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28 mars 2024

Israël : « Douce illusion » de la résolution 2334 de l’ONU


Publié par Gilles Munier sur 4 Janvier 2017,

L’opinion de Xavière Jardez (AFI-Flash) :

« Et c’est une douce illusion de croire, un seul instant, qu’Israël, après près de 70 ans de violations, se soumettra au droit international quand, au moment même où cette résolution était présentée, 638 permis de construction de colonies dans Jérusalem Est occupée étaient accordés aux colons juifs, que des outposts clandestins étaient légalisés. D’autres acteurs sont aussi à l’œuvre pour dénier toute existence à la Palestine : Facebook encourage sur son site des annonces de logements à vendre dans les colonies israéliennes installées en territoire palestinien, Google Map émet des cartes qui oblitèrent les villages palestiniens- 250 pour la seule région d’Hébron – longeant les routes empruntées par les colons mais, interdites aux Palestiniens ainsi que le Mur de séparation de 450kms entre Israël et la Cisjordanie… »

 

Israël : « Douce illusion » de la résolution 2334 de l’ONU

Par Gideon Levy (revue de presse : Alencontre – 26/12/16)*

 

Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution pour établir un Etat juif (à côté d’un Etat arabe) dans la terre d’Israël. Soixante-neuf ans plus tard, le vendredi 23 décembre 2016, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté une résolution pour tenter de sauver celle votée en 1947. La résolution 2334, approuvée vendredi, a constitué un souffle de bonnes nouvelles, d’espoir, dans la mer d’obscurité et de désespoir des récentes années.

Alors même que tout allait à vau-l’eau – approfondissement de l’occupation, de plus en plus soutenue par les Etats-Unis sans compter une Europe qui se précipite à droite de l’échiquier politique – voilà une résolution de Hanouka [«Fête des Lumières» du 24 décembre 2016 au 1er janvier 2017] qui allume une mince bougie d’espoir. Alors qu’il semblait que les méchants allaient l’emporter, la Nouvelle Zélande et trois autres pays sont venus donner un cadeau de Noël au monde.

Donc, un grand merci à la Nouvelle Zélande, au Venezuela et à la Malaisie. Il est vrai que l’arbre de Noël qu’ils ont apporté, avec ses lumières étincelantes, sera bientôt enlevé. Donald Trump attend déjà à la porte. Mais l’empreinte restera. D’ici-là, réjouissons-nous, même si nous savons qu’on aura une gueule de bois le lendemain.

Il nous faut bien sûr interpeller rageusement le président Barack Obama: «Pourquoi n’est-ce que maintenant que vous faites quelque chose?» Et frustrés nous devons demander au monde: «Et qu’en est-il des actions?». Mais il est impossible d’ignorer la décision du Conseil de sécurité selon laquelle toutes les colonies sont illégales, par nature.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou peut bien rappeler ses ambassadeurs, tandis que son bras droit, le ministre Yuval Steinitz hurle que la résolution est «injuste» (il a visiblement un sens de l’humour!). Isaac Herzog [Parti travailliste], le leader de l’opposition, peut aussi bafouiller : «Nous devons lutter contre cette décision par tous les moyens». Mais toute personne ayant une conscience ne manquera pas de se réjouir de cette résolution.

En outre, aucun Israélien respectable ne devrait se laisser berner par la propagande qui prétend que la résolution est «anti-israélienne» – une définition que les médias israéliens se sont évidemment empressés d’adopter avec leur servilité caractéristique.

Cette décision a ramené Israël sur le sol solide de la réalité. Toutes les colonies, y compris celles dans les territoires qui ont été annexés, dont évidemment Jérusalem Est, constituent une violation de la loi internationale. Le monde entier est unanime pour le penser, aussi bien les soi-disant amis d’Israël que ses soi-disant ennemis.

Il est probable que les dispositifs de lavage de cerveau en Israël, de pair avec les mécanismes de répression et de déni, essaieront d’ébranler la décision. Mais lorsque les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie sont d’accord pour une déclaration aussi claire, cela sera difficile. Alors vous pouvez bien vous plaindre: «Tout le monde est contre nous», hurler à l’«antisémitisme», vous pouvez demander: «Qu’en est-il de la Syrie?». En fin de compte cette vérité limpide restera: le monde entier pense que les colonies sont un crime. Toutes les colonies.

Il est vrai que le monde ne lève pas un petit doigt pour éliminer les colonies, mais peut-être cela arrivera-t-il un jour. Mais à ce moment-là il sera trop tard.

La résolution 2334 établit une distinction artificielle entre Israël et les colonies en ce sens qu’elle vise les colonies et non l’occupation. Comme si c’étaient les colons d’Amona [1] qui étaient coupables et non pas tous les Israéliens.

Cette duperie prouve à quel point le monde continue à traiter Israël avec indulgence et hésite à prendre des mesures contre ce pays, comme il l’a fait contre la Russie après sa conquête de la Crimée.

Mais les Israéliens qui ne vivent pas à Amona, qui n’y sont jamais allés, doivent se poser la question: cela vaut-il vraiment la peine? Tout cela pour quelques colons qu’ils ne connaissent pas et qu’ils n’ont pas vraiment envie de connaître?

La résolution 2334 est destinée surtout aux oreilles israéliennes, comme le réveille-matin qui vous réveille juste à temps, comme une sirène qui vous incite à aller vous réfugier dans un abri antiaérien. Il est vrai que la résolution n’a aucune valeur concrète; il est vrai que la nouvelle administration états-unienne promet de l’effacer. Mais deux questions resteront. Pourquoi les Palestiniens ne méritent-ils pas exactement la même chose que les Israéliens? Et à quel point un pays avec sa puissance de lobbying, son armement et sa haute technologie peut-il continuer à ignorer le monde entier? Ce premier jour aussi bien de Hanouka que de Noël nous pouvons apprécier, ne serait-ce qu’un moment, la douce illusion [2] que la Résolution 2334 va soulever ces questions en Israël.

(Article publié dans le quotidien Haaretz en date du 26 décembre 2016; traduction et titre de la rédaction de A l’Encontre)

*Source et notes [1] et [2] sur le site : Alencontre.org

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