Ziad Takieddine : « Sarkozy a été acheté de toutes pièces par le Qatar »
4 août 2013
Ziad Takieddine : « Sarkozy a été acheté de toutes pièces par le Qatar »
Mis en examen dans l’enquête sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, Ziad Takieddine réitère ses accusations contre l’ex-président sur FRANCE 24. « Choqué » par les propos de l’homme d’affaires, Claude Guéant réagit.
Ziad Takieddine… Son nom défraye la chronique judiciaire depuis plusieurs années. Soupçonné d’avoir joué un rôle-clé dans l’affaire Karachi, le richissime homme d’affaires franco-libanais est mis en examen depuis 2011 pour complicité et recel d’abus de biens sociaux, faux témoignages et depuis 2012 pour blanchiment de fonds.
Des accusations farouchement réfutées par l’intéressé qui n’a de cesse de clamer son innocence et a juré de se venger. Ses cibles : Jacques Chirac et désormais Nicolas Sarkozy. Bien qu’il assure détenir les preuves de la culpabilité des anciens présidents dans plusieurs affaires de corruption, aucun document n’a, à ce jour, été dévoilé.
Quelques jours avant la perquisition menée à son domicile parisien, Ziad Takieddine s’était entretenu en exclusivité avec FRANCE 24. Il réitère ses attaques, en accusant le président sortant d’avoir perçu des financements occultes du Qatar et de la Libye dans le cadre de la libération des infirmières bulgares.
FRANCE 24 a ensuite soumis les accusations de Takieddine à l’ex-ministre Claude Guéant, proche de Nicolas Sarkozy et dont le domicile et les locaux ont également été perquisitionnés il y a un mois et demi. Il condamne fermement l’ensemble des accusations de l’homme d’affaires.
- L’affaire des infirmières bulgares
Juillet 2007. Après d’ultimes négociations à couteaux tirés, cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien détenus par le régime libyen de Kadhafi sont libérés et ramenés à Sofia par Cécilia Sarkozy, l’épouse à l’époque du président fraîchement élu, et par Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée. Une libération acclamée qui a pourtant bien failli capoter, selon Takieddine.
Ziad Takieddine : « À la dernière minute, avant la libération qui a eu lieu à 4h30 du matin, vers 23h30, je reçois un coup de fil de Claude Guéant. Il me dit : ‘On a un problème, ils demandent 135 millions de dollars de garantie par la France sur les contrats à venir avec les sociétés françaises […] Il n’est pas question qu’on accepte.’ Puisque Guéant et Sarkozy avaient des relations avec le Qatar, je me suis permis de dire : ‘Utilisez vos relations, appelez l’émir du Qatar.' »
Claude Guéant : « C’est vrai qu’il y a eu des contacts entre le Qatar et le gouvernement libyen avant la libération des infirmières. Je ne sais pas le contenu de ces contacts mais ce n’était pas au moment indiqué par Takieddine, c’était beaucoup plus tôt dans la journée… »
FRANCE 24 : Quid des 135 millions de garantie évoqués par Ziad Takieddine ?
Claude Guéant : « Je n’ai pas eu de conversation à ce propos avec Takieddine, je n’en ai aucun souvenir. Je pense que ces questions ont été évoquées avec le Qatar mais je ne connais pas les conclusions données à ces entretiens… »
- Les financements occultes du Qatar
Ziad Takieddine affirme que le Qatar, plutôt qu’une garantie de 135 millions de dollars, aurait proposé de donner 300 millions de dollars à la Libye.
FRANCE 24 : Vous affirmez que le Qatar, au lieu de payer la Libye, a envoyé cet argent à travers la Suisse, mais à qui ? Claude Guéant et Nicolas Sarkozy ?
Ziad Takieddine : « Oui totalement. […] Les 300 millions n’ont pas été envoyés. Mais ils ont été payés autrement, par Lugano (importante place financière suisse, ndlr) et autres à travers le Qatar pour finir dans les poches de Guéant et Sarkozy. »
FRANCE 24 : Avez-vous des preuves ?
Ziad Takieddine : « Oui, j’ai tout ce qu’il faut. Pas personnellement sur moi mais j’ai vu… Je peux vous dire que le Qatar va avoir beaucoup de peine à prouver que les 300 millions ont été payés à la Libye […] Je sais très bien où se trouve tout ça et je connais très bien quand et comment cela va sortir. »
Claude Guéant : « Ce qui est dit là est profondément scandaleux et choquant, c’est inadmissible de tenir des propos comme ça. »
Selon Takieddine, si le Qatar intervient dans cette affaire, s’il investit en France, au travers du Paris-Saint-Germain, des prises de participations dans des entreprises ou des biens immobiliers de luxe, c’est qu’il poursuit un double objectif : faire de bonnes affaires et au passage, gagner de l’influence politique.
Ziad Takieddine : « Ces investissements par les dirigeants du Qatar sont faits pour acheter, acheter les dirigeants français. Et ça commence avec Nicolas Sarkozy qu’ils ont acheté de toutes pièces. »
Claude Guéant : « Je ne vois pas en quoi le Qatar achète qui que ce soit en France lorsqu’il investit dans un établissement hôtelier. À quoi ça rime ? Ça n’a strictement aucun sens ! »
- Le financement de la campagne de 2007 par Kadhafi
Autres propos que réfutent Claude Guéant: les accusations selon lesquelles le colonel Mouammar Kadhafi lui-même aurait financé la campagne de Sarkozy en 2007. Elles sont lancées d’abord par Saif al-Islam, le sulfureux fils de Kadhafi lors d’une interview choc en mars 2011, juste avant la guerre en Libye. Puis un an plus tard par le site d’investigation Mediapart. Takieddine avait, à l’époque, nié ce financement libyen sur FRANCE 24 avant de revenir, aujourd’hui, sur ses déclarations.
Ziad Takieddine : « Oui monsieur Sarkozy a été financé par la Libye […] mais sous formes différentes : des contrats non réalisés, des prestations pas faites, des paiements à X, Y ou Z. Aujourd’hui, quand je dis que les montants ont dépassé 400 millions de dollars… » (grand sourire)
Il affirme savoir où se trouvent les preuves de ce financement mais refuse d’en dire plus. Il a abordé le sujet une fois avec le juge Van Ruymbeke fin 2011et Takieddine refuse dorénavant de répondre au magistrat qui l’a mis en examen.
Claude Guéant : « Franchement, c’est absolument faux et c’est vraiment scandaleux que l’on puisse proférer de telles accusations sans fondement. »
Accusations véhémentes contre démentis outragés, l’affaire tourne au règlement de comptes. Et pour Takkieddine la meilleure défense, c’est l’attaque.
Ziad Takieddine : « Oui il est corrompu, oui qu’il vienne se défendre M. Sarkozy, qu’il vienne se défendre devant les juges français ! »
Vindicte d’un homme blessé, traqué par la justice et qui se sent lâché par les politiques qui le fuient dorénavant comme la peste ? Coup de bluff ? Ziad Takieddine a beau affirmer vouloir tout dire et ne plus fuir la lumière, il garde une part d’ombre que seuls les juges pourront percer.