Les guerres de la France tournent au chaos… L’éditorialiste du Monde est content
18 mars 2014
18 March 2014
Les guerres de la France tournent au chaos… L’éditorialiste du Monde est content
Alors que le fiasco de l’intervention française au Mali se confirme et que l’opération en Centrafrique s’achemine vers le même échec, le chroniqueur Jacques-Marie Bourget, auteur de « Sabra & Chatila, au cœur du massacre » et du « vilain petit Qatar » avec Nicolas Beau, décrypte la schizophrénie de la presse française à l’égard de la politique va-t-en guerre de Hollande.
Le Monde est une Bible dont la main gauche ignore ce que fait la droite. Je veux dire que les responsables de la page « une » du quotidien de validation, ignorent ce que d’autres écrivent en page « trois ». A défaut de ligne politique le phare du boulevard Blanqui devrait se doter d’une ligne intérieure, téléphonique. En « une » -donc sous la tutelle de la patronne du journal Nathalie Nougayrède- nous lisons un éditorial écrit d’une plume combattante, trempée dans du Banania, la seule vraie encre coloniale. La pensée unique est au rassemblement, résonnez trompette : nos confrères louent « l’union nationale autour des missions engagées » en Afrique par la France. Celles de nos soldats, tous combattants de la liberté. Grâce au PS la guerre n’est plus ce qu’elle était. Elle n’est plus que « morale », « humanitaire » et rien d’autre. Ouf. Sans doute dans ces conflits « moraux », les missiles, bombes, drones et fusils font-ils moins mal ? Du parachute ce n’est pas un soldat qui tombe, mais un ange. Tel un lapin-tambour l’éditorial du Monde applaudit à un nouvel acte de non violence : le vote des députés et sénateurs qui maintient nos troupes et en accroit même le nombre en République Centrafricaine.
Mais, patatras, en page « trois » du Monde, par un court voyage sur papier recyclé, nous voilà au Mali. Où une guerre de ce type, je veux dire une opération humanitaire, se passe beaucoup moins bien. Jacques Follorou, un garçon qui n’a rien compris au hourra-journalisme, la nouvelle forme du métier, flingue comme un sniper la politique de Hollande et celle de ses chefs et couvre-chefs galonnés. Ne lisez pas son article, il est trop désespérant et risque bien de dire la vérité. En dépit de l’opération « Serval », et de l’action de tous ces magnifiques soldats des Forces Spéciales -que dans un documentaire à la soviétique la Défense nous a montrés dans un film produit par elle-même- les jihadistes sont toujours là. Prêts à reprendre d’un coup sec un Nord Mali qu’il faudra bien que la France quitte un jour. Un exemple, hier encore les salafistes viennent de chasser 700 mineurs de sel de leur emploi au nord de Tombouctou. Nul, au journal Le Monde, nul à l’Assemblée nationale et au Sénat n’imagine que la Centrafrique puisse devenir un autre Mali. Ceux-là estiment que la République doit faire confiance à son armée humanitaire, commandée par des disciples de Gandhi. Cette certitude doit nous réconforter.
Même si l’opinion publique n’existe pas, disait Bourdieu, ça n’empêche pas les Français de penser. Plus s’avance en Centrafrique cette opération Sangaris qu’Hollande avait promise courte, plus nos concitoyens –sûrement des « munichois »- sont gagnés par le doute. L’appui à la guerre est passé de 51 à 42%, et la chute promet de continuer. Encore un effort, Le Monde et Pujadas, pour expliquer la juste cause aux Français.
Sur la RCA personne n’a noté une décision symbolique, Paris, contre l’avis de Manuel Valls, va envoyer des Gardes Mobiles se battre à Bangui. Des troupes d’élite qui savent y faire et se sont si bien illustrées entre 1954 et 58 en Algérie. Que la Centrafrique se réjouisse donc de continuer d’être traitée en colonie. Personne, non plus, n’a demandé l’avis des citoyens de ce pays déchiré. Eux, quand ils s’expriment, ce n’est ni dans Le Monde ni à l’Assemblée Nationale. Leur manière de dire et leur façon de voir ne tient que dans quelques communiqués. Comme celui-ci, « La Coordination des Centrafricains de France condamne l’absence des représentants du pays dans les instances internationales traitant des questions et même de l’avenir du pays. L’hégémonie de plus en plus ouverte et prononcée du Tchad sur la RCA est non seulement inadmissible, humiliante, mais source de tensions inutiles… ». Drôles de gens que ces citoyens-là, qui n’ont rien compris aux principes de la guerre nouvelle. Ils se prennent pour des grands alors qu’ils ne sont que nains.
Dans la tribune des sceptiques on trouve aussi Ban Ki-moon, l’homme qui rit. Le Secrétaire général de l’ONU, s’appuyant sur les rapports de ses fonctionnaires, refuse de se joindre à la « ola » française. Ce faux-frère demande des renforts militaires « maintenant et vite pour éviter une nouvelle aggravation » c’est-à-dire « des atrocités et des déplacements massifs de population ». Et c’est la solution, que la France quitte sa vieille colonie, où, dans un premier temps comme à Gao et Tombouctou, elle n’a pas imaginé de protéger les musulmans. Que Paris laisse donc la place à des Népalais, des Sri-lankais qui, eux, ne sont jamais passés par la case de l’Oncle Tom. Ou laisse aussi la place à la Chine et l’Amérique, qui aiment tant l’Afrique. François Hollande, hier encore en voyage à Bangui, devrait comprendre que nos guerres africaines sont des conflits « globalisés » qu’il ne peut résoudre avec ses rustines humanitaires.
Jacques Marie Bourget
http://mondafrique.com/lire/editos/2014/02/28/les-guerres-de-la-france-tournent-au-chaos-leditorialiste-du-monde-est-cont