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16 avril 2024

Autre vraie guerre de l’Orient compliqué, celle du Yémen ne passionne que moyennement les media.


mardi , 16 mai 2017

 

Autre vraie guerre de l’Orient compliqué, celle du Yémen ne passionne que moyennement les media. Pourtant, rapportée à la taille du pays & à ses infrastructures, la guerre qu’y conduit la coalition ad usum Saudi est d’une ampleur similaire (voire plus) à celles d’Irak & de Syrie. Dernier aléa en date : la volonté affichée de Riyad d’en partager le poids des victimes avec… Israël ! Retour sur la PsyOp de la puissance phare du wahhabîsme en marche &, surtout, ce qui se cache derrière… 1ère Partie.

Q. Lorsque vous énumérez les guerres qui saignent à blanc l’Orient compliqué, vous n’avez pas l’impression d’en oublier une ou deux ?

Jacques Borde. Ah, bon, et lesquelles ?

Q. Celles que conduit Israël ?

Jacques Borde. Oui et non, en fait. Je pense que la typologie des guerres que mène Jérusalem est totalement différente de celles qui touchent le reste de l’Orient compliqué. C’est aussi pour cela que, contrairement à beaucoup de mes confrères, je ne tiens pas Israël comme un des acteurs directs de la Guerre de Syrie.

Q. Comment cela ?

Jacques Borde. Prenons les choses sans l’ordre. Tout d’abord, les guerres actuelles qui font – ou, plutôt, devraient faire la une de l’actualité – sont au nombre de trois : Irak, Syrie et Yémen.

Ensuite, ce sont des guerre asymétriques, quoique partiellement. Je veux dire par là, que si, méthodologiquement, les combats qui opposent forces régnicoles alliés à Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)1 et Jayš al-Fateh (Armée de la conquête)2 sont largement asymétriques, ces guerres, jusqu’à la chute des fiefs historiques que sont Raqqa et Mossoul, offrent beaucoup d’éléments qui relèvent des guerres classiques : guerre de siège, guerre blindée, etc.

Dès lors, comment classer des affrontements qui se se situent quasiment au niveau des Batailles de Grozny (elle- même très semblable à celle de Stalingrad) ? Je pense évidemment là à Alep et Mossoul. Qui comme Grozny et Stalingrad seront entièrement (ou presque) à reconstruire et connaîtront elles aussi de vastes mouvements de population.

Posons nous la question : Où est l’asymétrie ? Où est la guerre classique ?

Q. Donc pas des guerres asymétriques, selon vous ?

Jacques Borde. Moins que Beyrouth en 1976 ou Mog en 1993.

Q. Mogadiscio : vous voulez dire ?

Jacques Borde. Oui, la 1ère Bataille de Mogadiscio3, les 3 et 4 octobre 1993, en Somalie, entre la Task Force Ranger du major-général William F. Garrison, en charge du Joint Special Operations Command (JSOC)4, et des milices de chefs de guerre somaliens, lors d’une tentative d’arrêter des proches du warlord le plus recherché, Mohamed Farrah Aidid.

Partant en fait de l’engagement renforcé US en Somalie, Opération Gothic Serpent/Task Force Ranger, Garrison déploie sa Task Force sur la ville. Soit :

– le Squadon C du 1st Special Forces Operational Detachment-Delta (1st SFOD-D);
– la Compagnie B du 3e Bataillon du 75th Ranger Regiment ;
– le 1st Bataillon du 160th Special Operations Aviation Regiment (Airborne) avec 16 hélicoptères ;
– des Pararescuemen & Combat Controllers du 24th Special Tactics Squadron de l’US Air Force ;
– une équipe de cinq SEALs du Naval Special Warfare Development Group (DEVGRU) de l’US Navy7.

Les 3 et 4 octobre 1993, la Task force, partie pour une mission de courte durée, est accrochée et tenue en échec jusqu’à l’arrivée de secours, enregistrant des pertes substantielles – 18 soldats tués et 84 blessés – ce en dépit de l’exemplaire tenue au feu de ses hommes.

Cette affaire qui entraînera – sur décision (controversée) du président de l’époque : un certain William J. Clinton – le retrait précipité de Garrison et de ses hommes, traumatisera profondément les Américains. Deux événements médiatiques en feront un moment incontournable de l’histoire des conflits armés :

1- la publication du livre Black Hawk Down: A Story of Modern War de Mark Bowden en 1999
2- son adaptation au cinéma par Ridley Scott en 20018, le film-culte9 Black Hawk Down.

Cette bataille sera aussi le modus operandi qui inspirera le plus directement les groupes terroristes (ou autres) dans leur vision du combat asymétrique. Notamment, par l’usage que l’on peut faire de simples RPG, arme antichar portative à l’origine, pour abattre des voilures tournantes à basse altitude.

Depuis, le RPG est aussi devenu une arme quasiment individuelle. Et beaucoup plus puissante. Je pense notamment à ses versions thermobariques.

Q. Et Israël, alors ?

Jacques Borde. Oui, Israël. Je pense que les Israéliens ont un cahier des charges, si je puis m’exprimer ainsi, totalement différent. Eux sont en guerre depuis 1948 !

Pour des raisons autant tactiques, stratégiques qu’économiques – le peuple juif est un peuple en armes, spartiate diront certains, dans un environnement économique plus proche de celui de la Silicon Valley que de l’économie dirigée – Tsahal est dans l’obligation de mener des guerres courtes, extrêmement efficaces. Mais nécessairement aussi très brutales. Mais quelle guerre ne l’est pas ?

Q. Pas des guerres asymétriques, selon vous ?

Jacques Borde. Cela dépend de l’adversaire. Syriens, Jordaniens et Égyptiens ont été des adversaires classiques. OLP, Jabhah al-Sha`biyyah li-Taḥrīr Filasṭīn (FPLP)10, Hizb as-Sūrī al-Qawmī al-Ijtimā`ī (PSNS)11 et Hezbollah, des adversaires asymétriques. Avec, concernant le Hezb, certains affrontements qui offraient des aspects quasiment classiques comme le choc des blindé israéliens face à des armements antichars traditionnels (sic)…

Q. Une Bataille précise ?

Jacques Borde. De mémoire, la Bataille de Bint Jbeil, je dirais. Une des principales batailles de l’Offensive Litani, les combats à ses alentours ont été d’une rare brutalité : Merkava Vs 9M133 Kornet (code OTAN AT-14 Spriggan), notamment…

Q. Pas le Hamas ?

Jacques Borde. Aussi. Mais quelque part, de moins en moins. Le Harakat al-Muqâwama al-‘islâmiya (HAMAS)12 et sa branche armée les Katā’ib Izz al-Din al-Qassam13, qui mènent la même guerre depuis des années ont fini par tomber dans une forme de classicisme polémologique qui ne surprend plus son adversaire israélien. D’où des défaites en série.

Plus ce qui, quelque part, fait la spécificité d’Israël en guerre…

Q. Quoi au juste ?

Jacques Borde. Les guerres d’attrition. Ou plutôt d’usure, le terme d’origine, Attrition Wars ayant d’abord été utilisé par des auteurs comme Samuel M. Katz14.

La plus connue étant celle qui s’est intercalée entre la Guerre des Six jours et la Guerre d’Octobre de 1973. Depuis, c’est de facto la donne qui prévaut entre Tsahal et le Hezbollah : on s’observe, on s’épie et on se porte des coups.

Q. Et la Syrie ?

Jacques Borde. C’est justement, ce que je vous dis : les actions militaires israéliennes en Syrie ne sont pas la participation de Jérusalem à la Guerre de Syrie, mais des éléments de la Guerre d’Attrition Tsahal/Hezbollah. La Syrie est le terrain, le terrain obligé, de cette guerre, pas son enjeu.

[à suivre]Notes

1 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
2 Coalition articulée autour d’an-Nusrah li-Ahl ach-Chām (Front Al-Nosra), le bras armé d’Al-Qaïda en Syrie. Se compose, pour être complet, de : Ahrār ach-Chām (Mouvement islamique des hommes libres du Cham), Jund al-Aqsa (Les soldats de Jérusalem), Liwāʾ al-Haqq, Jayš al-Sunna, Ajnad ach-Chām et de la Légion de Cham.
3 Appelée, côté US, The Battle of the Black Sea (Bataille de la mer Noire, du nom d’un quartier de Mogadiscio d’où elle es partie) ; Maalintii Rangers (Le jour des Rangers) côté somalien. A également été désignée par les militaires 1ère bataille de Mogadiscio pour la distinguer de celle de 2006, qui opposa les troupes gouvernementales et éthiopiennes aux forces islamistes.
4 Subordonné à l’United States Special Operations Command (USSOCOM) le JOSC est chargé de diriger et de coordonner les unités des forces spéciales US. A été impliqué dans: Urgent Fury (1983), Just Cause (1989), Desert Storm (1990), Gothic Serpent (1993), Uphold Democracy (1994), Enduring Freedom (depuis 2001) & Iraqi Freedom (depuis 2003).
5 Plus connu sous son nom de Delta Force.
6 Ou 160th SOAR, Night Stalkers.
7 Ou SEAL Team Six.
8 Diffusé en France sous le titre La Chute du Faucon noir.
9 Notamment pour les Néo-cons US.
10 Front populaire de libération de la Palestine, fondé 1967 par, entre autres, le Dr. Georges Habache et Ahmed Jibril qui scissionnera pour fonder le Front Populaire pour la Libération de la Palestine-Commandement Général (FPLP-CG).
11 Parti social national syrien, connu aussi sous le nom donné par la France de Parti populaire syrien, PPS, ou de Parti saadiste ou encore au Liban de Parti nationaliste.
12 Ou Mouvement de résistance islamique, en français. L’acronyme signifie également zèle en arabe.
13 Ou Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Harakat al-Muqâwama al-‘islâmiya (Hamas). Anciennement Al-Moujahidoun al-Philistiniyoun, les Combattants palestiniens.
14 Celui de The Ghost Warriors: Inside Israel’s Undercover War Against Suicide Terrorism ; Battleground: Fact & Fantasy In Palestine ; Merkava Main Battle Tank MKs I, II & III ; Armies in Lebanon 1982 ; Israeli Defence Forces since 1973 ; Israeli Special Forces ; Arab Armies of the Middle East Wars ; Israeli Elite Units since 1948.

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