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24 avril 2024

Corridas : Nicolas HULOT favorable à un débat, mais ce n’est pas gagné


 

par Daniel MARTIN (son site)

Je ne doute pas que la déclaration du Ministre d’Etat, ministre de la transformation écologique et solidaire Nicolas HULOT, concernant un éventuel débat avec en toile de fond l’interdiction de la corrida, soulève des « railleries » diverses et des attaques verbales agressives des aficionados de tauromachie, au prétexte qu’il y a d’autres urgences économiques, sociétales, environnementales à traiter, avant d’aborder ce sujet. Ces avis peuvent d’ailleurs être partagés par une partie de la population qui est confronté à des difficultés quotidiennes de tous ordres. Mais, je ne vois pas en quoi ce type de débat viendrait gêner, concurrencer ou s’opposer aux autres actions que doit mener en Priorité le Ministre HULOT, conformément « à sa feuille de route ».

On ne peut penser transition écologique, sans penser défense animale

… »La grandeur d’une nation et ses progrès en matière morale peuvent être jugés par la façon dont ses animaux sont traités »… (Gandhi)

Préalablement je tiens à préciser que lorsque je critique et m’oppose aux pratiques cultuelles d’égorgement halal ou casher des animaux, c’est contre le fait de l’acte d’égorgement sans étourdissement préalable et non contre l’identité de ceux qui pratiquent l’égorgement. De la même manière, par rapport à la corrida, c’est contre les organisateurs de ce type de spectacle sanguinaire et contre les aficionados, pas contre les habitants en général des régions où cela se déroule, dont la majorité y est souvent hostile. Idem pour toute autre forme de maltraitance des animaux, qu’il s’agisse des conditions d’élevage ou de consommation alimentaire de tels ou tels animaux, c’est contre les auteurs de ces maltraitance ou ceux qui encouragent et vivent confortablement grâce à ces situations et non contre tous les exploitants agricoles ou les populations locales des lieux où se passe ce type de traitement ou de consommation.

Les lois de la République ne doivent pas s’arrêter aux portes des arènes

Indignité, barbarie, voyeurisme… les mots ne manquent pas pour qualifier ces « spectacles » qui véhiculent la culture de la mort et le goût pervers de la souffrance en massacrant des centaines de taureaux chaque année en France.

La France partage avec l’Espagne le triste privilège d’être un pays ou la corrida est autorisée. Or, après l’archipel des Canaries en 1991 la Catalogne est la deuxième région d’Espagne qui interdit les corridas depuis 2012. Le message qui fut envoyé par les parlementaires Catalans doit être entendu en France. Que ce vote selon le Monde ait constitué un défi à Madrid, comme l’avait écrit le journal Le Monde à ce moment là, il n’en reste pas moins qu’il est le résultat d’une initiative populaire qui avait réuni 180 000 signatures alors que la corrida était très implantée en Catalogne comme dans le reste de l’Espagne. Il faut en finir avec ce mensonge que la corrida serait un art et une culture, il est temps de démystifier ces notions absurdes de pseudo traditions qui ne servent qu’à justifier une barbarie de plus.

Par ailleurs, les milliers d’enfants qui voient un tel spectacle ne peuvent en conclure que la violence pure envers les animaux est quelque chose de banal, de normal, puisque autorisé par la puissance publique … Que dire des écoles tauromachiques, où des enfants de 10 à 12 ans sont amenés à se faire la main sur de jeunes taurillons et vachettes ? La torture ça s’apprend en toute légalité. De plus comment prendre le risque d’exposer ces enfants à de graves accidents ? On peut par ailleurs s’étonner que les ONG de protection de l’enfance ne mènent pas de campagne contre ce type d’école. La plupart de ces écoles sont subventionnées par des fonds publics, ce qui est inacceptable. On doit obtenir que les pouvoirs publics interdisent dans les plus brefs délais les écoles tauromachiques sur le territoire français.

Nicolas HULOT, opposant à la corrida, favorable à un débat ouvrant la porte à son interdiction éventuelle.

Nicolas HULOT, Ministre d’Etat, Ministre de la transition écologique et de la solidarité, concernant la corrida, déclare le 23 juin à Jean-Jacques BOURDIN : « Je ne vais pas changer d’avis parce que je suis ministre. Je ne suis pas pour la corrida mais en même temps… » A la question : faut-il l’interdire ? Le Ministre a répondu « qu’il ne fallait pas esquiver le débat et que c’est un débat culturel, régional et identitaire ». (http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/23/nicolas-hulot-veut-ouvrir-le-debat-sur-la-corrida-six-raisons-d_a_22583917/ ). S’il a raison de proposer un tel débat pour pouvoir mettre un terme cette pratique barbare, il devra néanmoins compter sur la prise de position, toutefois différente, du président Emmanuel MACRON qui s’était posé en défenseur de la corrida, en déclarant que celle-ci faisait « partie intégrante de la culture et de l’économie ».

Emmanuel MACRON et LREM avaient d’ailleurs investi pour les élections législatives dans le Gard Marie SARA, ancienne torera à cheval, actuelle directrice des arènes des Saintes-Maries-de-la-Mer et de Mont-de-Marsan. Cette médiatique quinquagénaire de la promotion tauromachique avait obtenu l’investiture sur la deuxième circonscription gardoise, afin d’affronter le député d’extrême droite sortant, Gilbert COLLARD, autre aficionados de la corrida. Outre la colère légitime des associations anti corridas, le collectif des vétérinaires pour l’abolition de la corrida y était allé également de son couplet : « Marie SARA est surtout connue pour avoir exercé comme rejoneadora, torera à cheval, pendant quinze à vingt ans jusqu’en 2007. Elle a ainsi charcuté jusqu’à la mort des centaines de taureaux ». Les électeurs Gardois ayant renvoyé Marie SARA à la gestion de ses arènes, les aficionados de corrida ne pourront compter sur leur égérie, ce sera un handicap de moins à l’assemblée nationale par Nicolas Hulot.

Un débat avec des positions irréconciliables ?

Yvan LACHAUD, le président de l’Agglo de Nîmes, aficionados, farouche partisan de la corrida a réagi sur Twitter à la déclaration du Ministre de la Transition écologique et solidaire : « En prenant le risque de rouvrir le débat sur la corrida, Nicolas Hulot remet en cause un patrimoine culturel régional et identitaire ». 

Bien entendu, les anti corridas ont un avis diamétralement opposé et s’ils concentrent surtout leurs efforts sur la commune d’Alès, plutôt que sur d’autres bastions taurins, comme Nîmes ou Arles, c’est qu’ils estiment qu’elle est « prenable »  : « Parmi les villes où se tiennent des corridas en France, Alès s’avère être la plus septentrionale, explique Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC. Alès, c’est une terre de culture cévenole, pas une terre de corridas. D’ailleurs, très peu d’Alésiens se rendent aux arènes. » Comme d’ailleurs à Nîmes et dans les autres villes du Sud, en regard de leur nombre d’habitants.

Ni un patrimoine culturel régional et identitaire, la corrida n’est rien d’autre qu’une barbarie incompatible avec nos valeurs

La corrida, cette réalité horrible qu’il suffit à regarder lorsque la lance du picador qui coupe les ligaments de la nuque pour que l’animal baisse la tête, cette lance qui insiste et revient. Ces banderilles colorées qui continuent l’ouvrage en déchirant la chair. L’animal agonise dans l’incompréhension de ce qu’il subit, tandis que le public exulte. Au bout d’un trop long quart d’heure, l’épée s’enfonce ensuite entre les épaules du supplicié, plusieurs fois si nécessaires, et un poignard dans le crâne l’achève s’il refuse de mourir. Il paraît que c’est de l’art, une métaphore de la mort, le combat de l’homme contre sa propre animalité, ou une foutaise du genre.

Non Monsieur le Président MACRON, la corrida ce n’est cela la France moderne, progressiste et humaniste que vous souhaitez incarner. Cette pratique rétrograde et barbare, alors même que la Catalogne l’a supprimé il y a plusieurs années, alors même que le code civil français vient de reconnaître la sensibilité de l’animal, vous ne pouvez tolérer les pratiques barbares d’une France en marche… arrière, dont la majorité des Français rejettent d’ailleurs massivement cette pratique.

Un sondage Ifop-Alliance anti corrida affirmait en 2015 que 73 % des Français sont favorables à la suppression des corridas avec mise à mort des taureaux. « Oui, mais il y a la tradition ! » répondent en chœur les défenseurs de la tauromachie. L’argumentum ad antiquitatem, philosophiquement inacceptable, est toujours le même : « Il faut préserver une belle habitude locale porteuse d’histoire et d’identité ! » Même cette justification est fausse. La corrida n’a jamais été une tradition française, mais espagnole. Elle n’est arrivée en France qu’en 1853, pour faire plaisir à Eugénie de MONTIJO, l’épouse de Napoléon III.

Que je sache, les courses camarguaises qui peuvent s’inscrire dans une culture locale et qui remonteraient au XII ou XIII siècle ne sont qu’un jeu d’adresse avec le taureau qui en aucun cas ne doit être maltraité, ni mis à mort.

Mettre fin aux dérogations accordées à certains départements du Sud de la France

Aujourd’hui, la corrida est interdite sur l’ensemble du territoire français, au nom de l’article 521 du code pénal qui interdit de pratiquer des « sévices graves » ou « actes de cruauté » envers les animaux apprivoisés ou tenus en captivité.

Des dérogations sont accordées pour quelques départements du sud de la France, au nom d’une « tradition locale ininterrompue »  dont on ne rappellera jamais assez qu’elle est non fondée et purement imaginaire.

Les dispositions la loi s’applique sur l’ensemble du territoire, on peut d’ailleurs s’interroger sur la légalité constitutionnelle de ces dérogations, dès lors que l’article 1er de la constitution indique : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion »…

Pour éviter toute ambiguïté il serait plus judicieux de modifier l’article 1er de la charte de l’environnement qui a valeur constitutionnelle en modifiant Article 1er. De la façon suivante : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré, respectueux de la santé et des autres espèces animales. Les mauvais traitements aux animaux, de quelques manières que ce soit, tels que des spectacles mettant en scène la souffrance animale sont interdits, de même que l’abattage sans étourdissement préalable ne doit souffrir d’aucune dérogation ». 

Par ailleurs, contrairement aux arguments promotionnels, la majorité de la population des départements concernés n’est pas plus favorable que le reste des Français aux massacres de taureaux en public : en 2017, un sondage Ifop-Alliance anti corrida révélait que 75 % des habitants des départements « taurins » sont opposés aux corridas.

Pour conclure

Monsieur le Président de la république, de grâce, ne cédez pas aux lobbies des aficionados, tenez compte de la volonté des Français et des vérités éthologiques les plus basiques qui disent toute l’indignité de la tauromachie. Au-delà des préoccupations et des urgences écologiques, sociales, économiques, environnementales au quotidien auxquelles vous devez répondre, il y a parmi celles-ci des millions de Français qui attendent de vous un geste pour enfin abolir cette barbarie qu’est la corrida. Un débat, certainement ? Mais à condition qu’il ne serve pas à justifier le maintien du statu quo…

 

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