Vous avez dit « guerre contre la terreur »?
23 mars 2015
Vous avez dit « guerre contre la terreur »?
Il est indéniable que les actes terroristes ont connu une nette augmentation depuis le 11 septembre 2001. Evidemment, cela dépend de ce qu’on définit comme « terroriste », sachant que la guerre en soi n’y est pas incluse, les drones non plus, comme à l’accoutumée. Or la guerre contre la terreur favorise la terreur qui justifie à son tour la guerre contre la terreur.
Il est indéniable que les actes terroristes ont connu une nette augmentation depuis le 11 septembre 2001. Evidemment, cela dépend de ce qu’on définit comme « terroriste », sachant que la guerre en soi n’y est pas incluse, les drones non plus, comme à l’accoutumée. Or la guerre contre la terreur favorise la terreur qui justifie à son tour la guerre contre la terreur.
Rappelons-en quelques traits, sans vouloir réduire la complexité des crises actuelles. Les civils tués en Afghanistan indignent peu. Guantanamo enferme encore quelques 200 prisonniers reconnus innocents, par peur qu’ils ne divulguent des informations. La guerre en Irak, décimant sa population, poussant les chrétiens à l’exode, détruisant son patrimoine bien avant Daesh, fut justifiée par des mensonges avérés. Les traumatismes d’Abu Ghraib ne sont pas effacés.
Une guerre qui a participé à déstabiliser, au moins économiquement, la Syrie qui a par ailleurs accueilli un grand nombre de réfugiés irakiens. Sans que le déclenchement de la crise syrienne soit l’oeuvre des pays occidentaux, ceux-ci, faute d’avoir mené une guerre contre un autre dictateur, ont fini par armer les rebelles syriens, dont certains se retrouvent maintenant au sein de Daesh. Un Daesh qui poursuit à son tour l’œuvre de destruction massive en Irak. Mais la boucle n’est pas encore bouclée, hélas.
Car nous voici avec la guerre « libératrice » de la France en Libye, fournissant des armes aux fanatiques dont certains furent même importés avec l’aide de son allié qatari. Ce qui créa une onde de choc qui se propagea au Mali, où armes et rebelles se retrouvèrent. Mais là aussi, il fallait bien mener une guerre « libératrice », pour sauver la démocratie !
La France soutient un dictateur égyptien sanguinaire, Al-Sissi, qui a pourtant abrogé la démocratie naissante, malgré les difficultés que celle-ci connaissait : il est bien préférable aux islamistes, voyons ! La France lui vend même des frégates, pour qu’il bombarde peu après la Libye, sous prétexte de combattre Daesh, tuant encore des civils et promettant des champs pétroliers à … mais chut ! Et ne parlons même pas de son meilleur partenaire économique et client de l’armement, la dictature wahhabite; il est utile de se rappeler de l’acteur de son implémentation, la Grande-Bretagne.
Ainsi, nous voici devant une alternative, pas nécessairement chronologique, entre soutien aux dictateurs et soutien aux terroristes, faisant tomber les uns aux dépens des autres, afin de fournir toujours un bon prétexte aux Etats pour intervenir, et aux multinationales pour bien se servir … Et avec une politique constante remontant à l’ère coloniale, celle de diviser pour mieux régner et d’attiser les clivages ethniques.
Avec les guerres incessantes déclenchées en Libye, y compris la guerre civile maintenant, la Tunisie a dû accueillir presque deux millions de réfugiés, ce qui représente le tiers de la population libyenne et le cinquième de la population tunisienne. Bien évidemment, des facteurs internes et complexes interviennent dans la région : les chaînes du golfe — après tout, c’est cohérent, non ? — alimentent une religiosité étrangère au pays, et la violence du discours politique y est aussi problématique. Mais il est surprenant que certains politiciens tunisiens adoptent un discours identique au discours américain sur la « guerre contre la terreur » ! Avec la volonté de saper la liberté qui semble être l’acquis le plus solide de la révolution.
Et l’on pourrait encore parler de ce qui se passe en Israël ou au Yémen … Pour finir, des ondes sismiques issues de ces tremblements de terre, et trouvant appui dans l’ignorance, les ressentiments et la précarité, se propagent jusqu’à nous, comme avec l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hypercacher. Vous avez dit « guerre contre la terreur » ? Donc guerre contre la terreur de la guerre ? Un cercle vicieux venant droit de l’enfer. Il est grand temps d’en sortir !