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24 avril 2024

Le petit journal de Chris


Le spectaculaire échec médiatique à propos de Charlie Hebdo

Le spectaculaire échec médiatique à propos de Charlie Hebdo

Par Shamus Cooke le 18 janvier 2015
L’une des ambitions essentielles du journalisme est de répondre à la question « pourquoi ». C’est le devoir des médias d’expliquer « pourquoi » un événement s’est produit, afin que le lecteur puisse réellement comprendre ce qu’il lit. Si l’on évacue le « pourquoi », la page se remplit des suppositions et des stéréotypes que ne manquent pas de dispenser les politiciens, dont les réponses ridicules ne sont jamais contestées par les médias dominants.
Le véritable « pourquoi » du massacre de Charlie Hebdo étant resté sans réponse, un coupable – de toute évidence, faux – a été trouvé, ce qui a déclenché une discussion nationale complètement débile dans les médias U.S. pour savoir si l’Islam était « intrinsèquement » violent.
Le simple fait que les médias posent cette question prouve soit une méconnaissance crasse du Moyen-Orient et de l’Islam, soit une volonté délibérée de manipuler les émotions du public en donnant la parole uniquement aux prétendus experts qui croient en de telles absurdités.
Les médias devraient savoir que jusque dans les années 1980, le fondamentalisme islamique était pratiquement imperceptible au Moyen-Orient – excepté dans l’Arabie Saoudite dictatoriale, soutenue par les U.S.A et dont la monarchie régnante ne survit que grâce au soutien états-unien. La religion officielle de l’Arabie Saoudite est une version unique et fondamentaliste de l’Islam, qui constitue, avec la dynastie royale, le socle du pouvoir gouvernemental saoudien.
Avant les années 1980, l’idéologie dominante au Moyen-Orient était le socialisme panarabe, une idéologie laïque qui considérait le fondamentalisme islamique comme rétrograde, tant d’un point de vue social qu’économique. Les fondamentalistes islamiques ourdissaient des attentats terroristes contre les gouvernements « socialistes panarabes » d’Égypte, Syrie, Libye, Irak et d’autres gouvernements qui se sont rapprochés de cette idéologie à différentes époques.
Le fondamentalisme islamique avait virtuellement disparu entre 1950 et 1980, excepté en Arabie Saoudite et plus tard au Qatar qui constituent les derniers bastions et les bases d’accueil des fondamentalistes bannis des pays laïques. Cette dynamique s’est renforcée pendant la guerre froide, quand les U.S.A. se sont rapprochés du fondamentalisme islamique – Arabie Saoudite et États du Golfe – tandis que l’Union Soviétique devenait l’alliée des nations laïques se définissant comme « socialistes ».
En 1978, quand la révolution de Saur en Afghanistan installa un gouvernement d’inspiration socialiste de plus, les États-Unis ripostèrent en s’associant à l’Arabie Saoudite pour fournir quantités d’armes, d’entraînement et de financement aux jihadistes du mouvement fondamentaliste alors à l’état embryonnaire, transformant ce dernier en une force sociale régionale qui allait bientôt devenir les Taliban et al-Qaïda.
Le jihad afghan, épaulé par les États-Unis, représente la naissance du mouvement fondamentaliste islamique moderne. Le jihad a attiré et organisé les fondamentalistes de toute la région, tandis que les alliés des U.S.A. dans les dictatures des États du Golfe se servaient de la religion d’État pour le promouvoir. Les combattants qui partaient se battre en Afghanistan rentraient ensuite dans leur pays, riches d’un entraînement militaire et d’un statut de héros qui suscitaient d’autres vocations.
Plus tard, les États-Unis ont aidé à nouveau les fondamentalistes en envahissant l’Afghanistan puis l’Irak, en détruisant la Libye et en menant une impitoyable guerre par procuration en Syrie. Les fondamentalistes ont présenté ces invasions et la destruction de nations jadis prestigieuses qui s’en était suivie comme autant de preuves que l’Occident était en guerre contre l’Islam.
Le fondamentalisme islamique n’a cessé de prendre de l’ampleur pendant cette période, avant de connaître un essor colossal à partir de la guerre par procuration épaulée par les États-Unis contre le gouvernement syrien, fortifiant considérablement en particulier le jihad afghan.
Une fois de plus, le gouvernement états-unien s’est allié aux fondamentalistes islamiques, lesquels constituent les principaux groupes qui se battent contre le gouvernement syrien depuis 2012. Pour rallier les milliers de combattants étrangers nécessaires, l’Arabie Saoudite, le Qatar et d’autres États du Golfe ont promu le jihad à travers les médias d’État, les personnalités religieuses et les mécènes du pétrole.
Tandis que le mouvement du jihad s’épanouissait en Syrie, les politiciens et les médias états-uniens gardaient le silence, même devant la croissance exponentielle de groupes comme al-Qaïda et l’ISIS alimentés par les énormes quantités d’armes et d’argent fournies par les États du Golfe. Tout cela fut virtuellement ignoré par le gouvernement d’Obama jusqu’en 2014, lorsque l’invasion de l’Irak par l’ISIS a atteint la région kurde parrainée par les États-Unis.
En bref, les guerres états-uniennes en Afghanistan, Irak, Libye et Syrie ont détruit quatre civilisations parmi l’ensemble des nations à majorité musulmane. Des peuples jadis prestigieux ont été anéantis par la guerre – leurs citoyens tués, blessés, réfugiés ou étranglés par le chômage de masse et les privations. Des conditions idéales pour que s’épanouisse le fondamentalisme islamique dans le style saoudien, fort des promesses de dignité et de grandeur que ce dernier fait résonner chez ceux qui en ont été privés.
Un autre échec des médias états-uniens à propos de Charlie Hebdo est la manière dont ils ont débattu de la « satire », saluant les actions du magazine comme l’expression la plus haute des principes de liberté de la presse et de liberté d’expression.
Il est important de savoir ce qu’est la satire politique et ce qu’elle n’est pas. Bien que la définition varie, la satire politique est généralement comprise comme dirigée contre des gouvernements ou des personnages puissants. C’est une forme redoutable de critique politique et d’analyse, et elle mérite la protection la plus stricte au nom de la liberté d’expression.
Cependant, lorsque ce même humour cinglant est dirigé contre des minorités opprimées, comme les musulmans le sont en France, le terme de satire cesse de s’appliquer et il devient un instrument d’oppression, de discrimination et de racisme.
La discrimination à laquelle les musulmans français sont confrontés a considérablement augmenté au fil des années ; l’exemple le plus notoire, abondamment relayé dans le débat politique et médiatique, ayant été l’interdiction prononcée en 2010 de se « couvrir le visage », une mesure expressément dirigée contre le port du voile par les femmes musulmanes.
Cette discrimination s’est encore accentuée quand la classe ouvrière française a été soumise à la pression de l’austérité. Depuis la récession généralisée de 2008, cette dynamique s’est accélérée, et du coup les politiciens appliquent de plus en plus la politique du bouc émissaire contre les musulmans, les Africains et tous ceux qui pourraient être perçus comme des immigrés.
C’est dans ce contexte que les caricatures visant à blesser les musulmans en ridiculisant leur prophète Mahomet – un acte spécialement offensant pour l’Islam – sont extrêmement insultantes et devraient être considérées comme une incitation à la haine raciale en France, pays où les Arabes et les Nord-Africains sont particulièrement visés par les attaques de l’extrême droite contre les immigrés.
Le fait que les gens clament leur solidarité avec Charlie Hebdo, journal qui a produit quelques-unes des caricatures les plus racistes et incendiaires contre les musulmans, les Arabes et les Africains du Nord, est un signe clair de la déchéance politique dans laquelle la France est tombée. Cela a participé à la culture de la haine, et s’est traduit par des attaques antimusulmanes après le massacre à Charlie Hebdo. C’est exactement cette dynamique, cette politique du bouc émissaire qui a conduit à la persécution raciste des juifs par Hitler.
Peut-être le racisme en France a-t-il dépassé celui des États-Unis, car si jamais le Ku Klux Klan était attaqué en raison de propos haineux envers les Mexicains, il serait impensable que l’opinion publique étatsunienne se mette à proclamer : « Je suis le KKK ».
Charlie Hebdo n’est évidemment pas un journal d’extrême droite. Mais ses attaques incessantes contre les musulmans et les Africains montrent à quel point il s’est intégré à l’establishment politique français. Un establishment qui s’appuie de plus en plus sur la persécution des minorités pour rester au pouvoir, afin d’éviter que les grandes sociétés et les plus riches soient accusés d’être responsables des conditions déplorables de la classe ouvrière française. Mieux vaut critiquer les syndicats et les minorités pour expliquer le triste état de l’économie française dominée par les multinationales.
La seule manière de combattre la politique du bouc émissaire est de dénoncer les forces sociales responsables de la crise économique, et de les faire payer pour les solutions qu’elles voudraient faire financer à la classe ouvrière, à travers des mesures d’austérité et les baisses de salaire.
Shamus Cooke | 15 janvier 2015
Shamus Cooke est travailleur social, syndicaliste et journaliste à Workers Action (www.workerscompass.org).
Traduit par Diane Gilliard, Chris, Christophe pour Arrêt sur Info 
 
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LA GRÈCE, LORD BYRON ET LE CHAPEAU DE BOLIVAR
 PAR RICHAR GOTT
L’historien Richard Gott, ex-rédacteur en chef du Guardian, auteur entre autres de “In the Shadow of the Liberator: The Impact of Hugo Chávez on Venezuela and Latin America”, Verso, 2001; « Cuba: A New History”, Yale University Press, 2004.

Il y a quelques années, alors que je voyageais dans l’avion présidentiel de Hugo Chavez avec un ami français du Monde Diplomatique, on nous demanda notre avis sur la situation en Europe. Un mouvement vers la gauche était-il possible ? Nous répondîmes avec le ton déprimé et pessimiste qui caractérisait les premières années du 21ème siècle. Ni au Royaume-Uni ni en France, ni ailleurs dans l’eurozone, nous ne discernions la possibilité d’une percée politique.

« Dans ce cas, reprit Chávez avec un regard pétillant, nous pourrions peut-être vous venir en aide ». Il nous rappela l’époque de 1830 où les foules révolutionnaires arboraient dans les rues de Paris le chapeau de Simón Bolívar, le libérateur vénézuélien de l’Amérique du Sud qui allait mourir quelques mois plus tard. Le combat pour la liberté, dans le style de l’Amérique Latine, était vu comme le chemin à suivre pour l’Europe.Sur le moment, je fus encouragé mais pas convaincu par l’optimisme de Chávez. Ce n’est qu’à présent que je pense qu’il avait raison; il était bon de nous rappeler qu’Alexis Tsipras, le leader du parti de la gauche radicale grecque Syriza, en visite à a Caracas en 2007, avait posé la question de la possibilité de recevoir à l’avenir du pétrole vénézuélien à bas prix, tout comme Cuba et d’autres pays des Caraïbes et d’Amérique Centrale. Il y eut ce bref moment où le maire Ken Livingstone et Chávez manigancèrent un accord pétrolier prometteur entre Londres et Caracas, rompu ensuite par Boris Johnson.

Plus important que la prospection de pétrole bon marché, il y a le pouvoir de l’exemple. Chávez s’est engagé au tournant du siècle, et même auparavant, dans un projet qui rejette les politiques néo-libérales affligeant l’Europe et une grande partie du monde occidental. Il s’est opposé aux recettes de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International et a bataillé avec force contre les politiques de privatisation qui ont abîmé le tissu social et économique de l’Amérique latine et avec lesquelles l’Union Européenne menace à présent de détruire l’économie de la Grèce. Chávez a renationalisé les nombreuses industries, dont celles du gaz et du pétrole, qui avaient été privatisées dans les années 90.

Les paroles et l’inspiration de Chávez avaient eu un effet au-delà du Venezuela. Elles ont encouragé l’Argentine à dénoncer sa dette; à réorganiser son économie par la suite et à renationaliser son industrie pétrolière. Chávez a aidé le bolivien Evo Morales à administrer ses industries du gaz et du pétrole en faveur de son pays plutôt que des actionnaires étrangers, et plus récemment à stopper le vol par l’Espagne des profits de sa compagnie de l’électricité. Par-dessus tout il a montré aux pays d’Amérique Latine qu’il existe une alternative au seul message néo-libéral transmis sans fin depuis des décennies par les gouvernements et les médias rivés à une idéologie dépassée.

C’est l’heure où ce message alternatif doit être entendu plus loin encore, doit être écouté par les électeurs d’Europe. En Amérique Latine, les gouvernements qui mettent en oeuvre une stratégie alternative ont été élus et réélus constamment, montrant son caractère efficace et populaire. En Europe, les gouvernements de quelque couleur que ce soit qui appliquent le modèle néo-libéral semblent chuter au premier obstacle, montrant que la volonté du peuple ne suit pas.

Si Chávez et ses coreligionnaires de la nouvelle “Révolution Bolivarienne” ont appelé à un socialisme du 21ème siècle , ce n’est ni pour revenir à une économie à la soviétique ni pour continuer l’insipide adaptation social-démocrate du capitalisme, mais comme l’a décrit le président de l’Équateur Rafael Correa, pour rétablir la planification nationale par l’État « en vue du développement de la majorité de la population « . La Grèce a une occasion merveilleuse de changer l’Histoire de l’Europe et de lancer en l’air ses chapeaux de Bolivar comme le firent les Carbonari italiens à Paris il y a tant d’années. Lord Byron, qui avait l’intention de s’établir dans le Venezuela de Bolivar avant de faire voile pour contribuer à libérer la Grèce, baptisa son bateau « Bolívar »; nul doute que les évènements contemporains lui auraient plu.

Londres, le 16 mai 2012.

URL de l’original (anglais) : http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/may/16/hugo-chavez-lessons-europe-greece

Traduit de l’anglais par Thierry Deronne

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-1IG

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Les inégalités grandissantes sont l’œuvre d’une élite mondiale qui s’opposera à tout ce qui risque de mettre ses intérêts en jeu.
 

Les milliardaires et les oligarques qui se rassemblent cette semaine à Davos s’inquiètent des inégalités. Que les maitres du système responsable du plus important fossé économique mondial de l’histoire de l’humanité se lamentent des conséquences de leurs actions peut être dur à avaler.

Mais même les architectes de l’ordre économique international en crise permanente commencent à en percevoir les dangers. Il n’y a pas que le dissident et propriétaire de fonds d’investissement George Soros, qui aime à se décrire comme un traitre de classe. Paul Polman, directeur général d’Unilever, craint la « menace capitaliste au capitalisme ». Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, craint, elle, que le capitalisme puisse, comme l’avait dit Marx, « contenir les graines de sa propre destruction » et avertit de la nécessité d’agir.
L’ampleur de la crise leur a été révélée par l’ONG Oxfam. 80 personnes possèdent maintenant autant de richesses que les 3.5 milliards les plus pauvres – la moitié de la population de la planète. L’an dernier, les 1% les mieux lotis possédaient 48% des richesses du monde, et 44% 5 années plus tôt. Si la tendance actuelle se prolonge, les 1% les plus riches possèderont plus que les 99% restant dès l’année prochaine. Les 0.1% les plus riches font encore mieux, quadruplant leur part de revenu US depuis les années 80s.
Il s’agit là d’un accaparement de richesses d’une ampleur grotesque. Pendant 30 ans, sous le règne de ce que Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre appelle « le fondamentalisme de marché », les inégalités de revenus et de richessesont explosé, à la fois entre et au sein de la grande majorité des pays. En Afrique, le nombre absolu d’individus vivant avec moins de 2$ par jour a doublé depuis 1981, tandis que la liste de milliardaires enflait.
Dans la quasi-totalité du monde, l’apport du travail dans le revenu national a continuellement diminué et les salaires ont stagné sous ce régime de privatisation, de dérégulation, et de faible taxation des riches. Tandis que simultanément la finance aspirait la richesse depuis le royaume public pour la redistribuer à un petit groupe, au détriment du reste de l’économie. Aujourd’hui les preuves s’accumulent et montrent bien qu’une telle appropriation de richesse est non seulement un outrage social et moral, mais qu’elle nourrit les problèmes sociaux et climatiques, les migrations de masse et la corruption politique, bloque le développement de la santé et les opportunités de vie, augmente la pauvreté, et creuse les divisions de genres et d’ethnies.
Les inégalités grandissantes sont aussi un facteur crucial de la crise économique des 7 dernières années, en pesant sur la demande et en alimentant le boom des crédits. Et ce ne sont pas simplement l’étude de l’économiste françaisThomas Pikettyou des auteurs britanniques de l’étude sociale « The Spirit Level » qui nous ont appris cela. Après des années à promouvoir l’orthodoxie de Washington, même les organismes dominés par l’occident comme l’OCDE et le FMI font remarquer que le fossé grandissant de revenu et de richesses a été un élément clé de la faible croissance des deux dernières décennies néolibérales. L’économie britannique aurait été 10% plus importante si les inégalités n’avaient pas explosé. Aujourd’hui les plus riches utilisent l’austérité pour se tailler une part encore plus grande du gâteau.
La grande exception à la vague d’inégalités de ces dernières années, c’est l’Amérique latine. Les gouvernements progressistes de la région tournent le dos à ce modèle économique désastreux, reprennent le contrôle des ressources que les corporations avaient accaparées, et combattent les inégalités. Le nombre d’individus vivant avec moins de 2$ par jour est passé de 108 millions à 53 millions en un peu plus de 10 ans. La Chine, qui a aussi rejeté une partie du catéchisme néolibéral, a connu une forte hausse des inégalités, mais a aussi sorti plus de personnes de la pauvreté que le reste du monde dans son ensemble, compensant l’écart de revenu mondial croissant.
Ces deux cas soulignent le fait que la croissance des inégalités et de la pauvreté est loin d’être inévitable. Elles sont le résultat de décisions politiques et économiques. Les oligarques de Davos ayant un minimum de bon sens réalisent que permettre aux choses de continuer ainsi est dangereux. Certains souhaitent donc plus de « capitalisme inclusif » – avec une fiscalité plus progressive – afin de sauver le système de lui-même.
Mais cela ne sera certainement pas le résultat de songeries dans les montagnes suisses, ou d’anxieux déjeuners auGuildhall. Peu importe le ressenti de quelques barons d’entreprises, les intérêts des corporations et de l’élite – et donc les organisations qu’ils dirigent et les structures politiques qu’ils ont colonisées – ont montré qu’ils combattront bec et ongle même les réformes les plus modestes. Pour bien le comprendre, il suffit d’écouter les hurlements de protestation, dont ceux de membres de son propre parti, en réaction à la proposition d’Ed Miliband de taxer les maisons valant plus de 2 Millions de £ afin de financer les services de santé, ou à la demande du « réformiste d’une seule fois » Fabian Society qui suggérait que les dirigeants du parti travailliste soient plus pro-business (comprenez pro-corporation), ou de regarder le mur de résistance que le congrès a opposé à la proposition d’Obama de redistribution modérée de la fiscalité.
Peut-être qu’une partie de l’élite inquiète est prête à payer un peu plus de taxes. Ce qu’ils n’accepteront pas c’est le moindre changement dans la balance du pouvoir social – c’est pourquoi, pays après pays, ils s’opposent à toute tentative de renforcement syndical, bien que l’affaiblissement des syndicats soit un facteur clé de la croissance des inégalités du monde industrialisé.
C’est seulement en défiant les intérêts établis qui se nourrissent d’un ordre économique dysfonctionnel que la vague d’inégalités pourra être inversée. Le parti anti-austérité Syriza, favori des élections Grecs de ce week-end, tente de faire cela exactement – ce que la gauche Latino-Américaine a réussi à faire ces 15 dernières années. Mais en arriver là requiert des mouvements sociaux et politiques plus forts afin de briser ou de passer outre le blocage de ce circuit politique colonisé. Les larmes de crocodile sur les inégalités sont le symptôme d’une élite apeurée. Mais le changement ne peut venir que d’une pression sociale soutenue et sans relâche, et d’une contestation politique !
Seumas Milne | 22 Janvier 2015
Article initalement paru en anglais sur le site du Guardian. (Traduction: Nicolas CASAUX)
Seumas Milne est chroniqueur et directeur adjoint de la rédaction du quotidien britannique The Guardian. De 2001 à 2007, il en a été le responsable des pages Opinions. Auparavant, il avait été journaliste spécialisé dans les questions liées au travail et reporter du journal au Moyen-Orient, en Europe de l’Est, en Russie, en Asie du Sud et en Amérique latine.
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Le Nouvel Observateur, soutien inconditionnel de l’opposition armée au « régime » syrien
 
 
Le Nouvel Observateur dans ses reportages et éditoriaux se présente, depuis le début des événements dramatiques de Syrie, comme un soutien inconditionnel de l’opposition armée au « régime » et un adversaire féroce du président Bachar al-Assad. Lors des attaques au gaz en août 2013, attribuées au gouvernement syrien par l’ensemble des médias français et européens, le Nouvel Observateur était en pointe dans ces accusations. Rappelons-nous que l’aviation française était prête à décoller pour bombarder les positions militaires du « régime », et que, seul, le recul in extremis du président Obama a évité « d’ajouter la guerre à la guerre » selon l’expression du Président Mitterrand. A remarquer qu’aucun média ne s’est interrogé sur les raisons de ce recul, sinon pour le mettre sur le dos d’un président velléitaire et manquant de courage.

Deux articles récents parus dans le Nouvel Observateur méritent quelques commentaires

 « Bachar doit partir » clamait avec arrogance le chef de la diplomatie française en 2012 au Liban

Dans l’édition n°2618 du Nouvel Observateur du 8 au 11 janvier 2015, plusieurs journalistes du magazine recueillent les propos de Laurent Fabius à propos de la conférence mondiale sur le climat prévu à Paris en décembre 2015. Après des observations variées sur l’environnement (on  ne manquera d’ailleurs pas de s’étonner que le ministre des Affaires étrangères cumule aussi le ministère de l’environnement), les journalistes posent une question surprenante dans ce contexte :
« En Syrie, face au danger de Daech, la France est-elle tentée de renouer le dialogue avec Bachar al-Assad ? »
Réponse de M. Fabius : « Certains gouvernements ont cette tentation, pas nous. Le principal responsable de la mort de plus de 200 000 Syriens ne peut pas être l’avenir de son peuple ! Comprenez bien que le groupe terroriste Daech et Bachar al-Assad sont les deux faces d’une même médaille. Ils se combattent  et encore pas toujours – mais ils se légitiment réciproquement. Nous devons lutter contre Daech, soutenir l’opposition modérée et continuer à chercher une solution politique »
On notera les poncifs repris en chœur par tous les médias : C’est Bachar al-Assad qui est le responsable principal des 200 000 morts, les opposants armés n’ont tué personne bien évidemment !
L’affirmation que Bachar al-Assad et Daech, « se légitiment réciproquement » reprend l’acusation rebattue selon laquelle le régime aurait fait libérer les terroristes les plus dangereux pour ensuite accuser l’opposition des crimes que ne manqueraient pas de commettre ces derniers.
La quadrature du cercle : lutter contre Daech, soutenir l’opposition « modérée » (M. Fabius peut-il parler des groupes armés « modérés », mais où sont-ils ?) et chercher une solution politique.
On dit pourtant que l’ennemi de mon ennemi est mon ami, il nous semblait que c’était bien le groupe terroriste Daech qui représente le plus grand danger pour l’Occident et de manière générale pour toutes les communautés du Proche Orient, certainement pas le président syrien, qui, sauf preuve contraire, n’a jamais commis d’épuration ou de génocide à l’encontre des minorités de Syrie (chrétienne ou autres), et n’a jamais menacé l’Occident d’attentats terroristes.
Mais les journalistes ne relèvent pas cette contradiction fondamentale, ils continuent dans leur rôle de faire-valoir du ministre :
« En attendant, on meurt tous les jours en Syrie ….. »
« Et même  massivement ! »
Et le ministre ose prononcer ces paroles, lisez avec attention :
« Un jour est à marquer d’une pierre noire pour la communauté internationale, c’est celui où il a été décidé de ne pas réagir fortement alors qu’il était avéré que Bachar al-Assad avait fait usage d’armes chimiques contre son peuple. Quand les historiens dresseront le bilan de cette période, ils établiront, je crois, que cette attitude, qui n’est en rien le fait de la France, mais plutôt la conséquence du vote du Parlement britannique et de la décision américaine, a marqué un tournant non seulement  dans le conflit syrien, mais probablement aussi dans l’attitude de plusieurs dirigeants sur la scène internationale. Le président russe lui-même n’a-t-il pas interprété cela comme l’autorisation d’intervenir ailleurs en toute impunité ? »
Il est absolument sidérant de constater qu’un ministre du gouvernement français persiste et signe dans une accusation qui ne repose sur aucune preuve, mais dont, bien au contraire, une enquête, conduite par un journaliste américain d’envergure mondiale, a apporté les preuves qu’il s’agissait d’une provocation. M. Fabius ignore, ou feint d’ignorer, les conclusions de l’enquête de Seymour Hersh.
Ce journaliste indépendant est, depuis 46 ans, par ses enquêtes exemplaires, l’empêcheur de tourner en rond de tous les présidents qui se sont succédés à la Maison Blanche. Il est, notamment, connu pour sa révélation du massacre de My-Lai au Vietnam en 1969. Ses enquêtes sur les tortures infligées aux détenus de la prison d’Abou Ghraïb en Irak ont fait le tour du monde. Dans un ouvrage publié en 2004 sous le titre Dommages collatéraux, la face cachée de la guerre contre le terrorisme, Seymour Hersh dévoile, entre autres, l’écheveau des manipulations qui ont conduit à la guerre contre l’Irak, guerre qui sera la matrice du chaos actuel au Proche-Orient.
Le reportage de Hersh, «  Le sarin de qui ? » lui avait été commandé par le New Yorker qui l’a refusé, puis présenté au Washington Post, qui l’a refusé à son tour, pour être finalement publié au Royaume-Uni par la London Review of Books. Il est vrai qu’aucun média français n’a jamais accordé la moindre attention à cette information, sauf, semble-t-il, François-Olivier Giesbert, qui, dans un billet dans Le Point en juin 2014, y faisait une simple allusion mais sans s’appesantir sur le sujet.
Tous les médias français, et occidentaux, avaient, sans exception, considéré le gouvernement syrien comme le seul responsable des attaques au gaz chimique, mais aucun n’a jugé utile d’informer ses lecteurs de son erreur. C’est dire le mépris avec lequel les médias traitent leur public. Le vieux dicton « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose » est plus que jamais d’actualité. Mais ce qui est encore plus sidérant, c’est qu’aucun journaliste ne réagisse à une affirmation mensongère du ministre, ne serait-ce qu’en lui rappelant l’existence d’une enquête prouvant le contraire !
L’affirmation par M. Fabius que le recul des Etats Unis dans le dossier syrien aurait été interprété par le Président russe comme «  une autorisation d’intervenir ailleurs en toute impunité » est purement gratuite et ne repose que sur des suppositions, mais bâtir un discours sur des suppositions n’est pas digne d’un ministre des affaires étrangères de la France.
Ce qui est culotté c’est la suite des propos du ministre :
«  Certes il faudra discuter avec les éléments du régime syrien, car il n’est pas question de favoriser un effondrement de l’Etat en Syrie, comme cela s’est produit en Irak.… ». M. Fabius s’est bien gardé d’ajouter «  comme aussi en Libye, suite à l’intervention militaire de l’Otan ».
Ce ministre, dont nous ne doutons pas de l’agilité intellectuelle, sait parfaitement que cette campagne de bombardement telle qu’elle avait été envisagée par les militaires US et leurs alliés, aurait affaibli considérablement l’armée syrienne (et c’était le but recherché, puisque nos gouvernants parlaient « d’infliger une punition »), et par voie de conséquence, ouvert un boulevard aux groupes d’Al-Nosra, Daech et autres. L’exemple de l’effondrement de l’armée irakienne devant Daech est à cet égard un avertissement. Et pourtant M. Fabius persiste à regretter que cette campagne de bombardement n’ait pas eu lieu… Un dirigeant politique est-il incapable de se remettre en cause, quitte à persister jusque dans l’absurde ? Ou bien est-ce l’application de la tactique mentionnée précédemment, selon laquelle une affirmation mensongère doit être répétée à satiété pour devenir, dans l’opinion des lecteurs et du public, une vérité ?

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