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27 décembre 2024

Frantz Fanon : Le philosophe révolutionnaire et le néocolonialisme


L'Expression - Le Quotidien

OUVERTURE DU COLLOQUE «ESPRIT FRANTZ FANON»

Le philosophe révolutionnaire et le néocolonialisme

Par O. HIND – Mardi 03 Juillet 2012 –
L'auteur de Les Damnés de la terreL’auteur de Les Damnés de la terre

«Nous sommes dans un monde recolonisé. Personne ne peut le nier. Les indépendances ont échoué», a fait savoir Mireille Fanon-Mendes-France, fille aînée du célèbre psychiatre.

«Notre tort est de croire que l’ennemi a perdu de sa nocivité…», disait Frantz Fanon. Que-reste-t-il de la pensée de cet humaniste, 50 ans après et dans quelle mesure ses écrits et sa philosophie humaniste pourraient nous aider à comprendre notre monde aujourd’hui? C’est dans cette optique que c’est ouvert, hier matin, au théâtre en plein air Laâdi-Flici, le colloque ayant pour thème «Esprit Frantz Fanon». Des interventions des plus pertinentes ont été données, sans fioritures et sans tourner autour du pot! Radicales pensons-nous. «Plutôt réalistes», nous rétorquera l’universitaire Omar Lardjan, modérateur de la première partie de cette matinée placée sous l’angle «Nous ne voulons rattraper personne…» Un colloque qui s’étalera jusqu’au 4 juillet avec comme objectif: mettre en lumière l’«unité» et l’«actualité» de la pensée du militant martiniquais de la cause algérienne. Pour l’Egyptien Samir Amin, Les Damnés de la terre de Fanon, explicite sa vision de la révolution nécessaire pour sortir l’humanité de la barbarie capitaliste. Et c’est à ce titre qu’il a conquis le respect de tout les Africains et Asiatiques… Je n’ai pas connu le Fanon jeune de l’époque, mais mon histoire politique personnelle m’a fait connaître de l’intérieur la politique de l’assimilation mise en oeuvre par la France aux Antilles, en Guyane et à la Réunion, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale..» Et de renchérir: «Fanon avait parfaitement compris que l’expansion capitaliste était fondée sur la dépossession des peuples d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes, c’est-à-dire de la majorité écrasante des peuples de la planète. Que les victimes majeures de cette expansion-les damnés de la terre – étaient donc ces peuples appelés par la force des choses à la révolte permanente et légitime contre l’ordre mondial impérialiste…»

Abondant dans le même sens, en évoquant pour sa part «le philosophe révolutionnaire» qu’était Fanon, l’Indien Aijaz Ahemd soulignera «la qualité prophétique de ses écrits». Et de souligner: «Le temps lui a donné raison. Fanon avait prévenu contre les régimes totalitaires des partis uniques et du danger qui pouvait survenir pour ces pays indépendants qui n’avaient rien à gagner avec ces régimes…Fanon est un remarquable dialecticien, il avait compris que quand on obtient quelque chose d’important, le processus perd de son indépendance et produit des états avec des sociétés obsolètes avec comme piliers, l’armée, le pétrole… Ce type de pouvoir est contesté de nos jours.» Il citera l’exemple de l’extrême droite qui bénéficierait de ce genre de situation. «Ce sont ces Etats qui ont détruit leur propre société civile. Le type d’enseignement est tellement faible qu’on a entraîné une intelligentsia incapable d’avoir une pensée progressiste et un islamisme populiste correspondant à la dégénérescence intellectuelle de la jeunesse. Le type d’éducation qu’on offre a rendu les étudiants incapable de réfléchir. Beaucoup d’islamistes aujourd’hui sortent des universités techniques», a-t-il fait savoir.
Pour la Française Mireille Fanon-Mendes-France qui n’est autre que la fille aînée de Frantz Fanon, on aurait pu jeter la pensée de Frantz Fanon, 50 ans après, aux oubliettes, n’était son esprit qui «continue à interpeler aujourd’hui la laideur du désordre du monde». D’emblée, elle révélera «la faillite et la gestion catastrophique des indépendances dans les pays arabes et africains». Un échec dû, selon elle, en partie, aux élites locales qui ont ouvert la voie à la détérioration fondée sur une population méprisée et exploitée, ce qu’appelait son père «l’ordre colonial et ses supplétifs coloniaux».

Elle citera l’intervention militaire de l’Otan en Libye à l’image du rôle nocif de l’ONU, a-t-elle estimé, qui a cultivé l’anarchie et la misère au Congo et entraîné la chute de Patrice Lumumba. Mireille Fanon-Mendes-France soulignera aussi l’une des caractéristiques de son père qui se plaisait à dénoncer le système colonial du pouvoir par le pillage (l’impérialisme) autrement, ce «marché global dominé aujourd’hui par la sphère financière».

Son père rejetait également ce «racisme insidieux» qui se traduit par l’exclusion, chose très actuelle qui règne aujourd’hui sous différentes formes comme l’aliénation et l’exploitation par un système économique criminel», a-t-elle indiqué. Pour notre intervenante, il est clair que la recolonisation est de nouveau mise sur les rails, bien que par l’axe du bien, mais via des versants comme le pétrole ou l’aspect sécuritaire. «Nous sommes dans un monde recolonisé.

Personne ne peut le nier», a-t-elle insisté. Le monde tel qu’il court, nous pousse à penser sur les bourgeoisies nationales, les élites et l’endroit dans lequel ils sont tombés. Un monde dominé par l’hégémonie financière», a-t-elle renchéri. D’autres interventions devaient compléter cette journée. Notons que ces rencontres sur Frantz Fanon se déclinant en colloque, activités littéraires et conférences-débats sont prévues jusqu’au 10 juillet sont organisées à l’initiative des éditions Apic, avec le soutien de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc).

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