cinq thèses sur la guerre de Libye
26 juin 2011
CINQ THESES SUR LA GUERRE DE LIBYE
Claudio Moffa
La guerre de Libye marque une inversion de tendance par rapport aux dernières années, durant lesquelles (à partir de 2006) les relations internationales se sont progressivement dirigées vers un multilatéralisme renaissant, symbolisé par le discours du Président russe Poutine au sommet de Munich de 2007.
La guerre de Libye est aussi un événement complexe et pleine de questions ouvertes qui appellent une réponse. Je vais en proposer ici quelques-unes, sous forme de cinq thèses.
1) La guerre de Libye de 2011 est illégitime selon le Droit International
Au premier coup d‘oeil, la question de la légitimité ou de la illegitimé de la guerre de Libye peut sembler posée. A partir de la fin du bipolarisme, au debut des années 90, les principes et les règles des Nations Unies telles qu‘elles sont fixées par la Charte de San Francisco, ont été violés à plusieures reprises, notamment lors des guerres du Moyen Orient et des Balkans. Monique Chemillier-Gendrau a parlé de ―catégories‖ du Droit International « écrasées » par le nouveau monopolarisme occidental consécutif à la disparition du bloc soviétique.
Le ―domaine réservé‖ des Etats souverains, principe clé du nouvel ordre international issu de la Deuxième Guerre mondiale et de la Décolonisation — principe appliqué à tous les états membres à l‘exclusion des pays racistes telles que l‘Afrique du Sud et la Rhodésie, et qui avait toujours empêché les Nations Unies d‘intervenir dans les guerres civiles internes des états membres des Nations Unies (pour mémoire, la guerre civile du Congo et la guerre du Biafra au Nigéria dans les années soixante) – a eté abandonné au profit d‘un nouveau principe, le prétendu « droit d‘ingérence humanitaire », élaboré à l‘origine pour les catastrophes naturelles et plus tard « bellicisé », pour ainsi dire, en tant que devoir-droit de « protéger les populations civiles » (le prétendu R2P, « Responsibility to Protect »).
Ce principe au but typiquement colonial a pu devenir droit effectif, grace à la réinterpretation et à la reprise de deux autres principes : l‘autodétermination des peuples, qui n‘est plus limitée aux « peuples coloniaux» rappelé par la Déclaration 1514/1960 de l‘Assemblée générale sur le Droit d‘autodétermination, mais appliquée aussi, à partir de la reconnaissance de l‘indépendance de la Slovénie en 1991, aux états membres des Nations unies ; et le génocide, objet d‘une convention de 1948 qui a été transformée demi-siècle après en vrai crime, à ce titre punissable, avec sa codification dans les statuts des tribunaux ad hoc de Yougoslavie, du Ruanda, de la Sierra Leone des années quatre-vingt-dix, et de la Cour pénale internationale en 2002.
Paper for the II International Conference «World history and actual problems of international relations», April 12 – 13, 2011 – The Ministry of Education and Science – A.Yu. Krymsky Institute of Oriental Studies of the National Academy of Sciences of Ukraine – Luhansk National Taras Shevchenko University – Lugansk, Ukraine
Attention, j‘annonce ici une question fondamentale qui concerne tout le Droit International de notre époque, et dont je parlerai plus avant, à savoir le rôle crucial des mass media dans la transformation-invention de faits potentiellement graves en véritables crimes internationaux, en tant que tels punissables par la justice internationale.
A la lumière de ce bouleversement et de la mise à l‘écart des catégories de base du droit international depuis le début des années quatre-vingt-dix, on pourrait dire que la guerre de Libye provoquée par l‘imposition d‘une zone d‘exclusion aérienne – une mesure pseudo juridique qui fut inventée, au sens littéral du terme par les Anglo-Americains à la fin de la guerre d‘Iraq en 1991 – est légitime.
MAIS:
1) Ces dernières années plusieurs événements internationaux avaient montré les signaux de l‘apparition d‘un nouveau multilatéralisme: a) La Russie sortie de la crise de l‘ère Eltsine retrouve une position internationale active sur tous les théâtres de crise; b) La Chine se développe en tant que puissance économique et commerciale dont l‘intérêt est de mantenir certains équilibres dans plusieurs régions de la planète ; c) l‘émergence de l‘Iran; d) la rupture de l‘alliance de la Turquie avec Israël ; e) certains conflits qui ont mis en évidence un début de renversement des rapports de force entre Israël et ses ennemis traditionnels : le Liban en 2006, la Géorgie en 2008, Gaza en 2008-2009; f) le blocage des tentatives d‘agression et d‘intervention lourdes dans les affaires intérieures d‘états souverains : voir la non concretisation des menaces contre les sites nucléaires iraniens ou l‘échouement du mandat de capture international contre le président soudanais Al Bachir (2009), à son tour lié à l‘échec de la tentative de transformation de la guerre civile du Darfour en guerre « humanitaire » internationale.
On était donc en train de reconstruire un ordre multilatéral par opposition à la dérive des années quatre-vingt-dix, face à quoi la guerre de Libye apparaît comme un retour arrière à la première phase du postbipolarisme.
2) Aussi si l‘on exclut le point précédent, qui n‘épuise pas la question, il reste un autre facteur à considérer : LA CHARTE DES NATIONS UNIES EST TOUJOURS EN VIGUEUR, elle n‘a pas été révisée, et sur sa base il est très facile d‘identifier les causes suivantes d‘illégitimité de la guerre de Libye :
2.1) L‘ONU ne peut pas intervenir dans les conflits internes aux états, mais seulement dans les conflits entre Etats ;
2.2) D‘après l‘article 41 de La Charte, c‘est le Conseil de Sécurité qui doit coordonner les opérations militaires, et non les états pris individuellement, et encore moins une organisation qui n‘est pas régionale, ce qui permettrait de la considérer comme une articulation des Nations Unies, mais au contraire sûrement partie prenante, comme l‘OTAN : c’est-à-dire, par exemple, l‘intervention au Liban est légitime parce que le conflit en question est entre deux états et la force d‘interposition est gérée par les casque bleus ; les guerres d‘Afghanistan et de Libye sont illégitimes.
3) à part aussi l‘argumentation radicale du point précédent, si l‘on ne considère pas la zone d‘exclusion aérienne prévue par l‘ONU pour la Libye dans la résolution 1973 comme une ingérence illégitime en soi, mais comme une legitime variante du droit de protéger les populations civiles, son application concrète est à coup sûr illégitime, parce que 3.1) les Etats participants à la zone d‘exclusion aérienne n‘ont pas fait de véritable action préventive contre les missions aériennes libyennes contre les rebelles, mais ils ont pris part à la guerre civile en bombardant les positions terrestres des forces armées de Kaddhafi et une fois même, à la suite d‘une erreur de l‘OTAN, des rebelles aussi ; 3.2) les zones d‘exclusion sont étendues au delà des territoires orientaux effectivement révoltés et
comprennent aussi la partie occidentale de la Libye et Tripoli même, alors qu’il n‘y a pas là de contestation perceptible mais au contraire fidélité diffuse envers Kaddhafi.
2) La Libye est en conflit avec les intérêts israéliens et le système bancaire occidental : la guerre contre la Libye est donc, sans aucun doute, pro-israélienne et pro-sioniste.
Il est difficile d‘exposer ce deuxième point, parce qu‘il implique de toucher des sensibilités diffuses et très puissantes dans un certain nombre de pays. L‘ouvrage de Walt et Meiershemer sur le lobby israelien aux Etats-Unis a suscité en Europe aussi un débat très vigoureux. Mais par ailleurs, quand il y a des faits sûrs et des hypothèses bien fondées, le devoir des savants, des intellectuels et des chercheurs est de les exposer de manière objective. D‘autre part il est curieux qu‘au début de la crise, des informations sur la personne de Kadhafi, de source occidentale et israélienne, aient insisté de façon répétée sur la fidélité de Kadhafi à Israël, l‘alliance entre Israël et Tripoli, ou la présence de mercenaires recrutés par Kahdafi par le biais du Mossad, combiné avec l‘oubli total du pro-sionisme éclatant et qui n‘est plus à démontrer de Sarkozy.
A la lumiere de ces considérations, on peut donc affirmer certains points, en les fondant sur des FAITS :
2.1) la Libye a traditionnellement un rôle antisioniste, bien qu‘occulté par une action de propagande de la presse israelienne dans le jours qui ont suivi l‘aggression ONU-sarkosienne, et bien que différent et peut-être aussi en concurrence avec l‘antisionisme iranien, car il est laïc et non religieux : l‘expulsion de beaucoup de colons juifs italiens en 1971 ; la dénonciation d‘une possible participation d‘Israel à l‘assassinat de Kennedy en raison des contrôles de la centrale nucléaire de Dimona qu’il réclamait peu avant de mourir 1; la critique de Kadhafi contre les musulmans bosniaques lors de la guerre des années quatre-vingt-dix, musulmans accueillis et protégés par Israël ; la critique radicale du rôle belliciste et provocateur d‘Israël dans les guerres d‘Afrique en août 2009, les attaques très dures contre la Cour pénale internationale en 2009, démontrent une fidélité de Kadhafi à cette position, bien qu‘occultée pendant la longue crise de l‘« affaire Lockerbie » (1988-2009).
2.2) La structure financière et bancaire de la Libye est de facto contraire à l‘hégémonie du systeme bancaire occidental. Ainsi, dans un double conflit general qui servirait d‘arrière-plan aux « révolutions arabes » de 2011 2 (à savoir le conflit entre banques centrales privées et banques centrales nationales, et entre banques occidentales à taux d‘intérêt élevé, et banques islamiques caractérisées au contraire par un faible taux d‘intérêt dans la tradition coranique 3), la Lybie se présente comme une cible nécessaire pour la
1 Dans une vidéo diffusée par le MEMRI, un institut de recherche sur le Proche Orient fondé par un ex-colonnel israélien Ygal Carmon, Kaddhafi expose certains aspects de sa vision du Proche Orient, critiquant Obama qui a promis de reconnaître Jérusalem comme capitale de l‘état juif, demandant le retour des Palestiniens dans leur pays dont ils ont été chassés en 1948, et prônant la cause de l‘état unique. A part les opinions sur le Kurdistan, problème dans la mesure où le peuple kurde compte douze à quatorze millions de personnes, le reste du discours du rais de Tripoli est typique de l‘antisionisme général du monde arabe dans ses formes les plus radicales. (http://www.youtube.com/watch?v=Gjh28HL1vh8)
2 Rothschilds Stage Revolutions in Tunisia and Egypt To Kill Islamic Banks In Emerging North African Markets su www.comedonchisciotte.it;
3 « ô vous qui croyez! Beaucoup de rabbins et de moines dévorent, les biens des gens illégalement et [leur] obstruent le sentier d’Allah. A ceux qui thésaurisent l’or et l’argent et ne les dépensent pas dans le sentier d’Allah, annonce un châtiment douloureux, (Sourate Attawba, 34).
haute finance spéculative, dans la mesure où la « banque centrale libyenne est actuellement un société nationale à 100% et constitue l’autorité monétaire de la Djamahiriya arabe libyenne du peuple socialiste»4 et qu‘en général les taux d‘intérêt pratiqués dans la Djamahirya sont très bas : « Dans le statut bancaire libyen, un des mandats principaux consiste à réguler la quantité, la qualité et le coût du crédit pour répondre aux exigences de croissance économique et de stabilité monétaire. Ce qui est, bien sûr, à l’exact opposé de ce que font les banques centrales privées du monde entier. Les banques centrales privées favorisent l’inflation, créent des bulles spéculatives qu’elles dégonflent ensuite, afin de transférer des sommes d’argent considérables des couches basses et moyennes dans les mains des élites financières. Il devient dès lors facile de diagnostiquer les vraies causes… des attaques incessantes contre la Libye». 5
2.3) L‘initiative dans un premier temps de l‘infiltration armée en soutien aux rebelles de Benghazi et dans un second temps de la guerre ouverte – grâce à la tranformation de la zone d‘exclusion aérienne prévue par la résolution 1973 de l‘ONU en acte d‘agression – a été prise par les deux dirigeants européens les plus liés au groupe de pression pro-israélien international, Cameron et surtout Sarkozy: l‘un ouvertement6 membre de l‗association Conservative Friends of Israel et inspiré dans son approche du monde musulman par un esprit «choc des civilisations » qui l‘amène à comparer le «terrorisme islamique» au nazisme et au communisme. Le second qualifié par Le Figaro d‘espion du Mossad7 et dont la carrière a été rythmée, à partir de 1983, par les rencontres, les participations à les cérémonies juives, les échanges de cadeaux et des déclarations de soutien et de fidélité au « lobby » tant français qu‘américain. C’est en ces termes, qui par ailleurs affirment que
« Ceux qui pratiquent l’usure se présenteront, le Jour de la Résurrection, comme des aliénés possédés par le démon et ce, pour avoir affirmé que l’usure est une forme de vente, alors que Dieu a permis la vente et a interdit l’usure. Celui qui, instruit par cet avertissement, aura renoncé à cette pratique pourra conserver ses acquis usuraires antérieurs et son cas relèvera du Seigneur, mais les récidivistes seront voués au Feu éternel. » (Sourate al-Baqara: 275)
« Dieu réduira à néant le profit usuraire et fera fructifier le mérite des aumônes. Dieu n’aime pas tout impie endurci et tout pécheur. » (Sourate al-Baqara: 276).
4 Eric V. Encina – 21centurywire.com: Obbiettivo dei globalisti: la Banca centrale libica, al 100% di proprietà statale – www.comedonchisciotte.org, Il poursuit ainsi : « L‘un des plus grands problèmes des cartels bancaires mondialisés est que, pour faire des affaires avec la Lybie, ils doivent se mettre en accord avec la Banque nationale libyenne et sa devise, c’est-à-dire accepter que leur domination et leur force contractuelle soient réduites à zéro. La structure financière et les méthodes de gestion d‘une banque nationale sont naturellement très différentes d‘une banque centrale européenne ou de la banque centrale des États-Unis ; ses actions ne sont pas détenues par des banques spéculatives ou par un groupe d‘actionnaires privés dont la liste est tenue secrète, comme c’est le cas de la banque fédérale américaine ou de la Banque d‘Angleterre. Les lois constitutionnelles libyennes imposent à la banque centrale libyenne la tâche d‘assurer la stabilité monétaire et de promouvoir une croissance supportable de son économie nationale. La Libye est en outre le pays qui détient la plus grande quantité de lingots d‘or, proportionnellement au PNB, après le Liban, d‘après le rapport annuel du FMI (janvier 2011) qui se fonde sur le Conseil mondial de l‘or qui siège à Londres. Le prix de l‘or est de 1.429,74 dollars l‘once, le 25 mars 2011. Cet or restera en Libye lorsque les forces alliées auront pris le contrôle de Tripoli, ou il disparaîtra sans laisser de traces, ou il sera échangé contre des wagons de coupures en papier portant l‘inscription US Dollars? (…) ».
5 Eric V. Encina – 21centurywire.com: Obbiettivo dei globalisti: la Banca centrale libica, al 100% di proprietà statale – www.comedonchisciotte.org, Il poursuit ainsi : « …Toute nation qui prendra une direction opposée à celle du Nouvel Ordre Mondial sera ostracisée et mise en lieu sûr par le hachoir militaire. Les actions de guerre « légitime » contre ces nations non « mondialisées » sont destinées à humilier, dégrader et compromettre les droits de l‘homme internationaux, une attitude qui est condamnée presque partout dans le monde.
6 http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/4179698.stm
7 Press TV, citée par Salem-News.com, 17 mars 2011 Sarkozy Was a Mossad Agent? Le Figaro prétend que les fonctionnaires français de police ont réussi à garder secrète une lettre qui exposait les activités d‘espionnage pour le Mossad de Sarkozy
Sarkozy est juif alors qu’il dit lui-même le contraire (d‘après la loi juive8) que Georges Frêche, président de l‘Alliance franco-israélienne, président du conseil régional du Languedoc-Roussillon a salué l‘élection du candidat de l‘UMP à l‘Élysée en 2007 : « Je suis ravi que les Français aient élu un juif président de la République au suffrage universel direct. […] On avait déjà eu Léon Blum et Mendès France premiers ministres, mais on n’avait jamais eu un juif élu au suffrage universel. Et en plus, avec Kouchner comme ministre des Affaires étrangères, qu’est-ce qu’on veut de plus ? »« Et je vais dire à mon ami Kouchner : et quand c’est que tu reconnais Jérusalem, capitale d’Israël ?9 »
2.4) C‘est la presse lobbyste internationale qui a dénoncé avec le plus d‘envergure les crimes attribués à Kaddhafi, dans une guerre civile qui a commencé par une révolte armée en Cyrénaïque et dans une guerre lancée par les bonbardements de la France de Sarkozy contre Tripoli. El Pais, The Economist, NYT, Repubblica organes de presse édités et associés par le lobbisme international en soutien à la campagne de diabolisation de Kadhafi selon la « meilleure » tradition médiatique des guerres des années quatre-vingt-dix .
3) Ce n’est ni la « communauté internationale » nì l’Occident, ni même les Etats-Unis qui ont attaqué la Libye, mais l’extrémisme occidental représenté par la France de Sarkozy et l’Angleterre de Cameron
La défection de l‘importante Union Africaine au sommet de Paris convoqué par Sarkozy le 19 mars 2011, est significative du fait que la « communauté internationale » en tant que vraiment telle, a montré qu’elle n‘était pas favorable à l‘extrémisme de Sarkozy.
L‘Europe aussi est divisée comme le montre le cas de l‘Allemagne.
Quant aux États-Unis, ils ont eu un attitude variable: d‘après un article du Washington Post, le président Obama n‘aurait pas de politique d‘intervention bien définie10. Les incertitudes du gouvernement américain dépendent de facteurs soit internes soit extérieurs : à l‘extérieur, il y a les débâcles de l‘armée americaine en Irak et en Afghanistan, et en outre les possibles pressions actives ou « passives » de certains pays avec leur différentes raisons (Allemagne, Italie, Turquie, Russie) envers une escalade caractérisée par les conséquences imprévisibles pour toute la région méditerranéenne et le Proche Orient.
A l‘interieur, on doit tenir compte de la dialectique propre au gouvernement américain, où l‘on voit le président « indécis » entre le « realisme » et la « moderation » du ministre de la défense Gates11 (que Bush fils avait nommé pour remplacer Rumsfeld après son renvoi en novembre 2006) et une attitude «à la Sarkozy », bien qu’elle ait été présente avant l‘exploit belliciste de Paris, representé par le ministre des affaires étrangères Clinton. Déjà pendant la campagne des primaires entre Clinton et Obama, on avait pu constater un certain radicalisme chez la première, qui avait fait une gaffe* en mai 2008,
8 La loi juive dit que sont juifs les enfants d‘une femme juive, ce qui n‘est pas le cas de Sarkozy.
9 Il s’exprimait à Montpellier le 24 juin, à l’occasion de la « Journée de Jérusalem », dans le cadre du jumelage entre sa ville et la localité israélienne de Tibériade.
10 Adn-Kronos – Libye: Libye: D‘après un chef du parti républicain, les contradictions d‘Obama nous amèneront à l‘impasse, 25 mars,18h34
11 Gates a eu de nombreuses prises de position modérées pendant la crise: http://www.youtube.com/watch?v=RjvUidiHOmE : Libye, Gates freine sur la zone d‘exclusion aérienne. Puis: (ANSA) – MOSCOU, 21 mars Libye: Gates, ce serait une erreur d‘éliminer Kaddhafi. Le ministre de la défense des états-unis: nous réduirons vite notre notre participation.
* En français dans le texte
quand « pendant une conférence de presse, elle avait tenu des propos qui semblaient appeler un tueur à tuer son adversaire12 ».
Au début de la révolte libyenne, Clinton s‘est répandue en déclarations de soutien aux insurgés, puis elle a réclamé à plusieurs reprises l‘expulsion de Kadhafi. D‘autre part, alors que Gates avait pris une position différente, plus ouvertement opposée à celle du duo Sarkozy-Cameron, Obama a flotté entre les deux politiques, l‘une comme l‘autre à la traîne de l‘hégémonisme et de la politique du fait accompli du président français.
4) La guerre de Sarkozy est aussi contre l’Italie
La guerre de Libye lancée par Sarkozy le 19 mars dernier a eu en tant que cible aussi l‘Italie de Berlusconi : guerre de la compagnie pétrolière francaise Total contre la prédominance de la compagnie italienne ENI en Libye, premier partenaire de Rome dans le secteur; guerre de Sarkozy « l‘israelièn » contre la politique ètrangere de Rome, dans les faits – c’est-à-dire déclarations officielles à part – mal alignée sur le radicalisme d‘Israël et l‘extrêmisme occidental, à cause de l‘oléoduc Southstream choisi par Rome au lieu du Nabucco ; à cause de l‘étroite amitié et collaboration de Berlusconi avec Poutine – le dirigeant mondial détesté activement par certaines minorités intellectuelles pro-israéliennes de l‘Occident – et justement à cause de son rapport priviligié avec la Libye.
L‘Italie a été incontestablement frappée, à cause de la rupture ou au moins de la crise profonde de ses relations avec Kadhafi, et à cause des effets de la guerre sur l‘explosion des flux en Italie de dizaines de milliers d‘émigrés : voici donc la fin déclarée de l‘accord avec la Libye qui – en 2008 – avait garanti la collaboration de Tripoli au « blocage » des émigrés clandestins arrivés de plusieurs zones de guerre en Afrique en Libye: et voici l‘effet domino des querelles de Rome avec Paris et Bonn sur l‘accord de Schlengen et son programme.
Berlusconi est en outre en difficulté à l‘intérieur parce qu‘il est engagé sur le terrain très important de l‘approbation de la réforme de la justice. Malgré les problèmes intérieurs, Rome s‘est engagée dans la battaille pour transférer le commandement des opérations de Sarkozy à l‘OTAN: battaille qu’elle a certes gagnée, mais dans le cadre de la logique de guerre et de la violation du Droit International. En fait, le commandament de l‘OTAN est une absurdité juridique, en tant que transfert de pouvoir à un organisme- partie, partial, tel quel le Pact militaire atlantique. D‘autre part, dans une logique « pragmatique », il est vraie que cette absurdité juridique apparaît comme la seule chance de sortir de la guerre « totale », parce que – après le coup de main de l‘approbation sans opposition ni veto de la résolution 1973 – la voie de Conseil de Sécurité est bloquée par l‘éventualité (certitude ?) du veto de Paris à un nouvelle résolution.
5) Plus qu’une thèse, une question ouverte : le «mystère» des abstentions aux Nations Unies dans le vote sur la Résolution 1973
Sur la crise libyenne, qui a fait reculer les équilibres internationaux au point où ils en étaient au début des années quatre-vingt-dix, pèse la « mystérieuse » abstension de cinq pays dans le vote de la resolution 1973 du 17 mars passé, celle qui a imposé la zone d‘exclusion aérienne. Le mystère concerne peut-être l‘Allemagne (mais ici, en un sens inverse des autres pays abstentionnistes : c’est-à-dire, au lieu de l‘abstention le choix du chancellier Merckel aurait dû être un « oui ») mais surtout la Chine (qui a des intérêts en
12 http://www.haisentito.it/articolo/elezioni-presidenziali-usa-il-video-della-gaffe-di-hillary-clinton-su-bob-kennedy/10108/
Libye, comme au Soudan qu‘elle a toujours soutenu contre les attaques des lobbistes et d‘Israël) et la Russie.
Le veto de Moscou aurait suffi pour éviter la catastrophe, et pour défendre les principes de transition pacifique vers la démocratie dans les pays arabes – telle est l‘accusation du « libre » Occident à la Libye – que Poutine avait proposés à Munich en 2007, dans une discussion avec le sénateur juif américain Lieberman et avec le ministre de la Défense italien. Sur la Chine je n‘ai pas d‘éléments. Sur la Russie, les nouvelles nous ont donné peu de faits certes : a) la démission forcée de l‘ambassadeur russe à Tripoli par Medvedev ; b) la dure boutade de Poutine contre le ton de « croisade » (sic) dans les opérations « humanitaires » de la guerre de Libye ; c) la réponse de Medvedev et la fin de la petite (?) querelle.
Il y avait une confusion de pouvoir entre le président et le premier ministre russe à l‘origine du tournant incroyable de Moscou ?
Une chose est sûre, la facilité avec laquelle est passée la résolution 1973 représente un recul dangereux de la tendance multipolaire et reéquilibrante des dernières années, marquée d‘une part par le blocage de l‘aggressivité belliciste occidentale, grâce à la victoire du Hezbollah en 2006, à la victoire de la Russie en Géorgie, à la résistance du Hamas en 2008-2009, et au blocage des menaces réitérées d‘aggression israélienne (direct ou à travers les Etats-Unis) contre les sites nucléaires iraniens ; et d‘autre part et par conséquent, grâce à l‘affirmation d‘un nouveau multipolarisme international, protagonistes pays différents comme la Chine, la Russie, l‘Iran, la Turquie, le Brésil, l‘Inde etc.
D‘où une deuxième question très importante : l‘événement onusien du 17 mars a-t-il été un incident sur une route sûre et déjà tracée, ou est-il une inversion de tendance profonde, c’est-à-dire la soumission des Etats souverains – dont l‘existence réelle est la prémisse nécessaire de tout multilatéralisme – à une logique « mondialiste » capable de contrôler en fait les Etats (qui ne sont plus) souverains ?
Conclusions : il faut relancer le discours de Poutine à Munich en 2007 : dans ses paroles il y a les principes pour eviter la curieuse derive neo- mondialiste du 17 mars passé, c’est-à-dire l’entrange « monopolarisme multilateral » fondé sur la soumission de tous le Etas souvraines au « Puissances fortes » transnationales
Ceci dit, une question théorique pour les chercheurs d‘histoire de relations internationales surgit, mais située dans un contexte diachronique et historique – c‘est- à-dire dans une perspective d‘avenir, en tant que telle ouverte à differentes issues – qui est aussi un problème non pas d‘analyse politologique, mais politique : de ce point de vue, j‘ai tendance dire, en tant que chercheur en relations internationales, qu‘il faut relancer le discours de Poutin à Munich en 2007, qui symbolise le nouveau multipolarisme des dernières années rappelé dans le précédent paragraphe 5.
Relisons quelques-uns des passages le plus importants :
« Il y a vingt ans, le monde était divisé sur le plan économique et idéologique et sa sécurité était assurée par les potentiels stratégiques immenses des deux superpuissances.
La confrontation globale reléguait les problèmes économiques et sociaux urgents à la périphérie des relations internationales et de l’agenda mondial. De même que n’importe quelle guerre, la guerre froide nous a laissé, pour ainsi dire, des « obus non explosés ». Je pense aux stéréotypes idéologiques, aux doubles standards et autres clichés hérités de la mentalité des blocs.
Le monde unipolaire proposé après la guerre froide ne s’est pas non plus réalisé.
Certes, l’histoire de l’humanité a connu des périodes d’unipolarité et d’aspiration à la domination mondiale. L’histoire de l’humanité en a vu de toutes sortes.
Qu’est ce qu’un monde unipolaire ? Malgré toutes les tentatives d’embellir ce terme, il ne signifie en pratique qu’une seule chose : c’est un seul centre de pouvoir, un seul centre de force et un seul centre de décision.
C’est le monde d’un unique maître, d’un unique souverain. En fin de compte, cela est fatal à tous ceux qui se trouvent au sein de ce système aussi bien qu’au souverain lui-même, qui se détruira de l’intérieur.
Bien entendu, cela n’a rien à voir avec la démocratie, car la démocratie, c’est, comme on le sait, le pouvoir de la majorité qui prend en considération les intérêts et les opinions de la minorité.
Et encore:
« Quel en est le résultat ?
Les actions unilatérales, souvent illégitimes, n’ont réglé aucun problème. Bien plus, elles ont entraîné de nouvelles tragédies humaines et de nouveaux foyers de tension. Jugez par vous-mêmes : les guerres, les conflits locaux et régionaux n’ont pas diminué. …
Nous sommes en présence de l’emploi hypertrophié, sans aucune entrave, de la force – militaire – dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de conflits successifs. Par conséquent, aucun des conflits ne peut être réglé dans son ensemble. Et leur règlement politique devient également impossible.
Nous sommes témoins d’un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international …
Dans les affaires internationales, on se heurte de plus en plus souvent au désir de régler tel ou tel problème en s’inspirant de ce qu’on appelle l’opportunité politique, fondée sur la conjoncture politique. Evidemment, cela est très dangereux, personne ne se sent plus en sécurité, je tiens à le souligner, parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international. Evidemment, cette politique est le catalyseur de la course aux armements.
….Je suis certain qu’en ce moment crucial il faut repenser sérieusement l’architecture globale de la sécurité »
Et enfin, la crucial polémique contre le senateur americain Lieberman.
« la chancelière fédérale l’a déjà mentionné. Ainsi, le PIB commun de l’Inde et de la Chine en parité de pouvoir d’achat dépasse déjà celui des Etats-Unis. Le PIB des Etats du groupe BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine – évalué selon le même principe dépasse le PIB de l’Union européenne tout entière. Selon les experts, ce fossé va s’élargir dans un avenir prévisible. Il ne fait pas de doute que le potentiel économique des nouveaux centres de la croissance mondiale sera inévitablement converti en influence politique, et la multipolarité se renforcera. Le rôle de la diplomatie multilatérale s’accroît considérablement dans ce contexte
… Une question se pose en même temps : devons-nous rester impassibles face à divers conflits intérieurs dans certains pays, aux actions des régimes autoritaires, des tyrans, à la prolifération des armes de destructions massive ? C’est le fond de la question posée à la chancelière fédérale par Monsieur Lieberman, notre vénérable collègue. Ai-je bien compris votre question (dit-il en s’adressant à Joseph Lieberman) ? Bien entendu, c’est une question importante ! Pouvons-nous assister impassiblement à ce qui se produit ? J’essaierai de répondre à votre question. Bien entendu, nous ne devons pas rester impassibles. Bien sûr que non.
Mais avons-nous les moyens de faire face à ces menaces ? Oui, nous les avons. Il suffit de se rappeler l’histoire récente. Le passage à la démocratie n’a-t-il pas été pacifique dans notre pays ? Le régime soviétique a subi une transformation pacifique, malgré la grande quantité d’armes, y compris nucléaires, dont il disposait ! Pourquoi donc faut-il bombarder et pilonner aujourd’hui à tout bout de champ ? Manquerions-nous de culture politique, de respect pour les valeurs démocratiques et le droit, en l’absence d’une menace d’extermination réciproque ?
Ici est le probème-clé de toutes le questions soulevés dans cette communication : rappelons que le sénateur américain Lieberman a proposé tout de suite une autre zone d‘exclusion aérienne contre la Sirye d‘Assad, dès les premières manifestations contre le legitime gouvernement de Damasco. Lieberman est un Américain qui parle le langage d‘Israel, avec sa tête et son coeur toujours tournées vers Israël. C‘est là aujourd‘hui le problème fondamental pour la pleine souveraineté d‘un Etat nominalement « souverain ». Et il ne concerne pas seulement les Etats-Unis.
Claudio Moffa
15 avril 2011
Professeur Ordinaire d‘Histoire des Relations Internationales, Université de Teramo, Italie – President de l‘Institut Enrico Mattei des Hautes Etudes en Proche et Moyen Orient