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29 mars 2024

Israël: ces migrants africains dont personne ne veut


LIBÉRATION

«Ça te plairait, toi, qu’un Noir vienne chier tous les matins devant ta porte ?» Avec sa voix éraillée de grosse fumeuse, son langage cru et son poitrail d’haltérophile soviétique gonflé aux hormones, Orna Zakaï, 59 ans, a ce qu’il faut pour défendre sa cause. A savoir, «l’expulsion immédiate» des dizaines de milliers de migrants sub-sahariens (Erythréens, Soudanais) installés depuis une dizaine d’années dans les quartiers Sud de Tel-Aviv. Dans  la zone la plus pauvre de la ville, où les habitants, telle Orna Zakaï, les accusent «d’apporter des maladies et de violer les filles dans la rue».

Officiellement, quelque 35 000 migrants et demandeurs d’asile originaires d’Afrique sont entrés illégalement en Israël depuis le début des années 2000. Mais l’ONU cite le chiffre de 53 000 et les ONG de défense des droits humains estiment qu’ils sont au moins le double.

Camp de détention

La plupart ont pénétré en Israël en passant par le désert du Sinaï, jusqu’à ce que le gouvernement de Benyamin Nétanyahou autorise, en 2012, la construction d’une «barrière de sécurité» de 240 kilomètres le long de la frontière avec l’Egypte. Depuis, le flux de clandestins a dégringolé de plusieurs milliers par an à 71 en 2014. Mais ceux qui se trouvent déjà sur place refusent de s’en aller et le gouvernement ne sait qu’en faire.

Après en avoir enfermé quelques centaines dans une prison «classique», il a ordonné la construction, dans le désert du Néguev, du camp de détention de Holot, susceptible de contenir 3 000 personnes. Or, en septembre 2014, la Cour suprême a ordonné la fermeture immédiate de ce camp ainsi que l’abolition de la loi anti-infiltration qui autorisait l’Etat à y enfermer les migrants durant un an sans jugement. Dans la foulée, Holot s’est transformé en centre semi-ouvert que les migrants pouvaient quitter pendant la journée mais devaient réintégrer pour y passer la nuit.

Parcs publics

Au terme d’un long bras de fer politico-juridique entre les ONG et le gouvernement, la Cour suprême a ordonné le 11 août la libération de 1 178 migrants détenus depuis plus d’un an à Holot. 600 d’entre eux ont été lâchés dans la nature le 26 août, et le reste le lendemain. Sans savoir où aller, puisque rien n’a été prévu pour les accueillir et que six familles israéliennes à peine ont répondu à l’appel à l’aide d’associations caritatives…

Désemparés, les ex-pensionnaires de Holot campent dans les parcs publics de Beer Sheva, d’Ashkelon, ou de Natanya. Ceux-là peuvent cependant s’estimer chanceux car d’autres villes, telles Arad et Hadera, interdisent l’accès des migrants à leur territoire municipal. Et pour que le message soit clair, elles font contrôler les passagers des autobus par des policiers.

Interdits à Tel-Aviv et Eilat

Certes, les anciens de Holot peuvent errer le long des routes de l’Etat hébreu mais il leur est interdit de s’installer à Tel-Aviv et à Eilat, deux villes où ils ont le plus de chance de trouver un emploi mais qui sont déjà surchargées de milliers clandestins.

Cette instruction n’est évidemment pas respectée et c’est parce qu’ils s’attendent à voir déferler une «nouvelle vague noire» sur leur quartier proche de la gare centrale des autobus de Tel-Aviv qu’Orna Zakaï et ses voisins ont décidé de descendre dans la rue. «Tu penses qu’on est racistes ? On s’en fiche, lâche-t-elle. Si tu aimes tant les migrants, accueille-les chez toi.»

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