…

Au passage, Youssef Hindi tord le cou à un lieu commun aujourd’hui largement répandu par les politiques et les médias, à savoir que les civilisations pourraient fleurir dans un contexte laïc.

Cela n’a effectivement jamais existé. Et le christianisme n’a pu se développer en Occident, durant plus de quinze siècles, que parce qu’il constituait un pouvoir politique supra-national, source d’ailleurs de rivalités et de multiples conflits avec le Saint Empire Romain Germanique, la France, l’Espagne…

C’est bien ce que constatait, il y a déjà cinquante ans, le cardinal Daniélou dans « L’oraison, problème politique » – Paris, Fayard, 1965 :

« Il n’y a pas de civilisation qui ne soit religieuse. Inversement, une religion de masse n’est possible que soutenue par la civilisation. Or, il nous semble qu’aujourd’hui, trop de chrétiens acceptent la juxtaposition d’une religion personnelle et d’une société laïque.

Une telle conception est ruineuse tant pour la société que pour la religion. »

La crise civilisationnelle que nous vivons n’apparaît donc pas liée à l’affrontement en devenir, dénoncé, espéré, voire même suscité par certains, entre christianisme et islam, mais bien à une carence religieuse dans le monde chrétien d’aujourd’hui.

La politique anti-religieuse de la république porte d’ailleurs en elle-même sa contradiction puisque Vincent Peillon, l’un de nos grands prêtres du laïcisme, conscient du vide intellectuel et moral que cela induit n’hésite pas à plaider aujourd’hui pour la création d’une « religion républicaine ». Quel paradoxe !

De ce point de vue, l’islam est évidemment perçu comme une force agissant par la foi, donc comme une « menace » pour la laïcité, auto promue aujourd’hui « valeur de la république ».

Une force d’autant plus déterminée que le christianisme a nettement abdiqué depuis Vatican II ce rôle politique qui lui a permis de rayonner et d’assumer son rôle de facteur de civilisation.

Youssef Hindi fait ainsi l’état des lieux.

Une réflexion riche, documentée et référencée avec rigueur, qui devrait amener nombre de lecteurs à remettre en question une approche trop manichéenne et souvent biaisée de l’islam et du monde musulman, et qui devrait contribuer à éviter l’écueil de l’amalgame simpliste, largement professé aujourd’hui, qui conduirait à court terme à rejeter à tort l’ensemble de la population musulmane dans le giron de l’islamisme, avec tous les risques politiques et sociaux que cela implique.

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(*) « Les Mythes fondateurs du choc des civilisations

ou  Comment l’islam est devenu l’ennemi de l’Occident » Ed. Sigest http://editions.sigest.net/page0001017a.html

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Youssef Hindi est écrivain et historien de l’eschatologie messianique. Il est l’auteur des ouvrages Occident et Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme. De l’Europe médiévale au Choc des civilisations et Les mythes fondateurs du choc des civilisations. 2016, Editions Sigest.

Source: http://arretsurinfo.ch/a-propos-de-louvrage-les-mythes-fondateurs-du-choc-des-civilisations/