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23 novembre 2024

Le gaz de schiste en plein reflux au niveau mondial, mais les industriels français s’obstinent


Lobbying

Le gaz de schiste en plein reflux au niveau mondial, mais les industriels français s’obstinent

par Olivier Petitjean

Alors que le gaz de schiste est en plein reflux au niveau mondial, sous l’effet conjugué de raisons économiques et politiques, les groupes industriels français ont annoncé la création d’un centre de ressources dédié à cette technologie controversée.

Une fois de plus, les lobbys français du gaz de schiste repartent à la charge. D’un côté, ce sont des amendements sur la loi sur la transition énergétique, introduits par la majorité de droite au Sénat ; de l’autre, c’est la création par le gratin du CAC40 d’un « centre de ressources » destiné à fournir des informations « factuelles » sur les gaz de schiste… à condition qu’elles contribuent à promouvoir leur développement !

Le gaz de schiste recule en Europe et aux États-Unis

Pourtant, partout ailleurs, le gaz de schiste semble en plein reflux. En Europe, l’Écosse et le Pays de Galles viennent de s’ajouter à la liste des pays ou des régions ayant interdit la fracturation hydraulique sur leur territoire [1]. Et si le Parlement britannique n’est pas allé jusqu’à voter une interdiction pure et simple, il a limité les zones d’exploitation potentielles du gaz de schiste. D’ailleurs, le boom du gaz de schiste promis par le gouvernement de David Cameron semble bien loin, puisque l’on compte sur les doigts de la main le nombre de forages exploratoires qui pourraient avoir finalement lieu en Grande-Bretagne [2]. Même diagnostic pour la Pologne, l’autre fervent soutien de l’industrie du gaz de schiste au niveau européen : après Total, ExxonMobil et quelques autres, c’est Chevron qui vient d’annoncer son retrait du pays, du fait de tests trop décevants.

Aux États-Unis, l’État de New York a adopté, après des mois de tergiversations, un moratoire définitif sur la fracturation hydraulique. D’autres États comme la Californie ou l’Ohio envisagent de faire de même. Ailleurs dans le pays, des milliers de municipalités et de comtés ont adopté des moratoires sur le fracking [3] Le moratoire de fait mis en place au Québec continue pour l’instant à tenir malgré les pressions de l’industrie, grâce à la mobilisation citoyenne. Même scénario en Australie, où la campagne Lock the Gate (« Verrouillez la porte »), une alliance inhabituelle entre écologistes et agriculteurs, a limité et remis en cause le développement de l’exploitation du gaz de couche (coal seam gas). Ainsi qu’en Argentine, en Afrique du Sud, en Tunisie et maintenant en Algérie (lire notre enquête).

Résistances politiques, échec économique

Aux résistances politiques s’ajoutent désormais les mauvaises conditions économiques. L’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est très coûteuse, de sorte que la chute du cours du pétrole et du gaz a entraîné l’annulation ou la suspension de nombreux projets. Cette exploitation nécessite aussi des campagnes de forages très intensives, qui limitent la durée de vie des gisements et ont entraîné des afflux excédentaires de gaz sur le marché. La chute du prix du gaz qui en a résulté aux États-Unis a plongé la plupart des acteurs du secteur dans une crise profonde. Même les juges et les autorités environnementales semblent (enfin) vouloir s’intéresser sérieusement à l’impact environnemental du secteur [4]. Résultat : le nombre de nouveaux puits forés dans le pays est en baisse marquée depuis plusieurs mois [5].

C’est dans ce contexte que les industriels français, jamais en retard d’une bataille d’arrière-garde, ont choisi d’annoncer le lancement de leur « Centre de documentation sur les hydrocarbures non conventionnels », destiné à lever le « blocage français ». Présidé par Jean-Louis Schilansky, président du Medef Paris et ancien président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip), ce centre a été créé à l’initiative d’un collectif de grandes entreprises, parmi lesquelles Total, GDF Suez, Vallourec, Technip, Imerys, Air Liquide, Solvay, Arkema ou encore Vinci et Suez environnement. Des entreprises gazières certes, mais surtout des firmes intéressées à vendre leurs divers services et technologies très coûteuses, ou bien à profiter d’un prix du gaz artificiellement tiré vers le bas (lire notre article).

Même si la réalité économique paraît désormais en défaveur du gaz de schiste, il reste toujours l’ultime recours de convaincre des dirigeants politiques français et européens, qui semblent parfois disposés à toutes les concessions…

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Photo : Bruce Gordon at EcoFlight CC.

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