« Qu’est-ce qu’un démocrate, je vous en prie, C’est là un mot banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc.
Quelle opinion ne parviendrait pas à se loger sous cette enseigne, les roués se complaisent dans ce vague qui fait leur compte ; ils ont horreur des points sur les i.
Voilà pourquoi ils proscrivent les termes : prolétaires et bourgeois.
Ceux-là ont un sens clair et net ; ils disent catégoriquement les choses. C’est ce qui déplaît. »
Auguste Blanqui, lettre à Maillard, 6 juin 1852
Ni Nahdha ni Nidaa, continuons le combat !
Recevant les différentes contributions concernant ces initiatives de « rassemblement démocratique » ou « bloc démocratique » pour concourir aux futures échéances électorales et faisant partie de l’aile du Front Populaire ayant dès le début refusé le cours de collaboration de classes d’une partie du Front Populaire (Notre aile réaffirme tout haut le mot d’ordre fondateur du Front Populaire : « La Dessetra Oula Khaouanjia, Thaouritna Thaoura Chaabia« , (Ni Nidaa, ni Nahdha, continuons le combat !) mot d’ordre plus que jamais valable) veuillez me permettre de mettre mon grain de sel à propos de ces nombreuses tentatives désespérées de rassembler et de faire tenir ensemble la grande famille des « démocrates ».
Celles-ci sont très révélatrices de ce que le spectre dit « démocratique », « de gauche », du « centre gauche », voir de l’aile « centre droit » représente au point de vue social, économique, politique, voir idéologique.
Tout d’abord regardons le CV des protagonistes de cette initiative.
La gauche du « centre gauche »
Nous avons l’aile de « gauche ».
Cette aile de part son insertion sociale et politique (UGTT, Mouvements alter-mondialistes, etc…) garde un pied dans le « mouvement » et un pied en dehors…
Elle fut partie prenante de toutes les mobilisations depuis la fondation du Comité de solidarité avec les habitants du Bassin Minier de Gafsa en 2008 et jusqu’à la chute de la tête pourrie de la dictature durant le grand chambardement de l’hiver 2010/2011.
Cette séquence terminée, elle fut partie prenante de la fondation du Front du 14 janvier.
Mais après la dislocation de ce rassemblement révolutionnaire et dont la responsabilité incombe en premier lieu au POCT de Hamma Hammami et aux « Démocrates-Patriotes » dans toute leur diversité (mis à part ceux qui ont boycotté le scrutin), nos camarades se sont trouvés pris entre plusieurs feux « électoraux ».
D’où leur préoccupation à réussir le « Forum Social Mondial » et ils eurent raison de se concentrer sur cet événement dans un moment de reflux et de défaite électorale.
Les élections se sont conclus par le sobriquet infâme de « Sfir Facel » (Zero Virgule) affublé aux courants de « gauche » qui ont choisi de partir dispersés à la bataille électorale avec le résultat que l’on connaît.
Versatile !
Ce qui caractérise cette « gauche » c’est son côté « versatile », elle change d’option en fonction de l’air du temps. Elle peut aussi bien caresser une orientation extrémiste de gauche révolutionnaire que se trouver pieds et poings liés dans des cartels « opportunistes ».
Dans cette gauche, on peut placer le Parti des Travailleurs de Hamma Hammami, l’organisation de notre regretté Chokri Belaïd, le Parti Unifié des Démocrates Patriotes, représenté aujourd’hui par l’ombre de Chokri, Zied Lakhdhar, un dirigeant sans grande envergure et qui ne pourra jamais se hisser à la hauteur du géant Bélaïd.
Nous avons aussi une kyrielle de petits formations appartenant à cette gauche du centre-gauche, mais qui n’ont aucune influence, ni aucune autonomie sur le cours des événements. Leurs représentants au sein du pool dirigeant ayant fait main basse sur le Front Populaire en lui imposant le tournant catastrophique de l’alliance avec Nidaa Tounes, avalent toutes les couleuvres sans mot dire, désireux simplement figurer dans la liste des « éligibles » au sein des listes estampillées « Front Populaire » pour les prochaines échéances. Rappelons simplement que ce tournant pris par l’actuelle direction du Front Populaire de se présenter seule, sous sa propre bannière aux prochaines élections n’est intervenu qu’après la fin de non recevoir de Nidaa Tounes (l’auberge espagnole de la Destourie). Celle-ci s’est servie de l’alliance avec le Front Populaire pour se retrouver sur le devant de la scène, le temps de la formidable mobilisation qui a suivi la liquidation de nos deux dirigeants Bélaid et Brahmi.
Nidaa et sa fin de non recevoir
Ayant surfé sur la vague de mécontentement, ayant brisé l’extraordinaire élan d’adhésion au Front Populaire par la faute des principaux dirigeants de ce dernier car dépourvu de charisme voir d’ambitions révolutionnaires, Nidaa et son presque nonagénaire Essebsi ont, en toute logique, été convaincus que leur sauveur reste l’indéboulonnable « wassati » Ghannouchi. Un ticket « droite moderniste/droite intégriste religieuse » reste le meilleur moyen de garder leurs œufs dans le même panier, celui de la défense des mêmes 75 milliardaires et les 6.500 millionnaires en dollars (dont quelques uns des dirigeants nahdhaouis tel Larayedh, tel l’ancien ministre de la santé, ou celui des « droits de l’homme » viennent à grands coups d’« investissements » de rejoindre)
Le trop plein du « centre gauche »
Voyons maintenant le « centre gauche ».
Sous cette bannière se bousculent l’essentiel du spectre politique tunisien.
Commençons par la « gauche » de ce « centre-gauche » : El Massar.
Les voici enfin dotés d’une nouvelle direction avec Samir Betaïeb comme nouveau secrétaire général en lieu et place du représentant de la vieille garde Mohamed Brahim.
L’ancienne formation communiste (PCT de Mohamed Ennafaa et Mohamed Harmel) Ettejdid a poursuivi sa mue « social-libérale » sous l’impulsion de l’aiguillon de la masse de militant(e)s (dont des « Patriotes Démocrates » dont est issue Betaïeb), qui sont le produit de ces deux décades de « takhmira », d’enrichissement tout azimut.
Majoritairement, la nouvelle direction d’El Massar appartient à ces franges de cette sorte de « Nomenklatura salariale » qui se recrutent dans les rangs des fonctionnaires « protégés » complétés par ces fameuses « couches moyennes « francisées » ».
Durant deux décades de « takhmira », ils ont récolté quelques miettes du grand festin de l’exploitation, du vol et de la rapine qui a produit nos 75 milliardaires en dollars que compte notre pays au PIB qui n’excède pas celui de la petite multinationale Orange.
Durant deux décades et le « ventre plein », ils n’eurent de revendications que « démocratiques ». Une démocratie rabougrie, une démocratie en peau de chagrin, une démocratie formelle qui partout dans le monde est en train de montrer son essoufflement. Voir le dernier scrutin pour les élections européennes et la vague en vogue des « intégristes » en tout genre qui ont marqué ce scrutin. Une « démocratie » imposée à coup d’assassinats par milliers, de tortures, d’emprisonnement par dizaines de milliers par le Maréchal Impérator Sissi. Ce dernier est applaudi par les mêmes couches sociales sœurs en Égypte. Sans oublier El Maliki en Irak, Assad en Syrie ou Haftar en Libye.
Ils sont finalement de vrais « réactionnaires » au sens premier de cette définition, puisqu’ils veulent sauvegarder leurs petites « miettes » et ont peur de dégringoler dans les rangs de ces masses prolétariennes pressurisées dont ils ne partagent que le territoire, mais sont séparés par des frontières urbaines et symboliques aussi puissantes que les frontières séparant des pays. Marx disait d’eux qu’ils « veulent arrêter la roue de l’histoire »… « parce que tout ce qui semblait stable et solide part en fumée, tout ce qui est sacré est profané, et tous les hommes sont enfin forcés d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés », parce que la bourgeoisie (mondialisée) « ne peut exister sans révolutionner en permanence les moyens de production ». (Tous ces extraits sont repris du « Marx, mode d’emploi de Daniel Bensaïd, Ed. Zones)
Harakiri au sein de la « Nomenklatura » salariée !
D’où leurs discours en sauvegarde des « acquis », les leurs bien compris, de leur discours de haine bien comprise de leurs adversaires de la même classe, celle de la « Nomenklatura salariée», et celle des fameuses couches moyennes « arabisées » qui prêtent de plus en plus leurs voix et leur finances à la représentation « réactionnaire » théologique : Ennahdha et ses affidés.
Une députée « issue de l’immigration » et qui vient d’être élue au bureau politique d’El Massar vient de faire une démonstration parfaite de cette lutte d’intérêts entre représentants des « couches moyennes ». Dans un long article publié sur le site « benaliste », le bien nommé « Leaders », madame la députée qui ne cesse de voyager entre Tunis et Paris, élue de « l’immigration » oblige, s’est fendue d’une longue diatribe contre les taxistes « véreux ».
Quelles étaient l’objet de leurs méfaits qui a mis en rage notre députée « massirienne » et justifié son courroux ? Rien moins que leurs mic-macs pour plumer à l’aéroport, le gogo étranger en surfacturant leur course par mille et une manières… Avec la complicité d’une police, partie prenante de cette corruption qui a envahi tous les pores de la société.
Notre député élue à la Constituante du « Bloc Moderniste », formé par Ettajdid, n’a jamais fait ni rédigé une quelconque diatribe à propos des méfaits, un million de fois plus importants des nouvelles coteries politiciennes mis en place durant cette longue « transition démocratique ».
Les mic macs des Goldens Boys du premier gouvernement du presque nonagénaire BCE.
Ceux des « Qataris Boys » du premier ministre Jébali et son successeur Larayedh.
Et last but not least, la dernière fournée des « Goldens Technocrates » sous la férule de notre Jomâa et ses ministres « pétroliers »…
Non, madame la députée ne peut ni ne veut porter le fer avec ces représentants de la bourgeoisie cosmopolite. Elle ne joue pas dans la même catégorie. Ses adversaires ce sont ses semblables « petits propriétaires » tombés dans la débrouille par la dégradation de leur niveau de vie. Notre proverbe ne dit-il : « Makhyibik Ya Sanyati Kif Errak And Ghiri ». (De voir mon métier exercé par d’autres me le rend détestable)
« El Joumhouri » en pleine bourrasque ou les malheurs de l’éternel vizir
Le centre gauche est disputé par une autre formation : El Joumhouri.
Celle-ci, conduite par l’inénarrable Néjib Chabbi qui estime hériter « à vie » du destin présidentiel, a voulu truster l’espace du social libéralisme en rassemblant dans une même organisation toutes les composantes des fameuses « couches moyennes ».
Pour ce faire, il chercha l’alliance avec la nouvelle formation fondée par les Golden-Boys de Hakim Karoui et Marwan Mabrouk, tout frais débarqués de leur exil doré pour imprimer au pays leur marque de fabrique qui consiste à faire du Ben Ali sans Ben Ali, nous avons nommé Afek Tounes.
Bardés de diplômes universitaires internationaux, les Mehdi Haouas, Elyes Jouini, Yassine Brahim, Saïd Aïdi occupèrent quelques maroquins dans le gouvernement d’Essebsi et se liguèrent avec le ministre des finances Jalloul Ayed pour accélérer la mise en place de leurs réformes dont le trait commun était un parfait intégrisme libéral.
Mais les épousailles, avec El Joumhouri ne durèrent que le temps que durent les combinaisons matrimoniales mal ficelées, un petit printemps.
Les Goden Boys reprenant leurs libertés de mouvement dans une situation politique où les alliances se font et se défont au gré des fluctuations de la lutte de classe.
Les deux formations se disputent les mêmes couches sociales. Leur programme répétant les mêmes catégories du catéchisme libéral, elles ne se différencient que par les ego démesurés de leurs dirigeants et la volonté de Chebbi de faire feu de tous bois pour obtenir, enfin, ce à quoi il pense quand il se rase tous les matins : le fauteuil présidentiel, quitte à faire alliance avec ces diables de Nahdhaouis.
Les Golden Boys d’Afek restent, eux, intransigeants sur cette question et finissent par préférer une possible fusion avec Nidaa Tounes.
Le rêve de Chebbi de devenir grand vizir avant le sacre final s’est fracassé sur la dure réalité d’un processus révolutionnaire plein de rebondissements, de bifurcations, de contretemps.
Un provisoire de président nommé « Tartour » qui s’accroche désespérément
Toujours au centre, se tenant à équidistance, nous trouvons les deux formations qui ont servi de faire-valoir à Ennahdha.
Commençons par le CPR du président bien provisoire, Moncef Marzouki.
Cette formation est presque revenue à l’état squelettique qui était le sien à la veille de la chute du dictateur.
Après une brusque ruée, qui a gonflé ses rangs à la veille des premières élections par une myriades de militants de la 25e heure, en quête d’opportunes fonctions, le CPR s’est vu amputé par une découpe en tranches entre les différents lieutenants de Marzouki. Ceux-ci ont tenté une échappée solitaire pour coller au plus prés de l’astre Ennahdha dont l’attraction leur a réussi une première fois et dont ils espèrent rééditer l’exploit mais uniquement en faveur de leur nouvelle écurie. Ils coupent l’herbe sous les pied de leur cher président réduit à n’être nommé, par la vox populi, que par le sobriquet « Tartour ».
Ce cher provisoire de président nommé à sa place par la sainte alliance avec l’astre Ennanhdha, se trouve aujourd’hui bien en peine de briller, n’ayant plus les sunlights de son partenaire pour le mettre en lumière. S’agitant tel un pantin désarticulé, dans son palais de Carthage, il guerroie contre le spectre de ses prédécesseurs qui agitent son sommeil. Le même ectoplasme qui occupa, un temps, les plateaux télés en particulier ceux d’El Jazira avec son thème chéri en défense de la « Démocratie » n’arrive plus à se dépatouiller d’une fonction présidentielle à laquelle il s’accroche comme on s’accroche à la seule bouée de sauvetage en plein océan. Lui qui avança l’idée, du temps de ses apparitions Youtubesques de la nécessaire liquidation de la fonction de président en arrive aujourd’hui à la défendre comme seule garantie « de la stabilité institutionnelle étatique ». Voilà où mène l’opportunisme politique de ces dirigeants « démocrates » qui deviennent de fieffés « réactionnaires » le temps de leur furtif passage aux « affaires ». Qui entendra encore parler de ce fugace provisoire de président après la prochaine « takhmira électorale »
Ben Jaafar roitelet des « pétroliers ».
L’autre formation, c’est Ettakatol du président du perchoir de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar. Cette formation a connu ses heures de gloire à la veille de la première échéance électorale en subissant le même flux de nouveaux venus aguichés par de mirobolantes promesses. Comme pour le CPR, Ettakatol a subi le désamour de celles et ceux qui l’ont rejoint s’apercevant que les places réduites et octroyées par le fait du prince Ben Jâafar étaient plus particulièrement attribuées à d’authentiques « Beldi » et « Beldiya ». Voilà la seule différence entre Marzouki et Ben Jaafar.
Au sein de la formation de celui qui se présente comme le prototype du « social-démocrate », Ettakatol ayant réussi à évincer la formation de Ben Ali, le RCD, de la 2e Internationale Socialiste, nous trouvons à sa direction une myriade de parfaits nouveaux « réactionnaires » représentant les intérêts de leurs employeurs anciens et actuels.
L’ancien ministre des finances du gouvernement Jébali, le « beldi » Elias Fakhfakh a cette particularité d’appartenir à cette véritable tribu formée chez « les pétroliers » et qui ont le vent en poupe en ce moment puisque l’un des leurs est devenu « premier vizir ».
L’ancien ministre a commencé sa carrière chez Total, (comme Jomâa, le monde est petit), et l’a poursuivi chez le même employeur en Pologne dès 2003, lorsque la multinationale s’est intéressé à ce nouveau filon prometteur: le gaz de schiste…
Un collègue à lui, membre du comité exécutif de la formation de notre président du perchoir de la constituante, Mustapha Ben Jaafar, Mehdi Ben Abdallah, est lui carrément l’une des pointures de la direction de British Gas. Cette même multinationale qui par un contrat léonin ficelé du temps de la dictature, nous revend notre gaz en devises fortes et à un prix indexé sur le fuel en très forte progression alors que le prix du gaz à vu le sien partager par deux depuis 2005 !
Voilà le visage de nos nouveaux « beldis réactionnaires ».
On peut, sans l’ombre d’un doute, deviner d’où proviendront les futures « donations » des généreux pourvoyeurs d’argent sale pour la prochaine course à l’échalote électorale prévue pour la fin de l’année 2014 en ce qui concerne notre formation « centriste » Ettakatol.
Faillite de la « gauche » !
Finalement rien de très nouveau sous notre soleil révolutionnaire, si ce n’est que la réaction se porte désormais en bandoulière. Le rapprochement fusionnel entre la droite du centre et la gauche du centre a rendu les frontières si poreuses qu’un Taïeb Baccouche peut passer du statut d’ancien bureaucrate syndical au poste de secrétaire général de Nidaa Tounes sans avoir même l’air de retourner sa veste.
Notre chère direction syndicale avec le très « centriste » Houcine Abbassi préfèrent banqueter avec la patronne des patrons Bouchamaoui et se fourvoyer dans un « dialogue patriotique » dont le résultat est écrit d’avance : sauver la mise des 75 milliardaires et des 6.500 millionnaires en pleine tourmente révolutionnaire.
Finalement nos Pieds Nickelés du fameux « centre » ont honteusement contribué à plaider la cause des riches et des dominants, chacun jouant sa partition et chantant ses louanges à ses probables protecteurs comme au temps des beys ottomans.
Guerres picrocholines, épées de bois et pistolets à eau
La querelle des « nouveaux réactionnaires » (et, par ricochet, des « nouveaux progressistes ») fait partie de ces guerres picrocholines dans lesquelles notre microcosme politique s’étripe à coups d’épées de bois et de pistolets à eau.
Les flatulences polémiques sont inversement proportionnelles à l’importance des enjeux, comme s’il fallait s’inventer à tout prix de bonnes causes domestiques pour mieux se détourner des grandes causes qui ébranlent notre pays, notre région et le monde. Ils préfèrent guerroyer à « coup d’aiguilles » alors que l’heure est à la bataille « à coups de massues ».
On ne s’interroge plus sur la conjoncture politique dans laquelle s’inscrit cette lamentable dérive de certains de nos politiciens, voir de nos « intellectuels ».
Cette déchéance intellectuelle et morale, c’est ce qui arrive quand on commence à considérer qu’il n’y a plus de repères, plus de lignes de partage, que droite et gauche, c’est du pareil au même.
Le leitmotiv dominant de la droite est aujourd’hui celui de la mondialisation béate : « tout ce qui est ouvert, tout ce qui bouge est bon à prendre ».
Cette apologie du mouvement est au demeurant parfaitement compatible avec le discours conservateur sur les valeurs traditionnelles en matière de famille ou de sécurité que développe Ennahdha.
Le théâtre d’ombres, où nos « progressistes fantomatiques » ferraillent contre l’esprit de la « nouvelle réaction », est une mise en scène de leurres.
On y évite les questions majeures qui permettraient de redessiner les lignes de front : la refondation sociale conduite de main de maître par Bouchamaoui de l’UTICA, les nouvelles guerres impériales, la crise générale de la loi de la valeur, la marchandisation du vivant, l’indifférence assourdissante face à l’écrasement du peuple palestinien.
Gageons que la zizanie entre les idéologues qui ont cette formidable chance de se faire éditer chez le Seuil et ceux qui sont appointés par El Jazira s’apaisera demain devant une nouvelle poussée de fièvre révolutionnaire dont nos sociétés de l’inter-nation arabe sont grosses et dont l’enfantement se fera dans la douleur des crises qui durent par l’interaction de plusieurs protagonistes internes et externes qui ne nous veulent que du « bien ».
Trahisons des « clercs » et des « politiques »
La trahison des clercs et des « politiques » est une histoire ancienne. Les « intellectuels » et les politiques ne sont pas faits d’une autre étoffe que celle du citoyen lambda. Ils ont majoritairement tendance à se ranger du côté du manche, plutôt que du côté qui prend les coups.
Ce qui est réellement nouveau, c’est la situation elle-même. Après la chute du mur de Berlin et celles des tours de Manhattan, la chute de la maison Enron, et celle très symbolique de la nouvelle économie, la banque Lehmann Brothers, après la débâcle de nombreuses économies à l’échelle de l’ensemble des continents, économies présentées comme élèves modèles du FMI, nous avons eu le grand chambardement de l’hiver 2010/2011et qui a secoué et secoue toujours notre « inter-nation » arabe.
Ceci s’inscrit dans une séquence historique où la planète vit depuis dans l’état d’exception permanent décrété par George Bush.
« Pax Américana »
L’État sioniste écrasant encore et toujours la Palestine sous sa botte avec les complicités des « réactionnaires palestiniens » eux mêmes.
La Syrie martyre du satrape continuant l’œuvre de son père Assad et se faisant élire « président » en pleine guerre civile ayant désarticulé le pays avec ses centaines de milliers de morts et blessés, ses millions de réfugiés.
L’Irak sous la férule de « l’homme des Iraniens » Maliki qui n’hésite pas à bombarder, au nom de la nouvelle « Pax Américana » son propre peuple, plus spécifiquement sa partie « sunnite » permettant à des seigneurs de la guerre sous couvert de « Imamat » et de « Califat » de faire régner la terrorisme des « fous » de guerre à une grande partie du territoire irakien.
Un Maréchal n’ayant gagné ses galoches que sur le terrain de l’assassinat par milliers de ses propres concitoyens et l’emprisonnement de dizaines de milliers d’autres, avec le pain quotidien accompagnant ces emprisonnements : tortures, viols et plein d’autres joyeuseries, se fait « élire président » avec des scores qu’on croyait bannis de notre environnement mental.
Nos « réactionnaires » applaudissent, chacun son cheval de Troie. Les uns supplient le Maréchal d’« éradiquer » cette mauvaise graine de « Frères Musulmans » quand d’autres se réfugient derrière Assad et son protecteur Poutine pour qu’il fasse le ménage en Syrie. En Libye, ils appuient un autre général, Haftar, qui lui s’amuse avec ses soutiens multiples et variés (algériens, égyptiens, tchadiens, américains, français et la liste est longue) à bombarder les fiefs de « terroristes » au nom d’« El Karama » et la « démocratie » qui va avec. Encore un vrai « démocrate »
« On peut tout faire avec une baïonnette sauf s’asseoir dessus »
Question : quand est-ce que nos « réactionnaires » et nos « progressistes » de tout acabit se rendront compte que l’« on peut tout faire avec une baïonnette, sauf s’asseoir dessus »? comme l’affirmait Napoléon et il connaissait un rayon en matière de baïonnettes, de terreurs, et d’assassinats au point qu’Yves Benot lui consacra un beau portrait dans son livre « La démence de Napoléon ». Qui écrira « La démence du Maréchal Sissi » ou bien « La démence d’Assad père et fils » etc…?
D’ailleurs comme au temps de Napoléon, le militarisme impérial repart de plus belle. Les marchands de canons se frottent les mains, les affaires n’ont jamais été aussi florissantes.
Nos nouveaux « réactionnaires » applaudissent à tout rompre les faits d’arme de ces généraux de pacotille pensant un peu rapidement que le chambardement révolutionnaire s’éteindra avec cette vague de répression qui est à l’image de la peur des possédants qui sentent leur fin arriver. Ces pauvres âmes ressentent eux aussi très précisément que leur heure de fin sonne. Le glas sonne une dernière fois pour ces couches « intermédiaires » qui assisteront à la disparition de leurs petites commodités, leurs petites combines, leurs petits calculs de petits boutiquiers, leurs mesquines vies de caniches de la bourgeoise.
Les demi-teintes, les bienséances, les connivences mondaines n’y résistent pas. Les masques tombent et les maquillages s’écaillent. Le juste milieu des moralistes qui craignent de tomber entre deux feux s’affaisse. Ils aimeraient tant que l’histoire les laisse en paix. Mais le monde se déchire et la lutte de classe est plus vivace que jamais. Désolé.
Hamadi Aouina, 3 juillet 2014