Morsi : un pas en avant, deux pas en arrière par Ahmed halfaoui
14 juillet 2012
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Morsi : un pas en avant, deux pas en arrière
Le président égyptien, Mohammed Morsi, nous a gratifiés d’une bravade qui n’a duré que le temps que l’on s’en étonne, pour certains esprits lucides, et que l’on se fend en conjectures pour d’autres. L’Egypte aurait retenu son souffle, croyant à l’imminence d’une confrontation aux conséquences dramatiques. Il n’en fut rien. La révolution est désormais entre les mains qu’il faut et elle ne sortira pas par les fenêtres des palais, où elle se trouve. En annulant la décision de la Cour constitutionnelle qui dissout le Parlement, M. Morsi a fait croire qu’il prenait l’Egypte en main et que le Conseil supérieur des forces armées (CSFA) allait être renvoyé à ses casernes. Beaucoup y ont vu le début d’un bras de fer ou pire : le déclenchement d’une crise politique majeure et l’avènement du démantèlement du système régnant.
Mais les Frères musulmans ne sont pas, au fond, aussi fous qu’ils peuvent en donner l’air. Aussi vite que le Parlement a été rétabli, Morsi a obtempéré à la réaction judiciaire qui suspendait l’annulation de la dissolution. En l’espace de quelques heures, l’ordre venait d’être rétabli. L’explication donnée par le chef de l’Etat est qu’il respectait la Haute cour constitutionnelle, sans expliquer pourquoi il ne l’avait pas respectée, jusqu’à ce qu’elle se rappelle à lui. «Même si le jugement de la Cour constitutionnelle, hier, revient à empêcher le Parlement d’assumer ses responsabilités, nous respectons cela, parce que nous sommes un Etat de droit», c’est ce qu’il a dit. Comprenne qui pourra dans cette gymnastique inédite en matière de gestion des affaires politiques. Et puis, on apprend qu’il y a un rendez-vous des plus importants entre Hillary Clinton et le Frère président. La dame avait immédiatement réagit à l’événement en donnant l’ordre de procéder «à un dialogue intensif entre tous les protagonistes», ce qui a peut-être pesé dans l’attitude de M. Morsi. Même si on savait que son mouvement n’a jamais envisagé de remettre en cause l’ordre établi et que ses prétentions religieuses peuvent bien être sacrifiées sur l’autel des intérêts bien compris des classes possédantes, dont le CSFA représente une fraction non négligeable. Hillary Clinton va, de vive voix, lui expliquer en quoi consiste les choses et l’aider, loin du vacarme de Tahrir et des rues égyptiennes, à respecter «le rôle d’avant-garde que jouent les Etats-Unis d’Amérique pour le triomphe des causes justes, la défense des nobles valeurs humaines et leur contribution efficiente à l’instauration de la paix et la stabilité internationale, particulièrement dans la région du Moyen-Orient et en Afrique».
Cette définition donnée par le roi du Maroc, Mohammed VI, dans son message au président étatsunien, à l’occasion de la fête de l’indépendance de son pays, révèle la déférence qui est exigée de tous ceux qui aspirent réellement à ne pas entraver l’instauration de la «paix globale», voulue par Washington. Loin de ce que peuvent en penser les peuples et de ce qu’a porté leur colère comme aspirations et comme revendications. Le «printemps» a atteint son terme, les Frères en sont les garants.
Par Ahmed Halfaoui