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10 mars 2025

« Attaques » contre les synagogues à Paris : l’AFP n’a vu la violence que d’un côté


Depuis les débuts de l’Intifada, Israël incarne le Goliath qui écrase les enfants palestiniens lanceurs de pierres. Les deux camps mènent aussi une bataille d’images sans pitié.

Publié le 05/01/2009  Alimenté le 18/07/2014

observatoire le 16/07/2014 par Vincent Coquaz

« Attaques » contre les synagogues à Paris : l’AFP n’a vu la violence que d’un côté

Aucune mention des exactions des extrémistes juifs

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Les dérapages qui ont suivi la manifestation pro-palestinienne de Paris ont été largement couverts par les médias, notamment en ligne. Mais la plupart se basent sur une dépêche AFP, elle-même fondée sur une « source policière ». Or, en y regardant de plus près, le déroulement semble un peu différent de la version d’une « attaque de synagogue » que certains politiques ont retenue, sur fond de provocations violentes de groupuscules pro-israéliens.

« Un certain nombre de manifestants pro-palestiniens ont tenté de se rendre vers des synagogues voisines, rue de la Roquette et rue des Tournelles. Des CRS sont intervenus pour les repousser et mettre fin à un « début d’échauffourée » avec des membres de la communauté juive devant la synagogue de la Roquette, ce qui a permis d’éviter toute intrusion dans les lieux de culte. » Ces indications de l’AFP, reprises par la plupart des médias en ligne (ici, ou ), ont alimenté la polémique sur les manifestations pro-palestiniennes à Paris et en France les 12 et 13 juillet.

Anne Hidalgo a ainsi dénoncé une « agressivité envers la communauté juive absolument inadmissible« . Manuel Valls, de son côté, a condamné « avec la plus grande fermeté » les « violences » qui ont eu lieu « aux abords des synagogues » et estimé que « de tels actes qui visent des lieux de culte sont inadmissibles« . Suite à ces heurts, la préfecture de police de Paris a elle indiqué avoir engagé une procédure pour interdire une manifestation de soutien à Gaza prévue ce samedi.

Problème : le journaliste de l’AFP n’était vraisemblablement pas rue de la Roquette puisque l’information porte la mention « a-t-on dit à l’AFP de source policière« . Contacté par @si, le rédacteur en chef France de l’AFP confirme qu’aucun des quatre journalistes présents à la manif ne se trouvait devant la synagogue. Seul un photographe a vu des jets de projectiles sur les forces de l’ordre par des manifestants pro-Palestiniens rue de la Roquette. « La préfecture de police a dans un premier temps indiqué que rien ne s’était passé devant la synagogue. Soit ils n’étaient pas au courant de tout, soit ils ont minimisé les faits », estime-t-il, précisant que le soir des faits, aucune organisation palestinienne ne s’était plaint d’attaques. « Selon nos informations, personne ne parlait de tentatives d’intrusion. Ces termes sont arrivés dans les communiqués politiques plus tard », détaille pour sa part Francesco Fontemaggi, adjoint au chef des informations générales de l’AFP.

A en croire le premier récit de la dépêche AFP qui a servi de base aux différents articles de ce week-end sur la manifestation, des échauffourées ont éclaté près de deux synagogues proches de la place de Bastille, quand des « manifestants pro-palestiniens ont tenté de s’y rendre« , après que le cortège de la manifestation se soit dispersé. Du côté de Slate, un journaliste (extérieur à la rédaction) signe une tribune pour dénoncer « des scènes de guérilla urbaine menée par des manifestants pro-palestiniens » qui « vociféraient Mort aux juifs« . Sauf que selon certains militants associatifs et plusieurs médias qui sont revenus sur le déroulement de la manifestation, les violences n’étaient pas cantonnées à un seul camp.

« Aucun des membres de la LDJ arrêté »

Selon le Nouvel Obs (qui a d’abord relayé les informations de l’AFP sans vérifications particulières), certaines vidéos montrent par exemple « des membres de la Ligue de Défense Juive [LDJ, groupuscule extrémiste] lancer des projectiles sur des adversaires pro-Palestiniens aux cris de « Palestine on t’encule » et saccager une terrasse à quelques mètres de la synagogue [de la Roquette] ». Une version bien différente de celle de l’AFP, qui ne parle d’aucune violence du côté de la communauté juive présente, et qui ne mentionne pas une seule fois la présence de groupes extrémistes pro-israéliens.

Un des membres de la LDJ (à droite) est armé d’un marteau. Certains pro-Palestiniens de battes de baseball picto

La version de France 24, qui disposait d’un « observateur » sur place (témoin amateur qui a été « sélectionné et vérifié » par la chaîne) et d’une autre vidéo, semble corroborer ce déroulement des faits. La vidéo montre « les sympathisants de la LDJ et du Betar [autre groupuscule extrémiste] attaquer les premiers avant de rebrousser chemin devant les militants pro-Palestiniens (27’’), lesquels reculent à leur tour face à la charge des forces de l’ordre (49’’), qui bloquent ensuite la rue« .

picto La préfecture de police a expliqué à France 24 que la « non-intervention » des CRS est purement stratégique. « D’abord ils observent, étudient les velléités des uns et des autres, ensuite ils passent à l’action. »

En voyant ces images, la presse anglo-saxonne semble s’interroger : « Les CRS n’ont arrêté aucun membre du groupe extrémiste de la LDJ, alors qu’ils se battaient ouvertement en pleine journée, en chantant des slogans racistes » s’étonne par exemple le Daily Mail, qui rappelle que six pro-Palestiniens ont été interpellés.

Affrontements spontanés ou bataille rangée ?

L’AFP a depuis mentionné la présence de la LDJ et du Betar, dans une deuxième dépêche envoyée hier, qui évoque également des versions différentes, en fonction du camp : « Des CRS ont dû intervenir pour les repousser et mettre fin à un début d’échauffourée devant la synagogue de la Roquette avec des membres de la communauté juive, dont de jeunes militants de la Ligue de défense juive (LDJ) et du Betar, qui ont revendiqué leur présence sur les lieux. Les deux camps s’accusent mutuellement de provocations. » Problème : la deuxième dépêche, titrée « Incidents près de synagogues à Paris: des leaders musulmans appellent au calme« , a été beaucoup moins reprise que la première.

Alors, affrontements spontanés entre groupes extrémistes ou bataille rangée prévue à l’avance ? Pour un des administrateurs de la synagogue Abravanel, cité par France 24, les jeunes de la LDJ et du Betar « sont venus pour assurer la sécurité des lieux » car une « session de prière en faveur de la paix en Israël était organisée« . « Des groupes pro-Palestiniens criant « à mort les juifs » ont réussi à approcher de la synagogue. Mais ils ont été repoussés par nos forces de sécurité« , estime le responsable qui reste anonyme. Sauf que cette version d’une attaque spontanée est en partie contredite par… le compte Twitter de la LDJ. Le groupuscule relayait ainsi des appels aux deux camps pour se retrouver devant la synagogue à 17h30… avec des références à des affrontements à peine déguisées, accréditant ainsi le scénario d’un rendez-vous pour en découdre entre deux groupes violents.

LDJ Appel1

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