Il y a trop d’étrangers dans le monde
10 décembre 2014
Il y a trop d’étrangers dans le monde
10/12/2014
par Caleb Irri
Quand on y réfléchit, le racisme est fondé sur une idée simple : il n’y en a pas assez pour tout le monde. De l’extrême-gauche à l’extrême-droite c’est au moins un point sur lequel tout le monde semble d’accord : la planète étant un espace fini et ses ressources étant de fait limitées par cette espace, l’augmentation continue de la population mondiale conduira à des catastrophes humanitaires majeures si on ne fait rien pour la maîtriser. Cet argument était déjà celui de Malthus en son temps, alors qu’il croyait impossible de nourrir et de satisfaire aux besoins du milliard d’individus composant la population mondiale de son époque.. Je rappelle que nous sommes aujourd’hui plus de 7 milliards, et que nous produisons actuellement plus qu’il n’en faudrait, si toutefois on ne préférait pas jeter plutôt que de donner, ou même partager…
Mais le fait est que cette croyance est une croyance acquise par des siècles de conditionnement capitaliste. Croire qu’il n’y a pas assez pour tout le monde est le meilleur moyen de justifier des guerres et des famines qui n’ont d’autre raison d’être que de satisfaire les intérêts capitalistes. Car que signifie cette croyance à part de vouloir en conclure qu’il faut donc « naturellement » choisir entre ceux qui « ont des droits » et ceux qui n’en ont pas ? Et comment déterminer ce choix ? Selon les lois capitalistes bien sûr, qu’on veut nous faire avaler comme représentant le mérite. Alors qu’en réalité il n’y a aucune justification rationnelle qui permette de dire que mon enfant a le droit de manger à sa faim « plus » que l’enfant de tout autre être humain sur cette terre.
On finit par se dire, la larme à l’oeil et la main fermée sur son portefeuille, qu’on ne peut tout de même pas « accueillir toute la misère du monde », et on tente ainsi d’obtenir, la conscience plus ou moins tranquille, la plus grosse part possible pour soi-même et pour les siens, au détriment « des autres », qu’on finit toujours par appeler « les étrangers »…
Or il apparaît, à l’heure de la mondialisation, que chacun de nous est l’étranger d’un autre, et qu’il faille bien admettre qu’en capitalisme un étranger est un ennemi potentiel, puisque potentiellement responsable du rapetissement de notre part à nous, de part son existence même…
Quelles sont alors les options ? Interdire aux femmes pauvres d’avoir des enfants ? la décroissance ? Tuer les vieux et les malades ? Ou faire la guerre ?
Faire la guerre bien sûr ! … mais à qui ? Aux étrangers évidemment, puisqu’ils sont étrangers ! S’il y avait moins d’étrangers, il y en aurait plus pour nous, non ? Puisqu’il n’y a pas de place pour tout le monde, pousse-toi de là que j’my mette ! La mort est moins pénible à supporter lorsque ce sont des inconnus, surtout s’ils sont des ennemis. Et comme on nous a dit que les étrangers étaient nos ennemis…
En réalité tout ceci est proprement scandaleux. Je suis pourtant aussi étranger à l’autre qu’il l’est à moi. Aussi incohérent que d’affirmer qu’il y a trop d’étrangers dans le monde ; ou dans son quartier. Mais comme ceux qui ont la richesse sont en même temps ceux qui se sont accaparés le plus de « droits » -et qu’ils sentent bien au fond d’eux que cela est injuste- ils préfèrent se réfugier derrière le paravent capitaliste du soi-disant mérite et asséner à tous ceux qui leur en font la remarque que de toutes façons il n’y en a pas pour tout le monde. Mais ces hommes et ces femmes c’est nous, ceux qu’on appelle « les occidentaux », et nous sommes collectivement responsables de cette idéologie qui conduit toujours au pire ; la misère des autres n’est pas une fatalité due aux limites de notre planète mais bien à notre racisme qui considère que ceux qu’on nomme « les étrangers » ont moins de droits que nous – quand en réalité ils ont seulement moins de pouvoir.
Pourtant il est aussi stupide de croire qu’il y a trop d’étrangers « quelque part » que partout dans le monde. La rareté n’est pas la conséquence de la finitude de la terre et de ses ressources mais celle d’un système qui la crée pour pouvoir perpétuer les injustices malgré le progrès technique. La décroissance verra certainement le jour et elle ne sera ni « choisie » ni « volontaire » mais tout simplement subie. Tandis que les riches -que nous sommes- continueront de faire semblant de croire que partager ne sert à rien (puisqu’il n’y a pas assez pour tout le monde), ils continueront à s’accaparer les ressources et la richesse au détriment de pauvres de plus en plus nombreux. La conséquence de ce comportement est le racisme et la violence qu’il crée, et dont bénéficient en retour ceux qui ont réussi à obtenir suffisamment de pouvoir et d’argent pour soumettre les plus nombreux à leur domination.
Pourtant, je l’ai déjà dit et je le maintiens : il y a bien assez pour tout le monde, et il y en aura toujours plus pour toujours plus de monde : il suffit de supprimer le capitalisme, et de considérer la planète non pas comme notre tombeau mais comme notre berceau. Alors qu’on se rend compte peu à peu que de l’eau se trouve ou se trouvait sur des corps célestes « étrangers », que de nombreuses planètes de l’univers sont susceptibles d’accueillir la vie (ou sa possibilité), il devient coupable de nier l’immensité des ressources potentielles et la capacité de progrès de l’humanité … L’univers est infini, et ses ressources aussi. Qui a lu « Fondation » d’Asimov ne verra plus jamais les choses de la même manière. Avec tout ce que cela implique au niveau des ressources et de cette foutue surpopulation.
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr