La guerre en Libye est toujours en cours
2 avril 2012
Ludo De Brabander: La guerre en Libye est toujours en cours
On a récemment fêté le premier anniversaire du début de la révolution. Il y a quelques mois, le Secrétaire général de l’OTAN, Rasmussen, a annoncé que la ‘mission’ en Libye a été « une des missions les mieux réussie de l’histoire de l’OTAN ». Cependant, dans beaucoup d’endroits dans le pays, des milices armées règnent de sorte que les tensions et la violence augmentent.
L’opération Unified Protector (Protecteur Unifié), comme l’on a nommé la guerre de l’OTAN contre la Libye, a officiellement pris fin le 31 octobre 2011. Nous pouvons lire sur le site web de l’OTAN que « la mission de l’Alliance de protéger les civils contre des attaques ou des menaces a ainsi été achevée ».
Cela fait penser un peu au moment mémorable le 1er mai 2003 où le président Bush prononce trop vite les mots ‘mission accomplie’ de son porte-avions Abraham Lincoln. Le régime de Saddam Hussein était tombé. Toutefois, quelques années plus tard il semblera que le pays s’était retrouvé dans un chaos avec de nombreux massacres.
Depuis que la mission a réussi avec ‘succès’, on constate le silence du côté de l’OTAN. Quatre mois après la changement de pouvoir, il semble que la Libye est tombée dans les mains des centaines de milices qui ont pris les rênes. Le problème est connu dans les quartiers généraux de l’ouest, mais on préfère ne pas trop en parler. Il s’agit de milices soutenues et même armées par l’OTAN et ses alliés dans leur combat contre le régime libyen. Quand le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a rendu visite au pays au début du mois de février, il a promis de libérer des fonds pour aider au désarmement. D’après ce qu’on dit, le ministre trouvait qu’il était trop dangereux d’y passer la nuit et donc il a continué son voyage vers Tunis.
Un rapport récent d’Amnesty International (AI) donne une image peu positive de la situation dans le pays. La situation est ‘hors contrôle’, résume l’organisation des droits de l’homme. Selon ce rapport, des centaines de milices armées agissent individuellement, en dehors de l’autorité du gouvernement central. Leurs actions et refus de désarmer menacent de déstabiliser le pays. Les milices entrent régulièrement en conflit entre elles causant plusieurs morts et blessés. Il est question des ‘milliers’ d’emprisonnés soupçonnés d’être des partisans de Kadhafi. Beaucoup d’entre eux se font maltraiter et torturer entrainant, dans certains cas, la mort.
Le rapport d’AI n’est pas une surprise. Ainsi, il a été découvert que l’ancien ambassadeur en France, Omar Brebesh, a été tué par une de ces milices après son arrestation. Selon le rapport de l’autopsie, il avait succombé à des blessures qu’il n’a pu recevoir que pendant son emprisonnement.
Médecins Sans Frontières (MSF) avait déjà dénoncé la situation.
En janvier, l’organisation avait annoncé qu’elle retirait son personnel médical du centre de détention à Misrata : la torture de centaine de prisonniers venait d’être avérée. Selon MSF, l’organisation devait recoudre les prisonniers pour qu’ils soient maltraités à nouveau.
Un autre fait connu : la poursuite, les violences et même les nettoyages ethniques de la population noire. Les 30.000 habitants noirs de Tawargha qui ont été chassés de leur ville pendant la guerre, ne peuvent toujours pas retourner car les milices de la ville voisine de Misrata leur en empêchent. Ensuite, des milliers d’habitants ont fui leur maison, surtout dans les monts Nefoussa, à Syirte et à Bani Walid. Ils sont toujours visés en raison de leur supposé soutien au régime de Kadhafi.
La Libye en tant qu’Etat n’existe plus. Non seulement le Conseil National de Transition (CNT) n’a pas de prise sur ses milices armées, mais il témoigne même d’un certain refus de les désarmer et de les mettre sous son autorité. De plus, aucune action n’a été faite pour examiner les crimes. Ainsi, aucune analyse a été menée sur les 65 corps que l’on a trouvés dans un hôtel à Syrte, bien que tout un tas de preuves sur les responsables existent.
Un rapport d’International Crisis Group (ICG) donne tout aussi peu une image réjouissante de la situation et craint une fragmentation du pays. L’ICG estime que les milices possèdent autour de 125.000 armes et sont en train de ‘s’institutionnaliser’. Elles prennent plusieurs assument des actions, indépendamment du pouvoir central, telles que la registration des personnes et l’arrestation ainsi que l’enfermement des présumés coupables.
La disparition du pouvoir central et le fait que pendant la guerre les opérations militaires avaient lieu à basse échelle, font que le paysage politique est plein de tensions. Les loyalistes de Kadhafi qui sont passé à l’opposition et qui ont ensuite été mobilisés contre leurs anciens dirigeants, sont maintenant accusés par les révolutionnaires d’appartenir à l’ancien ordre. Dans différents endroits comme à Bani Walid ou à Koufra, il y a eu des affrontements armés entre plusieurs tribus. A Koufra, au sud de la Libye, il y aurait eu plus de 100 morts selon l’agence de presse AFP. Il y a également eu des tensions religieuses entre séculaires et islamistes. Depuis le début de la guerre, les islamistes radicaux ont utilisé la situation pour s’armer dans les entrepôts non surveillés et désertés. Selon les services secrets algériens, beaucoup d’armes modernes seraient tombées dans les mains d’Al-Qaida au Maghreb islamique.
D’après l’ICG, une hypothèque lourde pèse sur l’avenir de la Libye. Beaucoup de Libyens risquent de perdre leur foi dans le procès politique, à moins que le CNT arrive à reprendre contrôle sur les milices. Il semble que l’OTAN aura de nouveau crié victoire trop tôt.
22 mars 2012
Source originale : uitpers
Traduit du néerlandais par Hanah Jabloune pour Investig’Action
Source : michelcollon.info