Une manifestation a été organisée devant le Palais des Congrès de Paris, où se tenait l’Assemblée générale annuelle des actionnaires de GDF Suez ce 28 avril, pour dénoncer certains projets énergétiques du groupe et leur impact sur le climat et sur les communautés locales. Au centre des critiques, les barrages construits par l’entreprise française en Amazonie brésilienne et ses investissements dans le secteur du charbon partout dans le monde, et notamment en Afrique du Sud. Les militants associatifs ont distribué aux actionnaires un « correctif » (accessible ici) au rapport d’activités officiel présenté par les dirigeants de l’entreprise, listant les affaires les plus marquantes de ces derniers mois dans lesquelles a été impliquée GDF Suez.
Tristen Taylor, coordinateur de l’ONG Earthlife Africa, est venu en France pour dénoncer le projet de centrale au charbon de Thabametsi, dans le Nord de l’Afrique du Sud. Cette centrale de 1800 MW alimentera en électricité les mines et les usines de raffinage de la zone. Elle sera localisée non loin de celle de Medupi (4500 MW), qui avait suscité il y a quelques années une importante mobilisation de la société civile internationale. En plus d’engendrer d’importantes émissions de gaz à effet de serre, ces centrales auront pour effet, selon Tristen Taylor, de transformer une région jusqu’alors préservée en désert, en épuisant toutes les ressources en eau. Signe de leur volonté d’assumer franchement les impacts sociaux et environnementaux du projet, GDF Suez et son partenaire, l’entreprise minière sud-africaine Exxaro, se sont cachés derrière une société écran – une simple boîte postale – pour solliciter les autorisations administratives [1].
Les manifestants étaient également venu soutenir la cause des peuples autochtones brésiliens et des autres communautés impactées par les grands barrages de GDF Suez en Amazonie (lire ici et ici). Les leaders des deux plus importantes organisations indigènes du Brésil ont adressé une lettre ouverte (lisible ici) aux dirigeants de l’entreprise. Ils demandent un moratoire sur les projets hydroélectriques de GDF Suez en Amazonie et l’engagement d’un dialogue sincère et transparent avec les peuples autochtones avant tout nouveau projet.
La stratégie des dirigeants de GDF Suez en question
L’Observatoire des multinationales, dans le cadre de sa démarche d’information sur les impacts sociaux, environnementaux et politiques réels des grandes entreprises françaises, a contribué à la réalisation de ce « contre-rapport d’activités ». Outre ce projet de centrale au charbon en Afrique du Sud et les projets hydroélectriques de GDF Suez en Amazonie, il y est notamment question de l’impact environnemental et sanitaire de l’exploitation du charbon, en relation avec l’incendie de la mine de Morwell en Australie et avec la fermeture de la centrale de Valdo Ligure en Italie (voir ici).
Depuis plusieurs mois, les dirigeants de GDF Suez mènent une campagne de lobbying agressive pour obtenir une réduction des ambitions européennes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et un arrêt du soutien public aux énergies renouvelables. Dans le même temps, ils affichent ouvertement leur volonté d’investir dans les pays émergents plutôt qu’en Europe. Les projets incriminés par la société civile à l’occasion de son Assemblée générale annuelle montrent ce qui, pour les manifestants, se cache derrière ces discours.
Selon eux, ce que souhaitent surtout les dirigeants de GDF Suez, c’est de pouvoir développer leurs projets énergétiques sans avoir à se préoccuper réellement de leur impact sur l’environnement et le climat, ni de l’opinion des communautés environnantes – tout en bénéficiant d’une main d’oeuvre bon marché et dépourvue de droits [2].
Tristen Taylor d’Earthlife Africa, qui a rencontré des représentants de GDF Suez, indique d’ailleurs que ceux-ci lui ont froidement expliqué que le charbon n’était peut-être plus acceptable pour l’Europe, mais que pour les pays comme l’Afrique du Sud, cela ne leur posait pas de problèmes. Ils auraient même défendu leurs investissements dans le charbon au nom d’une stratégie de « diversification » de leurs sources d’énergie [3]… Dans ces conditions, il semble légitime que la société civile donne de la voix.
Olivier Petitjean
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Photo : Philippe Clabots CC