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29 mars 2024

La UNE Tunisie : HCE, un problème pour son papa, son parti, le pays


Tunisie : HCE, un problème pour son papa, son parti, le pays

La UNE

par Souleymane LOUM – 23/05/2018

Délétère, nauséabond, affligeant. Il n’y a pas d’autres mots pour qualifier le climat politique du pays actuellement. Toute la science politique du monde ne sert à rien pour tenter de décrypter ce qui se passe en ce moment sur la scène politique. La Tunisie est entrée dans la démocratie par la mauvaise porte : Le régime parlementaire, avec scrutin proportionnel. Non pas que ce système soit mauvais en soi, mais il sied aux citoyens qui en ont la maturité. On est loin, très loin, de pouvoir en dire autant pour les Tunisiens. Le chef de l’Etat, Béji Caid Essebsi, en a rajouté aux problèmes du pays en sortant de sa tête un OVNI politique qui ne pouvait prospérer que dans cette Tunisie post-révolutionnaire de tous les possibles : Le Pacte de Carthage, après le prétendu échec du gouvernement de Habib Essid sur lequel d’ailleurs il y a beaucoup à dire, et surtout nuancer. Mais le plus important pour nous, présentement, c’est ce Document de Carthage, dont la première version n’a pas donné la preuve de son efficacité, sinon on n’aurait pas besoin d’une deuxième, une deuxième d’ailleurs dont on connait par avance l’issue. Qu’est-ce que la Tunisie aura gagné dans cette agitation qui a fait perdre un temps précieux (le Document n’est toujours pas signé d’ailleurs) ? Rien…

Pendant que les citoyens ont la tête ailleurs (les commerçants fraudeurs à la faveur du Ramadan, la montée des prix, la Coupe du Monde…), le microcosme politique local fait ce qu’il sait faire le mieux : De la surenchère, des manoeuvres dilatoires, de la diversion pour faire oublier son incompétence notoire et son absence totale de vision pour le pays, et encore plus de programme alternatif crédible pour nous tirer de ce mauvais pas. Ce tintamarre autour de l’éviction du chef du gouvernement, Youssed Chahed, un mouvement impulsé et alimenté par l’UGTT, et opportunément rejoint par le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, aurait pu passer si le pays allait mieux. Mais dans ce contexte économique difficile, où la Tunisie est surveillée comme du lait sur le feu par le FMI, où le gouvernement, lesté par le peu d’atouts qu’il a à présenter aux bailleurs, n’ose même pas s’aventurer sur le marché international de la dette, poser des actes qui déstabilisent encore plus le pays est proprement criminel et mérite, je pèse mes mots, le qualificatif de haute trahison.

Ils n’ont pas retenu les leçons du 6 mai

On avait fini par oublier ces derniers jours que la centrale syndicale est l’initiatrice du projet de changement du patron du gouvernement, tant le directeur exécutif de Nidaa Tounes est apparu, dans la presse, comme l’activiste majeur de cette affaire. HCE a certes rejoint la fronde anti-Chahed dans le tard, mais il ne faut pas oublier qu’on lui prête ces desseins depuis un bon moment. Mais faire ça maintenant, alors que son papa fait tout pour sauver la tête de Chahed face à l’irréductible SG de l’UGTT, Noureddine Taboubi, c’est à tout le moins mettre en difficulté le président de la République. Mais HCE n’est pas un problème que pour son père, il l’est aussi pour son parti, une machine de guerre qu’il a pratiquement démolie. La déroute des municipales en est la parfaite illustration, après les vagues de démissions au sein du groupe parlementaire et l’érosion massive des militants de la première heure.

Les élections de 2019 pourraient être l’épilogue de cette descente aux enfers. Mais pour le moment personne ne s’est décidé à freiner le fils du chef de l’Etat. D’abord ce dernier, qui s’obstine à garder le silence face aux dégâts provoqués par son fils, qui est entré par effraction dans la politique, par la seule force de son patronyme. Ensuite le silence coupable des membres de la direction du parti, qui font exactement comme l’ex-SG Mohsen Marzouk, qui avait préféré la fuite…

Les électeurs auraient pu régler le problème HCE, mais voilà, il les fuit comme la peste. On avait cru à un moment qu’il allait se jeter dans la mêlée des municipales partielles d’Allemagne, mais après avoir sous-pesé ses chances, il a préféré reculer. Idem pour le Congrès électif de Nidaa Tounes, qu’il repousse sans cesse. Et il a bien raison de craindre ce rendez-vous. Le communiqué qu’il a posté mardi 22 mai 2018 dans la soirée sur sa page Facebook, avec ce qu’il faut en réaffirmation de soutien affiché au chef de l’Etat, laisse penser qu’il a mis beaucoup d’eau dans son jus et qu’il a décidé de ne plus se mettre au travers du chemin de son père. A le lire, entre les lignes, on ne devrait plus entendre HCE réclamer la tête du poulain du président de la République, du moins publiquement. Cela devrait suffire au bonheur de BCE. Cela devrait suffire aussi pour stopper les séances de double langage que Ennahdha a commencées, autour du départ de Chahed. Cela permettra surtout de fermer un épisode politique malheureux et dangereux, et retirer aux partis au pouvoir leurs munitions pour leur laisser le temps de méditer sur les leçons amères des municipales, ce que manifestement ils n’ont pas encore fait.

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