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29 mars 2024

Quatrième révolution industrielle, « Big Bata » démographie et nouveau rapport au travail…


AgoraVox le média citoyen
par Daniel MARTIN (son site)

mercredi 1er février 2017

Quel rapport entre les salariés d’Auchan qui manifestent contre le remplacement massif des caissières par des automates, Les chauffeurs avec véhicule de tourisme (VTC) d’UBER qui font la « grève » pour protester contre la hausse des tarifs de la plateforme numérique originaire des États-Unis ou l’expérimentation du premier Drone taxi ? Si a priori il n’y a aucune relation directe entre eux, en fait ils ont un dénominateur commun avec les effets produits par une nouvelle révolution industrielle, dans laquelle nous entrons à marche forcée. Selon les experts du forum économique de Davos (WEF) cela va provoquer la perte d’environ 5 millions de postes de travail jusqu’en 2020. Toutes les branches d’activités et tous les pays sont concernés. Par exemple, en France, 20.000 postes ont été supprimés en dix ans dans la grande distribution à cause du développement des caisses automatiques. Soit une baisse de 10 % des effectifs depuis leur mise en place et désormais il n’y a même plus besoin de caissières et à terme de manutentionnaires pour la mise sur rayon. UBER révolutionnait l’industrie des transports en lançant dans les rues de Pittsburgh ses premiers taxis autonomes. Fort de son succès, l’entreprise est déjà en train de plancher sur sa prochaine innovation : les véhicules volants ou drones Taxi. Face à cette annonce de nombreux sceptiques ont émis des réserves comme John ZIMMER, directeur de LYFT et principal rival de l’entreprise. Pour lui, la décongestion des villes passera plutôt par le développement de formes de mobilité partagées, de la conduite autonome, et la réinvention de l’espace urbain. Mais surtout par la réduction des mobilités, moins impressionnant qu’un drone volant, mais plus réaliste.

Des cycles étonnement réguliers d’un siècle environ pour les trois premières révolutions industrielles,

Les révolutions industrielles s’enchaînent presque mécaniquement comme dans une chaîne de montage qui assemble des éléments successifs. La toute première révolution industrielle Prend son essor dans les années 1780. L’invention en 1769 de la machine à vapeur par J. WATT en constituera l’élément déclencheur. 100 ans plus tard, en 1880, c’est au tour de la seconde révolution industrielle. Celle-ci donne un nouvel éclairage au progrès par la magie de l’électricité. Avec l’invention du moteur à explosion que le Belge Étienne LENOIR a mis au point, en 1860 et son perfectionnement qui le rendra opérationnel à partir de la fin des années 1880, c’est le début de l’ère du pétrole et de l’explosion démographique. Puis, un siècle après, à partir des années 1980 la troisième révolution industrielle annonce l’ère numérique avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour aboutir à la société dans laquelle nous évoluons de plus en plus portée par l’innovation technologique du numérique, qui depuis 2010 nous fait enter dans la quatrième révolution industrielle.

Avec la première révolution industrielle, l’histoire tourne ainsi la page d’un monde qui, depuis l’invention de l’agriculture au néolithique, il y a quelques 10 000 ans, avait très peu évolué. Surtout, l’activité de production n’avait pas connu de transformation majeure, malgré le recours à des énergies naturelles comme l’hydraulique ou le vent. Toutefois des sociétés rurales des pays pauvres, notamment Africaines, une partie ne connait pas encore l’électrification et travaille ses parcelles de terres pour survivre par sa seule force physique et celle animale. Pour l’habitant de ces pays, débattre sur la question : sommes-nous encore dans la troisième ou sommes-nous entrés dans la quatrième révolution industrielle lui est totalement incompréhensible et inutile au sens culturel et économique.

Révolution industrielle croissance et bombes démographiques

Les activités humaines épuisent la planète et modifient son fonctionnement. Ces transformations sont aggravées par la taille de la population mondiale qui a augmenté de façon continue depuis l’apparition de l’Homo sapiens et qui, malgré certaines irrégularités au cours des âges, dépasse maintenant sept milliards d’habitants. La croissance démographique a été particulièrement rapide au cours XXe et en ce XXIe siècle.

Au début de la première révolution industrielle (1780) la population mondiale se situe à environ 700 millions. Un siècle plus tard au début de la seconde révolution industrielle (1880) la population mondiale avec 1,4 milliard d’habitants a doublé. Encore un siècle plus tard au début de la troisième révolution industrielle (1980) la planète compte 4,4 milliards d’habitants, soit plus du triple qu’au début de la seconde révolution industrielle. A partir de 2010 où s’amorce le passage dans la quatrième révolution industrielle dite du « Big Data » la population mondiale frôle les 7 milliards qui seront atteints et dépassés l’année suivante. Autrement dit, en l’espace des trois révolutions industrielles la population mondiale a été multipliée par 10 sur un peu plus de deux siècles.

A partir des années 1950, nous assistons à une accélération extrêmement importante de la croissance démographique. Alors qu’il a fallu plusieurs millénaires pour atteindre le premier milliard d’humains (1830), ensuite un siècle pour atteindre 2 milliards (1930), 30 ans pour atteindre les 3 milliards (1960), 25 ans pour atteindre 4 milliards (1975),13 ans pour atteindre 5 milliards (1988), 12 ans pour atteindre 6 milliards (2000) et 11 ans de plus en Octobre 2011 pour atteindre et dépasser les 7 milliards (7,467 milliards au 1er Novembre 2016). Actuellement, c’est 1 million d’humains qui s’ajoutent à la population mondiale, tous les 4½ jours.

La croissance démographique apparaît aussi comme le fruit de l’amélioration des conditions de vie. Toutefois, dans les pays du tiers-monde, la pression démographique apparaît surtout comme un handicap et le lien entre démographie et développement de ces pays qui ne pourront jamais atteindre le modèle Occidental, auquel ses populations aspirent légitimement, reste l’objet de nombreux débats, mais à terme c’est le risque de grandes migrations avec des conflits aux violences insoupçonnables… Avec une perte annuelle mondiale de 100 000 km2 de terres arables et si la population augmente d’un milliard d’habitants dans les 12 ans à venir, comme pour la période 1999 – 2011, nous frôlerons les 9 milliards à l’horizon 2030 – 2035…Si on y ajoute l’épuisement des énergies fossiles, le dérèglement climatique, les conflits économiques aggravés par des données cultuelles et culturelles plus la sixième extinction qui a commencé, nos enfants et petits enfants ne nous diront surement pas merci…

Croissance et explosions successives de la bombe démographique entraînent l’épuisement des ressources fossiles, dont certaines seront accrues par les nouveaux besoins de la quatrième révolution industrielle.

 

 

 

Jeremy RIFKIN, homme clé de la prospective mondiale, est l’auteur du livre intitulé la « Troisième révolution industrielle », ouvrage dans lequel il analyse l’étouffement de nos économies sous la dépendance des énergies fossiles.

En étudiant les conditions qui ont déclenché les grandes révolutions économiques de l’histoire, il observe qu’elles se produisent à chaque fois que de nouvelles technologies de communication apparaissent et se conjuguent simultanément avec de nouvelles sources d’énergies. Selon lui, la crise que nous connaissons aujourd’hui tient au fait que nous cherchons à restaurer ou prolonger artificiellement les « vieilles recettes » de la deuxième révolution industrielle, plutôt que de se projeter dans une Troisième révolution industrielle, fondée sur le couplage des technologies de l’Internet et des énergies nouvelles.

Contrairement aux experts du forum économique mondial de Davos (WEF) qui considèrent que nous entrons dans la quatrième révolution industrielle, pour Jeremy RIFKIN nous sommes à un autre niveau d’évolution technologique de la troisième révolution industrielle et « Notre civilisation industrielle est à un tournant ». Le pétrole et les autres énergies fossiles touchent à leur fin, tandis que les technologies issues de ces énergies ou alimentées par ces dernières sont devenues obsolètes.

Toute l’infrastructure industrielle fondée sur ces énergies fossiles est dans un état d’obsolescence avancée et il en résulte une hausse dramatique des taux de chômage. Les gouvernements, les entreprises et les consommateurs sont submergés par les dettes, et les niveaux de vie s’effondrent. Un milliard d’êtres humains sont confrontés à la faim. Pire encore, les premiers signes du changement climatique, engendrés par ce modèle, font leur apparition, mettant ainsi en péril les capacités de survie de notre espèce.

Parmi ses propositions pour reconstruire une économie « durable » Jeremy RIFKIN identifie 5 piliers qui doivent être mis en œuvre simultanément :

Le développement des énergies renouvelables à grande échelle (champs éoliens, centrales photovoltaïques, énergies marines … )
La généralisation des énergies renouvelables à l’échelle de chaque bâtiment transformé en mini-centrales électriques
Le déploiement des technologies de stockage, par le biais de l’hydrogène ou d’autres moyens, dans chaque bâtiment et dans toute l’infrastructure, pour emmagasiner et réguler la production de ces énergies intermittentes
L’utilisation de la technologie de l’Internet pour transformer le réseau électrique en système intelligent de distribution décentralisée de l’énergie.
La transformation de la flotte de transport en véhicules électriques rechargeables ou à piles à combustible, pouvant acheter ou vendre de l’électricité sur un réseau électrique intelligent.

Lorsque, selon lui, les 5 piliers entrent en synergie et sont couplés à des progrès significatifs en termes d’efficacité énergétique, ils forment une nouvelle plateforme technologique indivisible qui permet d’augmenter considérablement la productivité des entreprises et des industries, de créer de nouvelles opportunités commerciales, de développer la création d’emplois, et d’atteindre des objectifs de développement durable ambitieux…

Le problème c’est que ni la problématique démographique, ni les besoins en électricité qui vont croitre démesurément ou les terres rares (qui ne sont pas aussi rares que cela) qui sont aussi une énergie venant du sous sol ne sont évoquées. Sans terres rares, pas d’Ipad, pas d’écrans plasma ni LCD. Impossible de produire une voiture hybride ou à pile à combustible, pas d’ampoules basse consommation. Or, aujourd’hui, la situation est alarmante. En effet, la demande de terres rares est explosive, notre dépendance totale et l’offre est sur le point de s’assécher violemment. Il n´existe peu de matières premières dont la demande a été multipliée par 30 fois en 50 ans. La Chine, c’est 90 à 95% de la production mondiale (2013) : elle alimente à elle seule toute la planète en terres rares. En 10 ans, elle a éradiqué la quasi-totalité de ses concurrents occidentaux par une guerre de prix destructive ; très peu ont survécu. Elle est devenue totalement « maître du jeu ».

Par ailleurs, n’oublions pas que l’électricité n’est pas une énergie primaire. Il faut du charbon, du gaz, du fioul de l’hydraulique, de la biomasse, du nucléaire pour la produire. Le renouvelable, même si l’on ajoute l’hydraulique, le photovoltaïque et l’éolien, ils ne peuvent compenser la production électrique fournie par les énergies fossiles, vu les niveaux actuels de consommation. Quant à passer à 100 % en dehors d’une décroissance drastique de la consommation et des coupures de courant obligées répétitives, c’est mission impossible, car l’électricité n’est pas stockable et pas de vent ou pas de soleil pas d’électricité. Certes pour des applications individuelles de faibles puissance le stockage en batteries est possible, mais ce n’est pas l’électricité issue du renouvelable qui va remplacer le coke pour produire de l’acier, ou extraire les lanthanides des terres rares qui sont indispensables, entre autre, à l’éolien et au photovoltaïque, et dont La demande augmente considérablement très rapidement…

Avec la quatrième révolution industrielle c’est aussi une rupture avec le rapport au travail sans précédent

Avec le « Big Data » qui signifie méga données, grosses données ou encore données massives nous entrons bien dans une quatrième révolution industrielle. C’est une nouvelle façon d’organiser les lieux de production caractérisée par une interconnexion des machines entre elles (via internet) mais aussi entre elles et l’extérieur (clients, partenaires, autres sites de productions). C’est aussi accroître la flexibilité de la production et d’optimiser la gestion des ressources au sein d’usines intelligentes, modulaires, qui intégreront de bout en bout toutes les interactions nécessaires à la vie d’un produit, de sa conception à sa commercialisation et à sa maintenance. On définit aussi la 4ème révolution industrielle par la convergence des technologies du numérique, des biotechnologies, et de la physique de l’infiniment petit.

Les transformations du monde du travail

La quatrième révolution industrielle marque une rupture avec la troisième qui s’accompagne d’une réorganisation complète du monde du travail, à la fois moteur et conséquence de celle-ci.

Si la troisième révolution industrielle a rompu avec le fordisme et le Taylorisme, c’est-à-dire à une myriade d’ouvriers généralement sans qualification qui exécutait des taches simples et répétitives sur des chaines de montage remplacées par la robotisation, celle-ci limitée à des séries d’opération précises, par exemple d’assemblage, dépendait toutefois de l’intervention humaine pour des tâches de surveillance, de contrôle, d’arrêt et de mise en route.

Avec la quatrième révolution industrielle c’est un nouveau concept d’usine complètement « virtualisée » qui permet de modéliser en 3D à la fois l’environnement de production, les processus de production, et les produits eux-mêmes, ce qui lui permet de se reconfigurer dynamiquement pour différents types de production en fonction de la demande et de l’usage des produits.

Toutes les machines, opérateurs, produits, physiques ou virtuels, communiquent entre eux, via l’Internet. Les chaînes d’approvisionnement, de production, de maintenance deviennent collaboratives. On utilise dans cette évolution l’ « Internet des objets », où tout objet à l’intérieur comme à l’extérieur de l’usine devient également un capteur connecté qui communique avec son environnement de production et d’usage via des réseaux intelligents. La boucle d’amélioration des produits est ainsi optimisée, comme leur maintenance.

Certes, il nous est aujourd’hui impossible de prévoir la nature et le type de nouvelles activités que générera forcément la 4ème Révolution industrielle d’ici les 20 prochaines années. Il était impossible à la fin des années 80 d’imaginer le bond du virtuel et du numérique qui contribue aujourd’hui à l’émergence de nouvelles formes d’emploi (plateformes numériques, par exemple). Avec la déconcentration des activités et le travail à distance, des formes hybrides d’emploi, à la frontière du salariat apparaissent déjà. En France, le statut d’auto-entrepreneur largement utilisé illustre parfaitement ce type de forme hybride d’emploi. Pour les entreprises, ce système a l’avantage de faire diminuer ses coûts. De leur côté, les travailleurs bénéficient d’un contact direct avec leurs clients, sont libres de décider de leurs horaires et peuvent combiner plusieurs activités. Bien que juridiquement indépendants, ils échappent à un lien de subordination tel que le définit un contrat de travail, mais ils peuvent être dépendants économiquement de plateformes numériques, avec tous les risques que cela implique.

Pour conclure

Passons sur la voiture sans chauffeur ou le drone taxi, la quatrième révolution industrielle, telle qu’elle a été évoquée au forum économique de Davos indique qu’elle entraînera la perte de plus de 5 millions d’emplois et si aucune action n’est engagée les « gouvernements devront faire face à un chômage en hausse constante et à des inégalités ». On peut imaginer les conséquences et dès lors regretter qu’elle fût exclue des débats des primaires de la droite, comme de la Gauche. Espérons qu’elle le soit au moins pour le vote final des premier et second tours des Présidentielles 2017.

 

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