L’art et la manière d’ignorer les éléphants dans une pièce
/ Par Jean-Claude Manifacier (20 février 2015)*
On dit d’un mensonge mille fois répété qu’il acquiert peu à peu l’autorité du vrai, mais la recherche de la vérité nous rendra libre.
Les néoconservateurs aux États-Unis, par une manipulation médiatique efficace, ont entraîné le peuple américain et une grande partie de l’Occident dans deux guerres catastrophiques contre l’Irak de Saddam Hussein. Celui-ci était pourtant, dans les années 80, un dirigeant très fréquentable. La guerre de Libye et celle actuelle en Syrie ont obéi à un scénario assez identique. Invitations à l’Élysée pour Kadhafi en décembre 2007 et au défilé du 14 juillet 2008 pour Bachar al-Assad, festivités qui seront suivies par des bombardements. Là aussi les médias, français pour l’essentiel, délaissaient une posture traditionnellement anti-militariste et invitaient même des philosophes pour nous expliquer comment des bombes allaient transformer ces pays en démocratie. Critiquant tous ces conflits, un seul parti politique : le Front National, quelques personnalités et la hiérarchie catholique, par la voix de ses Papes, condamnaient clairement ces interventions. Malgré les mass médias bellicistes, la majorité des peuples, à l’occasion de multiples sondages et d’immenses manifestations de rue ont également montré leur opposition à ces interventions.
« le vrai n’est qu’un instant du faux »
Cependant, il se dégage quelque chose de paradoxal de tout cela : il n’y a jamais eu d’explications convaincantes à ces « sautes d’humeur » entre des puissants qui semblaient pourtant si bien s’entendre auparavant. Pas plus qu’il n’y en a eu pour de tels écarts d’appréciation entre ces mêmes puissants et l’opinion publique. Pas d’explications rationnelles à ce changement radical, pas de question si ce n’est de mauvaises questions. Nous subissons aujourd’hui les conséquences de tous ces conflits ni justifiés, ni expliqués. Aussi, lire dans la presse US et plus particulièrement dans le New York Times, porte drapeau des va-t-en guerre, une intervention de la présidente du FN ajoute à la confusion. Voir des chrétiens, une communauté qui, hormis les évangélistes américains, était opposée à ces guerres, égorgés en Libye ou en Irak est moralement insoutenable et injustifiable. Il y a pourtant des explications à ces atrocités, à ce terrorisme qui fait la Une et à un autre qui est soigneusement caché.
L’information médiatique est aujourd’hui orientée et pour paraphraser George Orwell, on peut dire que certains événements sont plus égaux que d’autres. En Europe, les instituts de sondage indiquent une détérioration dans la confiance des citoyens concernant les médias. Nous sommes dans une société du spectacle où « le vrai n’est qu’un instant du faux » disait Guy Debord il y a 50 ans. Concernant les sujets d’actualité du moment : le terrorisme et la liberté d’expression, quelle est la part du vrai qui reste dans l’information ?
Beaucoup noteront qu’un mouvement de résistance à l’oppression qui aurait été considéré comme héroïque pendant la deuxième guerre mondiale, que cela soit à Stalingrad ou à Varsovie, est aujourd’hui inscrit (par qui?) sur une liste de « mouvements terroristes ». Quant à la liberté d’expression, (la phrase attribuée à tort à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez le dire »), cette liberté se perd dans les contradictions et les lourdeurs des discours officiels.
New York Times : manipulation et interprétation des faits
La liberté de la presse est une illusion, quiconque ayant eu une activité politique sait que les journalistes s’autocensurent. La presse gratuite n’est pas une entreprise philanthropique, Métro, Direct plus et 20 Minutes (qui annonce un tirage supérieur à 4 millions d’exemplaires) publient sur les sujets importants les mêmes informations formatées que vous soyez à Strasbourg, Rome ou Genève. Pour le plus grand nombre de lecteurs il est alors difficile d’imaginer qu’une information lue dans la matinée, entendue dans la journée sur France-Info puis vue à la TV en soirée ne contienne pas une part de vérité. C’est ainsi que se forme l’opinion. Il existe bien sûr Internet et la presse engagée, mais leur influence est encore faible par comparaison avec celle de la télévision par exemple.
La publication, par la Présidente du Front National, d’un article dans la presse américaine n’est pas anecdotique. Ce privilège est en général réservé à des proches du pouvoir en place comme par exemple : B.H.L, Kouchner ou un ministre important. Pourquoi cette faveur sachant que le FN a souvent été en rupture avec la doxa officielle des puissants du moment. Cette tribune de Marine le Pen, publiée dans le « prestigieux » journal New York Times (NYT) peut sembler un événement de peu d’importance, il ne l’est pas : sa ligne éditoriale est néoconservatrice et les articles de ces trente dernières années étaient très négatifs concernant le FN et Jean Marie le Pen. Le NYT a plus de 150 ans d’âge. Il a une influence considérable avec plus d’un million de lecteurs aux USA. Les versions internationales : International NYT Asie et Europe (anciennement l’International Herald Tribune) sont disponibles partout dans le monde, de Caracas à Tokyo et dans la plupart des kiosques-presses en France. Son slogan est : « All the news that’s fit to print » (Adolph S. Ochs, 1897). C’est bien sûr le propriétaire qui décide de ce qui est convenable « fit ». Il est vrai qu’il y a peu d’erreurs factuelles de date, de lieu ou de nom propre… dans le NYT, ce type d’erreur amènera une correction dans le prochain numéro. Tout cela confère une impression d’objectivité. Il n’en est rien, l’interprétation et la manipulation des faits sur le fond est constante :
(1) Répétition d’informations jugées utiles à la ligne éditoriale et oubli des autres, Napoléon disait déjà qu’il n’y avait qu’une seule arme en rhétorique : la répétition. Parmi de multiples exemples, on citera l’assassinat récent aux USA de trois étudiants musulmans, assassinat très discrètement évoqué par comparaison avec notre affaire Charlie. Il y a aussi les centaines d’articles, ces dernières années, condamnant des affaires de mœurs et de pédérastie, dans l’église catholique alors qu’une recherche sérieuse montre que le catholicisme est loin d’être un leader dans ce domaine.
(2) La géométrie variable dans la présentation de certains événements, cf la parabole de la paille et de la poutre dans l’Évangile. Un seul exemple : Tout lecteur du NYT connaissait le nom du soldat israélien Gilad Shalit (plus de 450.000 citations dans Google) enlevé par le Hamas il y a quelques années mais personne n’aurait pu nommer un seul parmi les milliers de palestiniens, y compris des enfants, enlevés et emprisonnés par l’armée israélienne.
(3) Une logique très élastique avec peu de respect pour les principes de la dialectique aristotélicienne, en particulier les principes de Non Contradiction et de Causalité. Concernant la crise ukrainienne, la russophobie est très présente dans le NYT et le respect des frontières, principe de droit international, sera constamment rappelé pour la Crimée alors que pour le Kosovo ou le Soudan Sud, un autre principe : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes prévaudra. L’Iran, pays n’ayant jamais déclenché de guerre depuis deux siècles, est diabolisé en permanence dans le NYT pour ses recherches dans le domaine du nucléaire civil par ceux-là mêmes qui possèdent (voire ont utilisé) de telles armes, et qui comme les USA ont depuis la fin de la deuxième guerre mondiale envahi ou bombardé des dizaines de pays.
Nous donnerons ci-dessous quelques exemples de discours sophistiques, plus particulièrement en relation avec l’oubli du Principe de Causalité, un des outils de la désinformation dans les médias. Le livre prémonitoire « 1984 » de George Orwell et beaucoup d’autres auteurs ont abordé ce problème des fautes de raisonnement.
Un axe pro-israélien
Le NYT est souvent qualifié de centre gauche. Cela ne signifie plus rien. Il défend sur l’essentiel Israël puis les USA. Si la politique du Président Obama est actuellement très critiquée dans ce journal c’est parce qu’elle est jugée trop conciliante avec l’Iran. Le NYT est souvent qualifié de centre gauche. Cela ne signifie plus rien. Il défend sur l’essentiel Israël puis les USA. Si la politique du Président Obama est actuellement très critiquée dans ce journal c’est parce qu’elle est jugée trop conciliante avec l’Iran. Cette division droite/gauche (républicain/démocrate aux USA) est devenue totalement artificielle en Occident. Nos derniers présidents Sarkozy et Hollande sont interchangeables sur les sujets importants : la politique étrangère, les orientations économiques et financières et les affinités médiatiques. On trouvera certes quelques différences dans leurs vies privées.
La ligne de partage se situe aujourd’hui entre une vision unipolaire (impérialiste), cosmopolite et destructrice de l’ordre social et la vision de ceux qui aspirent à un retour aux sources de notre civilisation européenne. C’est à dire plus de sagesse et de respect pour le sacré et l’enracinement, et ceci quel que soit le nom que l’on donne : souverainiste, nationaliste, identitaire, monarchiste… La véritable division est donc entre un axe usraélien (médiatiquement valorisé) et un axe enraciné (politiquement incorrect) mais qui représente de fait l’immense majorité des peuples. Les attaques contre toute forme de sentiment nationaliste, même le plus bénin, sont permanentes voire obsessionnelles dans le NYT sauf si il s’agit des USA ou d’Israël bien sûr.
Prenons l’exemple de l’Irak, on pourrait tout aussi bien choisir, le coup d’État de la CIA contre Mossadegh en Iran, l’affaire de Suez, la Palestine et plus récemment la Libye ou la Syrie. Pour, soi-disant, remplacer un régime certes autoritaire mais qui assurait la stabilité dans un pays divisé ethniquement et religieusement, les néoconservateurs ont installé par la guerre une « démocratie » dont on voit le fonctionnement aujourd’hui. La véritable raison était la montée en puissance et la volonté d’indépendance de ce pays ainsi que son soutien à la cause palestinienne, chose insupportable pour les néocons. De cela vous n’entendrez pas souvent parler, ni dans les gros médias, ni dans le NYT où toute analyse étiologique et tout questionnement socratique semblent interdits. La simple recherche des causes au chaos actuel apparaîtra comme une insulte au bon goût. Pourtant, les deux guerres du Golfe (1991 et 2003) ont causé la mort de plus d’un million de personnes. Chaque famille irakienne connaît un parent ou un ami qui y a perdu la vie. Comme chaque famille française après la première guerre mondiale. Sur des milliers d’articles parlant de l’Irak dans le NYT depuis 25 ans un seul, à ma connaissance, mentionnera le chiffre réel de ce carnage : Dans l’IHT (ancien nom de l’INYT) du 23 Février 2009, Timothy Williams parle de 740.000 veuves de guerre en Irak. Si complétant la litote on y ajoute les veufs et les orphelins, le nombre de victimes s’élèvera certainement bien au-dessus du million comme mentionné par de nombreuses ONG indépendantes (The Iraq deaths study was valid and correct, the Age, 21 october 2006 et Iraq conflict has killed a million iraqis : survey, Luke Baker, Reuters, 30 january 2008).
En dehors du Web, on cherchera vainement des articles dans le NYT où on cite, ou simplement s’interroge, sur les responsables de ce conflit et sur le très grand nombre de mensonges relayés scrupuleusement par les médias: bébés koweïtiens arrachés à leur couveuses, armes de destruction massives inexistantes, mensonges culottés à la tribune de l’ONU… Les criminels de guerre sont tranquilles et monnayent, pour certains, leurs interventions publiques. A un tel niveau de bienveillance médiatique, il n’est pas étonnant que des comportements relevant de la psychopathie puissent s’étaler sans honte. Madeleine Albright en 1996, à la question de la journaliste Lesley Stahl dans l’émission TV CBS-Sixty Minutes lui demandant si l’embargo irakien, dont on venait d’apprendre qu’il avait causé la mort de près de 500.000 personnes, était justifié, répondait que cela valait la peine ! (la vidéo est toujours en ligne sur YouTube).
Affaire Charlie Hebdo
L’article de Marine le Pen, qui se rapporte à l’affaire Charlie Hebdo, s’inscrit assez bien dans la présentation médiatique du NYT et des grands journaux US. Dans sa traduction française : «La France a été attaquée par le fondamentalisme islamique » INYT, 19 janvier 2015, p.8 ou en ligne : http:nyti.ms/1sRwAWh, elle reproche au gouvernement français de refuser de parler de terrorisme islamiste et même de nommer le fondamentalisme islamiste. Elle cite ainsi une phrase de Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».
Il est possible que suivant les circonstances un ministre prenne des précautions oratoires. Mais il est facile de montrer que (1) ce n’est pas exact et (2) le terrorisme islamiste, s’il doit être fermement condamné, n’est le plus souvent que la conséquence d’une cause qui, à défaut d’être mal nommée, n’est pas nommée du tout.
(1) L’affaire Charlie a bénéficié d’une retransmission télévisuelle planétaire. Dès le premier jour et pendant plus d’une semaine toutes les chaînes d’informations nationales et internationales : Euronews, BBC World news, Sky news international, CNN… et même Al Jazeera international parlaient en boucle de l’événement. Une telle couverture n’avait pas été vue depuis l’attentat du 11 septembre aux USA. A défaut d’imaginer une organisation mondiale, on peut noter que les directions rédactionnelles de tous ces médias étaient bien synchronisées. Il y avait bien sûr plusieurs articles « Charlie » tous les jours dans le NYT.
(2) Marine le Pen citant Camus, il est bon de rappeler que celui-ci fut à l’origine de la publication en 1949 du livre visionnaire : « l’Enracinement » de la philosophe platonicienne Simone Weil, morte à Londres en 1943. Simone Weil avait fait une distinction, d’une actualité brûlante, entre terrorisme d’État, bénéficiant de toute la puissance politique et administrative : force militaire, financière et de renseignement et celui d’individus irresponsables. Pour S.W. : « un meurtre commis par le gouvernement… est cent fois pire, ou plutôt infiniment pire, que cent meurtres commis par des individus irresponsables », cité par Simone Pétrement : « La vie de Simone Weil » Fayard 1973 p. 662.
Double langage
Il est donc essentiel d’étudier la chronologie des événements pour en rechercher la cause, nihil est sine ratione disait Leibniz. Le terrorisme d’État est un sujet tabou dans le NYT. Il est pourtant, en grande partie, la cause initiale du désordre actuel dans le monde. Donnons quelques exemples : On a beaucoup parlé récemment d’un crime horrible, celui du pilote jordanien brûlé vif par DAESH. Quelques heures plus tard la Jordanie exécutait en représailles une terroriste irakienne : Sajida al-Rishawi. Une vidéo passait en boucle la montrant avec sa ceinture d’explosifs. Pour le plus grand nombre, elle apparaissait probablement comme une personne née terroriste ou endoctrinée par un islam terroriste. Rare étaient les médias qui rappelaient que son mari et trois de ses frères avaient été tués dans les bombardements américains en 2003. Si les frères Kouachi, orphelins très jeunes et placés dans des familles d’accueil avaient, adolescents, adhéré à un islam très rigoriste, ce n’est pas le cas pour l’attentat de Copenhague où Omar El-Hussein n’était pas connu pour être islamiste mais dont les parents étaient palestiniens. Mais là aussi on ne pose jamais la question : Pourquoi le terrorisme palestinien ? Pourquoi un jeune palestinien fonce en voiture dans une foule israélienne sachant qu’il sera probablement abattu sur place ? Pourquoi ne veut-on pas donner d’explications à la présence de cet éléphant dans la pièce ? Parce que les médias seraient alors obligés de parler des humiliations, des milliers de prisonniers palestiniens, des enfants enfermés dans des cages, du vol des terres et des centaines de colonies de peuplement, du non respect des multiples décisions de l’ONU, d’assassinats ciblés par des drones utilisés par les USA et Israël de façon quasi industrielle, jusqu’aux « exploits » de snipers présentés aujourd’hui comme des héros de cinéma. Pendant la guerre « bordure protectrice » à Gaza l’été dernier, plus de 2000 palestiniens ont été tués. Les journalistes du NYT présentait ces bombardements de la population civile, d’école, de centre pour handicapés, d’hôpitaux ou la mort d’une vingtaine de membres de la même famille comme ils auraient décrit un accident de la circulation.
Ce double langage, cette géométrie variable dans la description médiatique des morts de Charlie et ceux de Gaza, avec cerise sur le gâteau, la présence d’un Netanyahu défilant en tête du cortège a quelque chose de surréaliste. Pourquoi refuser en Occident toute interrogation sur la perception que peuvent avoir les jeunes issus de l’immigration ou simplement sensibles à l’injustice dont souffrent leurs frères et à l’indifférence médiatique ? La solidarité ethnique ou religieuse n’est-elle réservée qu’à certains. Les peuples martyrisés ne sont pas composés que de saints prêts à tendre l’autre joue. Il n’y a rien alors d’étonnant à ce que certains aient recours à la violence.
Si l’article de Marine le Pen est acceptable pour le NYT, son père avait une vision plus juste et mesurée en politique internationale. Il fut un des rares hommes politiques français, avec Jean Pierre Chevènement ou Michel Jobert à condamner l’intervention irakienne en 1991, ainsi qu’Hubert Védrine et Dominique de Villepin en 2003. La ligne politique actuelle du FN est probablement porteuse médiatiquement à court terme sur le plan électoraliste.
« l’objectif est de tuer l’ennemi… la quantité est plus importante que la qualité… »
Au cours de discussion privées, la parole est plus libre et nombreux sont ceux qui réalisent que le problème palestinien est depuis 60 ans au cœur des conflits du Proche et du Moyen-Orient. Tout devrait être tenté, politiquement et diplomatiquement pour résoudre avec justice des conflits qui empoisonnent la vie de millions de personnes. Mais les pouvoirs politiques et médiatiques privilégient la culpabilisation au moyen d’innombrables émissions télévisuelles parlant d’un passé qui n’est pas modifiable, comme la seconde guerre mondiale, plutôt que d’inviter des gens raisonnables et examiner leurs analyses sur les sujets d’actualité où l’action est possible. Il y a eu, et c’est exceptionnel, une émission abordant le problème israélo-palestinien sur la chaîne LCP, le 3 février 2015, « Vendeurs de guerre ». Dans ce documentaire, Yotam Feldman montre que l’économie israélienne tire un profit considérable des opérations militaires menées régulièrement contre les populations captives de Gaza ou de Cisjordanie. Il rapporte également quelques discours de personnalités importantes de la vie politique et militaire. Sans intervenir lui-même, Yotam Feldman semble cependant choqué par ce qu’il entend, mais malheureusement il n’y a aucune discussion, aucune explication ni recherche de solutions. C’était probablement la condition sine qua non pour un passage sur une chaîne publique. Il faudra attendre une autre émission dans 6 mois, 1 an…
La vidéo n’étant pas disponible sur YouTube, vous trouverez ci- dessous quelques passages choisis :
Amiram Levin, général de l’armée israélienne, déclare devant une assemblée de militaires : « Il faut mettre la punition au centre de la stratégie… l’objectif est de tuer l’ennemi…la quantité est plus importante que la qualité… », « Dès leur naissance la plupart de ces gars sont destinés à mourir, alors aidons-les ».
Amos Golan, ancien lieutenant colonel, inventeur d’armes : « En Israël, la distinction entre bon et méchant est très claire. Le bon c’est moi qui veut vivre en paix et protéger mon pays. Le méchant c’est celui qui n’est pas d’accord avec ça… ».
Yoav Galant, général, qui conçoit et planifie l’opération « plomb durci » contre Gaza en 2009
Commentant les pertes humaines, il précise que lorsque le rapport du nombre de tués palestiniens au nombre de tués israéliens avoisine 50 à 100, l’ennemi réalise que c’est insupportable pour lui. Il ajoute aussi que, pendant que les politiques condamnent Israël pour la forme, les généraux viennent chez nous pour étudier ce que nous faisons sur le terrain.
Binyamin Ben Eliezer, général, ministre du commerce et de l’industrie 2009-11 :
A la question, pourquoi les armes israéliennes sont si demandées, il répond :« Parce qu’elles ont déjà été testées depuis 10-15ans ». Israël est un des premiers exportateur mondial d’armement passant en une décennie d’ un milliard à sept milliards de $.
On apprend aussi dans ce documentaire que les assassinats ciblés contre la population palestinienne, entre 2001 et 2011, ont tué plus de 350 personnes dont plus de 100 civils. En France, où le pouvoir fête régulièrement la suppression de la peine de mort, il serait utile de pouvoir parler de l’utilisation par certains États de drones et snipers. De plus, dans cette prison à ciel ouvert qu’est Gaza, où la densité de population est la plus élevée du monde, proche de celle d’une communauté urbaine comme Marseille (plus de 4000 habitants/km2), la distinction civil-résistant n’est pas adaptée à la situation de ce ghetto.
Conformisme et paresse intellectuelle
De tels discours d’où se dégage le sentiment d’une absence totale de sens moral et d’empathie pour l’autre, ou pire que la mauvaise conscience il semble n’y avoir plus de conscience du tout, expliquent pourquoi la mention même de terrorisme d’État est absente du discours officiel en Occident. Cela obligerait à introduire un discours rationnel, chose insupportable quand l’émotion fait si bien l’affaire pour contrôler le peuple.
Pourquoi, en France, un tel déni de la réalité, un conformisme et une paresse intellectuelle qui vont parfois jusqu’à l’indifférence. Avec quelques amis nous avons eu une expérience de tout cela lors d’une séance du Conseil Régional en avril 2003. Horrifiés par le spectacle quotidien des bombardements en Irak et ayant une information crédible montrant que le « déboulonnage » à Bagdad de la statue de Saddam Hussein n’était qu’un nouveau montage de la propagande US, nous avions alerté nos collègues et constaté avec surprise que beaucoup étaient intoxiqués jusqu’à refuser même de lire cette information. Il est vrai que tous les gros médias ne parlaient que de la liesse populaire des Bagdadis. Le journaliste Laurent Van der Stockt, dans un article du Monde (J’ai vu des marines américains tuer des civils, 12 avril 2003), qui était aussi photographe de l’agence Gamma et sous contrat avec le NYT Magazine, rapportera le commentaire d’un sniper s’adressant à son chef : « J’en ai touché huit mais seulement cinq sont morts » et il parlera des multiples bavures où des civils sont abattus : « J’ai vu directement une quinzaine de civils tués en deux jours ». Il décrira ainsi le déboulonnage : « Il y a plus de journalistes que de Bagdadis. Les cinq millions d’habitants sont restés dans leurs maisons ». Notons enfin que le NYT Magazine ne publiera pas les informations de son photographe et que le journal Le Monde rappellera le 9 avril pendant quelques années cet « événement ».
Dictature intellectuelle des minorités
Rassemblons quelques éléments précédents : le contrôle médiatique de l’opinion, la confusion entre causes et conséquences et entre corrélation et causalité (cum hoc ergo propter hoc), le terrorisme considéré comme uniquement consubstantiel à l’Islam, la déclaration du général : «Dès leur naissance, la plupart de ces gars sont destinés à mourir, alors aidons les » et l’absence de questionnement allant parfois jusqu’à l’interdiction de la recherche des causes, je me souviens en particulier d’une émission à l’époque de l’affaire Mohammed Merah ou un membre du CRIF apostrophait violemment un intervenant qui mentionnait le problème palestinien en lui disant : « vous n’avez pas le droit de dire ça ».
Force est alors de constater que nous sommes revenus 25 siècles en arrière, à l’époque où les sophistes grecs à l’aide de discours subtils et rémunérés emportaient l’adhésion de la multitude sans se préoccuper d’une quelconque valeur de vérité. Protagoras pour qui l’homme est la mesure de toute chose prend sa revanche sur Platon. L’opinion du sophiste a la même valeur que celle du sage mais comme le sophiste est au micro nous subissons le relativisme et la dictature intellectuelle des minorités. Lorsque la recherche de la justice et de la vérité ne mène plus le monde, le pouvoir politique et médiatique peut tuer les justes comme Socrate en son temps ou des innocents en Irak ou en Palestine. Lorsque la raison et l’argumentation désertent le discours, le mensonge et la violence s’installent dans les rapports entre les hommes.
Pour conclure, donnons trois exemples d’informations, de ce jour 19 février 2015, présentées par ce journal « prestigieux », le NYT :
- La Cour Suprême Israélienne vient de débouter la famille de Rachel Corrie, cette jeune activiste américaine, symbole de l’idée platonicienne de beauté morale et de justice, écrasée par un bulldozer alors qu’elle tentait en 2003 de s’opposer à la destruction de maisons palestiniennes, http://nyti.ms/1CKfgUt
- Il n’y a pas qu’en France que la justice est clémente avec les puissants,.
- Un enfant israélien de 4 ans vient de mourir de pneumonie. Cet enfant avait été grièvement blessé, il y a deux ans, suite à un accident de voiture dans les territoires occupés. La voiture avait percuté un camion, conséquence de jets de pierres de 5 adolescents palestiniens, toujours en prison en attente de jugement, http://nyti.ms/1vd5rOI
- La journaliste rapporte à ce propos les paroles du responsable d’un mouvement de colons : « cela doit rappeler à chacun en Israël que les pierres peuvent tuer ». Il est vrai que quand on vole des terres, même si on possède des tanks, avions, drones… la présence de pierres dans le voisinage peut devenir insupportable. Dans cet article, on nous apprend aussi que le Ministre des finances Naftali Bennett a mis sur son profil Facebook « il n’y a pas de mots » (pour parler de cela). Naftali Bennett est cet homme qui a déclaré par ailleurs : « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie. Et il n’y a aucun problème avec ça. » voir Le HuffPost 29/7/2013, pas le NYT bien sûr.
3- Un article rappelle qu’il n’existe pas de mot équivalent au mot « débat » en hébreux, au sens de confrontation d’idées et discussion rationnelle et que cela peut poser des problèmes en période électorale, http://nyti.ms/1ElrUZO.
Cela semble en fait une histoire très ancienne puisque le Talmud rapporte qu’à son fils qui voulait étudier la science grecque, le rabbin répondit : « Quand il ne fait ni jour ni nuit va et étudie la science grecque ».
*Professeur retraité de Physique (électronique des solides) de l’Université de Montpellier II.
Par Jean-Claude Manifacier, lire aussi : Guerre civile en Syrie : réalité et propagande