L’INUTILITE DES AMBASSADES AU 21ème SIECLE
9 juillet 2012
Leçon de Géostratégie Africaine n° 40
L’INUTILITE DES AMBASSADES AU 21ème SIECLE
De Jean-Paul Pougala
Son Excellence monsieur l’Ambassadeur, Son excellence Monsieur le Ministre Plénipotentiaire, Son excellence monsieur le ministre, son excellence monsieur le président de la république… telles sont les tares que la République française a hérités de son passé royal. Dans ce passé, il devait y avoir une nette distance entre les citoyens appelés « sujets » et les gouvernants qualifiés de tous les adjectifs de prestige et d’honneur, afin de bien marquer cette distance abyssale avec le peuple.
La Révolution Française devait marquer la rupture avec ce passé en redonnant au peuple le pouvoir en faisant en sorte que le pouvoir soit l’expression du peuple. La République est arrivée mais les structures et les privilèges des princes sont restés. Les nouveaux rois ont pris leur place. Ils ne s’appellent plus Rois, ils s’appellent Présidents de la République. Les nouveaux princes sont apparus, ils ne s’appellent plus princes, mais ils ont maintenant le titre d’Ambassadeurs, de Ministres plénipotentiaires etc…
Au 21ème, des siècles plus tard, le monde a tellement changé et les fonctions princières et royales sont restées les mêmes. Quelles utilités a encore de nos jours cette institution vétuste qui prend le nom de Représentation diplomatique ?
Dans le passé, les longues distances étaient parcourues uniquement à cheval et pour partir d’un point A vers un point B, le messager pouvait mettre entre 3 mois et un an. D’où l’importance d’avoir sur place une représentation qui puisse répondre en temps réels à des questions aussi importantes que l’entrée en guerre. Aujourd’hui, les nouveaux moyens de communication font que presque tous les télégrammes et télex des ambassades sont inutiles, parce que les agences de presse et les téléphones portables qui ont fait de tout citoyen un journaliste potentiel, ont rendu complètement caduc et vide de contenu le travail des représentations diplomatiques.
Le regroupement des états en entités supranationales comme l’Union Africaine, la Communauté des Etats Indépendants ou l’Union Européenne pousse le rapport des nations vers une configuration multilatérale. Or un Ambassadeur est au mieux de sa capacité, dans une vision bilatérale des relations entre deux pays. Sur le plan pratique, il est donc évident que tout le prestige que la France croit tirer de son ambassade romaine dans le superbe Palazzo Farnèse, est tout simplement de l’argent jeté par la fenêtre. Parce que les 98% des relations entre la France et l’Italie sont désormais décidés à Bruxelles. Et pour le reste, en cas de nécessité, le président Français peut juste soulever le téléphone et parler au Président du Conseil Italien sans filtre et en toute simplicité.
C’est la prise de conscience de cette inutilité qui explique le fait qu’un peu partout les informations et les scandales qui touchent les ambassades sont tout sauf de la diplomatie ou l’activité de rapprochement pacifique et d’amitié entre les peuples du monde d’entier. Dans certains cas, la représentation diplomatique est plutôt le symbole de l’hostilité contre le pays qui abrite l’ambassadeur et qu’on prétend respecter et en développer l’amitié avec le pays qu’on représente. Nous allons voir quelques exemples :
1- LES USA
En Avril 2008, la chaine de télévision américaine NBC, montre les images de ce qu’elle définit comme la « mère de toutes les ambassades » c’est-à-dire la nouvelle ambassade américaine en Irak, voulu par Georges Bush. C’est une forteresse de 40 hectares pour une américaine en miniature au cœur du continent asiatique : Piscine, restaurants, parc de loisirs, salle de gym, terrains de tennis et de basket, la chaine de télévision américaine nous précise même que cette ville dans la ville possède sa propre centrale électrique et sa station d’épuration d’eau. On a envie de demander ce que tout cela a à voir avec la diplomatie, cette forteresse avec des murs en béton armé de 7 mètres de hauteur. Mais on comprend très vite le ridicule dans lequel baigne l’ensemble de la profession d’ambassadeur lorsque la NBC dit à la fin ce que cette folie de grandeur a coûté en construction : 300 millions de dollars, pire, ce que cela va coûter en entretien : 2 milliards de dollars chaque année au contribuable américain pour entretenir les 21 bâtiments, 1000 bureaucrates et 4000 employés de l’ambassade américaine de Bagdad. Il y a des appartements pour héberger 600 personnes avec une somptueuse résidence de 4 900 m2 pour le tout premier Ambassadeur au monde devant profiter de telles installation, Monsieur Ryan Crocker.
En contre partie, qu’est-ce que cela va rapporter au peuple américain ? RIEN, oui, vous avez bien compris cela ne va rien rapporter au contribuable américain ou juste pour montrer les muscles de king-kong aux pauvres Irakiens. Déjà en 2012, 50% des entreprises qui ont gagné le marché de la reconstruction en Irak appartiennent des fonds souverains chinois. La China a tout simplement attendu qu’elles gagnent ces marchés colossaux pour lesquels sont morts plus de 5000 marines, pour aller les acheter à la bourse.
Et la cerise sur le gâteau, mieux, la cola sur le vin de palme, c’est le magazine français VSD du 30 avril 2008 qui nous le révèle à propos de la plus couteuse ambassade américaine dans le monde : le cabinet d’architectes employé par le gouvernement américain, Berger, Divine Yaeger Inc, aurait naïvement posté les plans des maquettes sur le site Internet de la compagnie, ce qui fait que tout ennemi des USA détient à l’heure actuelle, les plans de toutes les constructions de ces 40 hectares, rendant complètement inutile sur le plan de la sécurité, cette ambassade. Il est vrai que le modèle politique désigné avec le nom de « démocratie occidentale » est le système dans lequel le peuple est le plus berné et content de l’être, mais tôt ou tard, le peuple américain comprendra qu’avec 2 milliards par an que les politiciens américains arnaquent pour maintenir cette folie; et ce jour là, conjugué d’autres arnaques de ses dirigeants politiques, lui aussi va se révolter dans un probable « printemps américain » et il ne faut pas être surpris du sort que sera alors réservé à ce complexe démantèlement.
2- LA FRANCE
Avec ses 171 ambassades dans autant de pays, 98 postes consulaires et 17 représentations dans les organismes internationaux, la France est le deuxième rang mondial de réseaux diplomatique (derrière les USA). Il n’y a que 31 pays dans lesquels la France n’a pas d’ambassade ou de consulat, très loin devant la Russie, le Royaume Uni, l’Italie et la Chine. Cette deuxième place offre-t-elle à la France un avantage probant par rapport aux autres états qui en ont moins ? Parce que ce record ne suffisait pas, on a ajouté une bêtise à la française dénommée Ambassadeur à thème. Ce qui porte le nombre total des Ambassadeurs français à 191.
Les dirigeants français ont profité du système de la représentation diplomatique pour assouvir leurs désirs de clientélisme politique. Nous prendrons 2 exemples très parlants :
– Ambassadeurs à thème : Comme la France avait déjà occupé tous les 171 postes d’ambassades françaises dans le monde, c’est le président Chirac qui eut cette idée géniale d’en inventer d’autres et de faire avaler la pilule au peuple en les désignant comme des Ambassadeurs à thème, avec bureau, chauffeur, frais de réception et de déplacement dont le principal but était de recycler les ministres qui perdent leur portefeuille ministériel. Et son successeur Sarkozy l’a multiplié par 5 pour passer à 20 Ambassadeurs thématiques. Ce qui fait dire à la Sénatrice centriste Nathalie Goulet définissant ces Ambassades thématiques ceci : « Ce sont des postes créés pour recaser des copains politiques en mal d’exotisme ! ».
Comment ne pas lui donner raison, lorsqu’on lit dans le Canard Enchaîné du mercredi 9 novembre 2011 que par exemple Gilles de Robien (UMP), qui a été ministre de 2002 à 2007 et qui perd son poste ministériel en 2007 est immédiatement nommé par Nicolas Sarkozy, dès le mois d’octobre 2007 et en toute cachette Ambassadeur « chargé de la cohésion sociale. » Coût pour le contribuable français : 500.000 €/an. D’autres anciens ministres occupent des postes d’Ambassadeurs avec des qualificatifs des plus ronflants, pour ne pas dire ridicules, comme : « Ambassadeur chargé la prévention des conflits en Afrique », « Ambassadrice chargée de la réflexion sur la rénovation des sommets France-Afrique ». Ce qui fait conclure à la sénatrice Nathalie Goulet : « A-t-on vraiment besoin d’un ambassadeur chargé de la Shoah, de l’adoption, du climat, itinérant pour l’Asie, de la lutte contre la piraterie maritime, de la rénovation des sommets France-Afrique, de la criminalité organisée, etc…Tous ces ambassadeurs peuvent être remplacés par des fonctionnaires des ministères concernés à moindre coût ».
Cette dérive montre à quel point la fonction d’Ambassadeur est, aujourd’hui, complètement désuète, pour ne pas dire inutile, dès lors que les politiciens montrent très clairement qu’ils sont les premiers à ne pas y croire.
3- LES ECOLES DE FORMATION DES AMBASADEURS OBSOLETES
L’inadaptabilité des ambassadeurs au monde du 21ème siècle vient aussi du fait que plusieurs pays suivent le modèle erroné français de la formation des Ambassadeurs. Les ambassadeurs formés pour cette carrière sont porteurs d’une faiblesse de départ : ils sont formatés à la pensée unique, ils sont formatés à un certain formalisme qui trouve ses limites dans les problèmes toujours plus complexes des relations internationales. La conséquence est l’échec de la plupart des négociations pour la solution de presque tous les conflits du monde, de la Birmanie à la Côte d’ivoire en passant pas la Libye, et la Syrie ou l’Iran. Les Ambassadeurs ne sont pas habitués à la critique, à des positions contradictoires, ils ont le droit de vie et de mort sur leurs collaborateurs et l’essentiel de leurs activités est de poster des télégrammes avec des contenus des plus fades. Cette répétitivité de messages inutiles et vides de sens les infantilise à la longue et transforme la plupart des ambassadeurs en personnes complètement désuètes dans la solution des plus grands conflits mondiaux. A leur place, il faudrait de vrais commerciaux, qui par leurs formation et leur expériences du terrain savent que personne ne leur déroulera le tapis rouge pour faire fleurir leurs idées ou soutenir leurs intérêts;
Certains pays l’ont compris et ne forment plus leurs ambassadeurs, mais les recrutent comme on le ferait pour n’importe quelle entreprise sur le marché, en variant au maximum le personnel qui composera le corps diplomatique. C’est le cas du Royaume Uni qui ne forme pas les Ambassadeurs, mais les recrute par concours auquel participe toute personne qui a un niveau de 3ème cycle universitaire. Les Etats-Unis d’Amérique recrutent leurs ambassadeurs sur un vivier très large de toute les personnes âgés de 25 à 55 ans qui peuvent venter une expérience professionnelle dans tout domaine d’activité.
4- UNE DIPLOMATIE RONGEE PAR LA CORRUPTION
A- LA SUISSE INSOUPCONNABLE
C’est depuis le début de la crise économique en Europe qu’on recense une explosion des corruptions impliquant les ambassades de presque tous les pays européens en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. C’est la vente des visas, c’est le trafic d’êtres humains, c’est la mafia qui s’est installée au cœur même de plusieurs ambassades et consulats de certains pays européens. C’est en tout cas ce que nous révèle le journal dominicale de la Suisse alémanique « SonntagsZeitung » dans son édition du dimanche 27/06/2010 publiant la liste de 32 Ambassades et consulats Suisses minés par la corruption, dont 14 en Asie, 10 en Afrique et 5 en Europe ; information confirmée par le Département Fédéral des Affaires Etrangère (DFAE) de Michelle Calmiray en fournissant plus de détails sur les noms des ambassades et consulats incriminés, notamment ceux de Pékin, Moscou, Bombay, New Dehli, Istambul, Shanghaï, Kiev, Belgrade, Pristina et Bangkok, mais aussi les ambassades suisses au Pérou, Nigeria, Serbie, Congo l’Erythrée.
Le journal cite Martin Dahinden, chef de la Direction des ressources et du réseau extérieur au DFAE qui dit : « Dans le combat contre les abus impliquant des visas, on a souvent affaire avec des organisations impliquées dans le trafic de drogues et de femmes ».
On est ainsi arrivé à l’extrême conséquence de la fermeture de l’Ambassade Suisse à Islamabad au Pakistan le 30 Avril 2010 avec un communiqué du DFAE nous informant d’un gigantesque trafic de visa impliquant 8 diplomates suisses et 21 employés Pakistanais où était exigés aussi des prestations sexuelles et de l’argent en échange d’un visa pour la Suisse, validité Schengen.
Lorsqu’on va fouiller les archives, on découvre que c’est toute la profession qui est pourrie, car en restant au Pakistan, on découvre que le 18 Mai 2006, c’est le même DFAE qui émanait un communiqué pour nous annoncer une sanction disciplinaire contre les diplomates en poste dans le pays asiatique, il s’agissait alors de l’Ambassadeur en personne, M. Denis Feldmeyer visé par l’enquête disciplinaire suite à l’affaire des visas au Pakistan. Mais aussi son prédécesseur et le chef de la chancellerie. Sans attendre la fin de l’enquête, Monsieur Feldmeyer sera muté à Berne où il attendra un an pour être nommé en Islande par décret du Conseil Fédéral, (Département fédéral des affaires étrangères) du 23 Aout 2007.
Le cas de la Suisse est l’arbre qui cache la forêt de la gigantesque corruption des ambassades européennes dans les pays à forte pression migratoire à l’entrée en Europe. Mais comme le sujet est tabou pour ne pas écorner l’image radieuse de la diplomatie, alors bouche cousue pour tout le monde.
B- LA FRANCE IMPREVISIBLE
Pour solutionner son problème de corruption de ses diplomates, c’est la France qui va prendre une solution radicale et complètement imprévue : En Chine, elle va tout simplement confier la section des visas à l’état chinois, à travers une entreprise publique qui s’appuie sur la police chinoise pour rendre efficace le travail que lui a confié l’état français. C’est en tout cas ce que nous dévoile Franck Renaud dans son livre enquête sur les dessous de la vie des ambassadeurs intitulé « Les Diplomates » publié en Juin 2010 aux Editions Nouveau Monde.
Cela peut sembler complètement ahurissant, surtout lorsqu’on voit les politiciens français parler de la Chine comme le monstre à détruire. Et tout cela s’est fait sous la présidence Sarkozy, au même moment où ce dernier menaçait de ne pas aller aux Jeux Olympiques de Pékin, dans ce pays dictatorial qui ne respecte pas les droits des hommes, tant que le peuple Tibétain n’aurait pas eu sa place dans le dialogue paritaire avec Pékin. Et on découvre sur le terrain que cette même France avec ce même président a tout simplement renoncé à la souveraineté française pour l’octroi des visas d’entrée sur son territoire, pas au profit d’un autre pays de l’Union Européenne, pas au profit d’un autre pays de la zone Schengen, mais au profit de ce pays qu’on a insulté de tous les noms et qui a valu à la France 2 ans de mise à pied de la part de la Chine, révoquées après de nombreux voyage de supplication de Jean Pierre Raffarin à l’ « Empire du Milieu ».
5- UN PRESTIGE AU SERVICE DU CLIENTELISME
A- L’ITALIE
L’Italie paye chaque année pour ses 325 Ambassades et consulats à l’étranger, la somme de 1,7 milliards d’Euros (1.115 milliards de FCFA/an). Qu’est-ce que cette somme ainsi investie rapporte au pays le plus endetté de toute l’Europe avec une dette publique de 1.950 milliards d’Euros (1,3 millions de milliards de FCFA), 4,8 fois la dette de tous les pays africains. Une dette qui augmente chaque jour de 780 millions d’Euros, c’est-à-dire qu’elle augmente toutes les 2 secondes d’environ 1 million d’Euros (655,9 millions de Fcfa chaque 2 secondes). Dans la folie de ce train lancé à grande vitesse qui se précipite droit dans le mur, il y a le scandale de la rémunération des ambassadeurs.
C’est le quotidien italien Il Fatto Quotidiano dans son édition du 10 décembre 2011 qui mettait le doigt sur la comparaison entre l’Allemagne et l’Italie et la corrélation entre leurs économie et leur diplomatie. Il en ressortait que l’Italie qui peinait à trouver de l’argent sur les marché à un taux de 6%, lorsque l’Allemagne le trouve facilement à un taux de 1%, payait son ambassadeur à Berlin 2 fois plus cher que le salaire de la chancelière Angela Merkel. Ainsi, le journal italien nous informe que l’Ambassadeur Michele Valensise nommé à Berlin par Silvio Berlusconi, dirige une équipe de 58 personnes, touche un salaire net de 20.000 €/mois, alors que Angela Merkel qui dirige la troisième puissance mondiale, avec 80 millions d’habitants touche un salaire de 9.072,43 €/mois.
L’Ambassadeur en vaut 20, la Chancelière 9. Il s’agit d’un vaste réseau de pur clientélisme, où la diplomatie n’a rien à voir et qui profite aux familiers de politiciens, qui arrive jusqu’au paradoxe qui fait que le chauffeur de l’Ambassadeur d’Italie avec un salaire mensuel de 6.000 Euros par mois gagne bien plus que le président de le Fédération de Russie avec ses 17 millions de km² qui touche seulement 4.860 €/mois (3,2 millions de FCFA/mois), malgré que le pays croule sous le poids du gaz et du pétrole, révèle le journal italien.
Et le Sénateur du Parti Démocrate Claudio Micheloni, président de la Commission des Affaires étrangère du Sénat Italien qui s’insurge du fait que 0,1% de la richesse du pays est engloutie dans une filière complètement inutile comme celle des diplomates avec la preuve la plus criante du clientélisme à l’intérieur de l’Ambassade italienne de New Delhi en Inde où les amis, les frères et les amants de politiciens nommés depuis Rome touchent un salaire de 80.000 Euros/an alors qu’un débrouillard italien qui n’appartient pas à la même caste et qui exerce exactement la même fonction, touche 6.000€/an, payé selon un contrat de droit indien. Et Micheloni de nous dire : « le plus grave dans tout ça c’est qu’on ne sait pas qui nomme qui ».
6- UN CAFOUILLAGE INFINI
Pris dans le tourbillon d’un nouveau monde non maîtrisé, on assiste depuis une dizaine d’années à une forme de cafouillage indescriptible dans les ambassades. Des décisions non réfléchies ou non suffisamment muries qui débouchent sur des résultats en complète contradiction avec les objectifs affichés.
C’est Nicolas Lecaussin de la Fondation IFAP, ce Think Tank dédié à l’analyse des politiques publiques, à travers son rapport intitulé « La diplomatie française, un rayonnement très coûteux » met le doigt dans la plaie lorsqu’il dit dans sa conclusion que la « La diplomatie française va à vau l’eau (…) Les ambassadeurs passent le temps à effectuer de meilleurs rapports et une fois achevés, ils les mettent de côté. » Il invite à ne jamais se contenter du site web des ambassades qui sont une merveille, mais qui cachent tellement de misère comme un mauvais film dit-il. Il cite enfin le diplomate Jean-Michel Dijinan qui nous fournit une preuve du cafouillage de la diplomatie française en ces termes : « A Lubumbashi, deuxième ville de la République démocratique du Congo, la France décide opportunément de créer en 2000 un poste d’attaché culturel adossé à la réouverture, en plein cœur de la ville, d’un centre fermé depuis dix ans. Deux ans de travaux et de négociations pour aboutir, en juillet 2003, à la fermeture d’un bâtiment entièrement rénové, disposant de 4500 ouvrages neufs et qui aura coûté 170.000 euros. Avec, en prime, la suppression du poste d’attaché culturel ! »
7- AMBASSADES AFRICAINES ACCUSEES DE BLANCHIMENT D’ARGENT SALE
C’est en fin septembre 2010 que la banque américaine JP Morgan envoie une lettre à 150 ambassades accréditées aux Nations Unies à New-York pour leur annoncer la clôture de leurs comptes au 31 Mars 2011. Si pour des pays comme la Russie, la Chine ou la France, ouvrir des comptes dans de nouvelles banques n’a pas été un problème, par contre la presque totalité des pays africains ont eu du mal à trouver une autre banque qui les accepte, transformant de fait la faiblesse qu’incarne l’absence de conception idéologique de la pléthore des ambassades africaines en condamnation effective.
En effet, la lettre de JP Morgan n’inculpait aucune ambassade en particulier, mais puisqu’au final ce sont les ambassades africaines qui se sont vues refuser l’ouverture de nouveaux comptes dans d’autres banques, tout le monde a retenu par déduction que ce sont les Africains qui étaient le plus mis en cause. Et même l’intervention de l’Union Africaine ou du Secrétaire Général des Nations Unies n’a pu rien faire. On a ainsi assisté à des situations terrifiantes où des ambassades africaines ont été privées d’électricité, d’eau et de gaz pour cuisiner dans les résidences des ambassadeurs ; des diplomates incapables de payer l’essence pour faire rouler leurs voitures pour se rendre au travail, des mises en demeures pour d’autres pour loyer impayés etc…
Les plus malins se sont fait prêter de l’argent par les familiers restés au pays dans des tontines et le recevoir par virement pour avoir juste de quoi faire manger leurs familles. Ces ambassades étaient-elles coupables de ces accusations de blanchiment d’argent ? La question a été posée au Secrétariat d’Etat Américain qui n’a eu d’autre réponse qu’aux USA, les banques sont privées et peuvent faire ce qu’elles veulent, c’est-à-dire condamner des pays parce que plus faibles, sans jugement et sans laisser la moindre possibilité de se défendre. Ce n’est pas l’administration américaine qu’il faut condamner, encore moins ces banques inquisitrices, mais les africains eux-mêmes de n’avoir pas compris à quel jeu on joue et que l’ambassade d’un minuscule pays comme le Burundi, le Benin ou le Togo, n’aura jamais son mot à dire dans la moindre négociation si il est incapable de faire plier une banque qui l’envoie littéralement mendier sur le trottoir.
8- QUELLES LECONS POUR L’AFRIQUE ?
A l’indépendance les états africains ont cru par erreur que ce qui valide l’existence d’un état, c’est sa présence avec des ambassades et des consulats dans les pays qui s’étaient organisés à Berlin en 1884 pour spolier le continent africain. Se faisant, ils se sont lancés dans une concurrence déséquilibrée avec ces pays qui ne pouvaient que les transformer en pays subalternes receveurs de leçon au départ et d’injonction à l’arrivée venant des mêmes pays occidentaux. Peut-on dire que l’échange d’ambassadeurs entre le Niger et les Etats-Unis d’Amérique symbolise vraiment l’amitié paritaire entre les deux peuples ? bien sûr que non. D’abord le prix du mètre carré du terrain à Niamey est 100 fois inférieur au prix à Washington, ce qui fait que même si le Niger avait le même niveau de vie des USA, il ne pourrait pas construire à Washington la même ambassade imposante que Washington fait à moindre frais à Niamey en imposant dans la psychologie du peuple Nigérien le symboles de sa puissance et oblige ce dernier à se mettre à genoux avant même que d’imaginer quel genre d’amitié est-il possible entre un peuple américain qui est incapable de situer le Niger sur une carte géographique et les Nigériens qui n’ont que faire des beaux discours de circonstance qui ne changent en rien la dureté de leur vie.
Pire, tous les 50 Etats américains sont unis pour financer une seule et unique ambassade à Niamey, alors que 50 des 54 états africains payent l’exorbitant coût de 50 ambassades à Washington. Ce qui pénalise doublement et affaiblit définitivement toute image de sérénité et progrès humain qu’ils comptent envoyer au peuple américain dans ce rapport trop inégal, miné par cette division stupide. Une seule ambassade à Washington pour ces 50 états africains leur aurait donné une plus grande respectabilité et surtout tout le gaspillage restant aurait permis de construire toujours plus d’écoles, plus d’hôpitaux, plus de routes rendant la vie des population en Afrique moins un enfer. Je trouve cependant que même l’Ambassade unique ne peut être une priorité et serait complètement inutile avant que toutes les dépenses ne soient pendant au moins 10 à 20 ans après les indépendances complètement dédiées à créer un début de richesse et un semblant de vie de normalité de la population.
A défaut de rompre les relations avec les pays dans une diplomatie qui se transforme jour après jour en véritable mafia que l’Afrique a du mal à comprendre et donc à maîtriser, les pays africains doivent réussir l’exploit de repenser leur philosophie profonde de la convenance ou non d’entretenir des relations prétendument diplomatiques avec certains états et surtout, fermer toutes les représentations diplomatiques dans les différents pays africain pour les confiner à la capitale africaine qu’est Addis-Abeba. Parce que l’activité d’espionnage et de déstabilisation de certaines représentations diplomatiques jusqu’à l’armement des rebelles crées ad-hoc, doit faire comprendre aux Africains qu’il faut changer de registre : toutes les Ambassades sans exception doivent être regroupées dans un seul et même périmètre à Addis-Abeba où l’entrée et la sortie sont tenues sous contrôle par le nouveau contre espionnage continental africain à créer. Ce n’est que comme cela qu’on pourra éviter le scénario libyen ou syrien où une poignée de pays se fait appeler « Communauté Internationale » et décide en fonction de l’ennui de ses ambassadeurs qui doit rester au pouvoir et qui doit partir.
C’est à ce prix que certains pays étrangers qui se disent amis, ne manipuleront pas les 1 milliard d’africains, ni en République Démocratique du Congo, encore moins au Mali, et surtout pas avec le thème piège des droits de l’homme. L’Union Africaine doit avoir le pouvoir d’imposer des dimensions standard à toutes les Ambassades, parce que ce n’est pas sur notre territoire en Afrique qu’une puissance étrangère doit venir exposer son faste à travers une ambassade ou autre chose. Car la symbolique aussi compte beaucoup.
Et dans tous les cas, la nouvelle configuration s’impose à toutes les nations du monde dans la conception même des relations internationales et de la gestion administrative ou politique de ce qui en découlera, ce qui oblige l’Afrique à parler d’une seule voix, sans laquelle elle devient très vite inaudible et fragile. Les Etats-Unis d’Afrique doivent être une priorité à l’entrée du continent dans le cercle des nations, sans cela, l’état lamentable de nos ambassades restera la vraie et seule carte de visite de notre crédibilité aux yeux du monde. Une seule représentation diplomatique dans chaque groupe de pays est une nécessité financière. L’Afrique doit disposer d’une seule et unique ambassade pour toute l’union européenne, c’est-à-dire à Bruxelles. Cette rationalisation permettra de libérer des ressources que nous utiliserons pour améliorer la vie de nos citoyens.
Douala le 09/07/012
Jean-Paul Pougala
Institut d’Etudes Géostratégiques
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