La LIBERTÉ DE LA PRESSE un mythe ?
11 avril 2015
La LIBERTÉ DE LA PRESSE un mythe ?
Récemment la tragédie de « Charlie hebdo » a déclenchée une multitude de déclarations de journalistes sur leur liberté de parole et d’analyse. Sont-ils aussi libres et indépendant qu’ils le prétendent ? L’ensemble de la presse française (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, écrite, radios et TV) est entre les mains de 27 groupes capitalistes français et étrangers, l’audio télévision publique est entre les mains de l’état. Il faut bien faire un constat. Sur toutes les questions économiques et sociales, sur toutes les analyses de la situation internationale, sur les causes et les origines de la crise qui frappe les peuples, sur les moyens d’y mettre fin, toute la presse écrite ou parlée donne les mêmes explications.
Les attentats que nous avons vécus ont déclenché un raz de marée journalistique jouant sur l’émotion et la compassion vis-à-vis des victimes mais rien sur les raisons profondes de ces violences.
Pendant des jours, pour l’ensemble des médias, l’information fut uniquement portée sur un triangle local: siège de « Charlie hebdo », Dammartin, Porte de Vincennes. Pendant ce temps la SNCF annonce 1100 suppressions d’emplois. Silence, personne n’en saura rien. De même le saccage de la ville de Baga au nord du Nigéria et le massacre de ses 2000 habitants mené par un groupe terroriste ne suscitera aucun écho médiatique, aucune réaction des officiels français. Une vie en France vaut- elle plus qu’une vie africaine ? Seule comptait la position officielle : « la France est attaquée, c’est une nouvelle guerre, il faut l’union nationale pour sauver la patrie en danger ».
Le 12 janvier 2015, rendant compte de la manifestation de la veille au journal de « France 2 » à 13 heures la journaliste Nathalie Saint Cricq déclare « Il faut repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie ». Un véritable appel à la délation qui en rappelle d’autres. Ainsi tous ceux qui ont refusé de défiler derrière Sarkozy et Hollande responsables des interventions militaires de la France, ceux qui refusent de défiler derrière B. Netanyahou dirigeant d’un pays qui occupe les territoires palestiniens depuis 1967 en dépit des décisions de l’ONU doivent être repérés et traités. C’est une conception bien particulière de la liberté d’opinion que cette journaliste exprime là. Celle de la dictature du capital qui ne supporte qu’une seule liberté : la sienne.
Dans cette affaire la presse française est restée fidèle à son histoire. Celle de la défense des intérêts de la classe dominante dont elle est le porte-voix au détriment de la recherche de la réalité.
Quelques rappels de la vie de la presse.
En France la presse n’a été libre d’exprimer la diversité des opinions qu’à de très rares périodes. Pendant la Commune de Paris dans la capitale seulement, puis quelques rares années après la Libération. A ces courts moments de l’histoire où les forces démocratiques et progressistes ont imposé au capitalisme des reculs significatifs.
Entre 1880 et 1944 les principaux titres de la presse sont aux mains du capitalisme sauf le journal L’Humanité fondé par Jean Jaurès en 1904. Citons : « Le Matin », « Le Petit Parisien » soutenu par le groupe Dalloz, « Le Figaro » du parfum Coty qui entre 1924-28 verse à titre personnel 2 millions à l’Action Française, « Paris-Soir » propriété du patron des textiles Prouvost, « Le Temps » détenu en sous- main par le patronat de la sidérurgie, etc., etc. L’idéologie dominante tient la plume.
La Commune de Paris vaincue c’est le déferlement de haine envers les Communards qui ont refusé la capitulation face aux Prussiens et adopté les importantes mesures sociales qu’on sait. « Le Figaro » se distingue dans cet exercice.
Pendant l’affaire Dreyfus, l’antisémitisme est porté à la hauteur d’une référence nationale. Avec Dreyfus tous ceux qui disaient leurs doutes sur sa culpabilité sont traînés dans la boue.
Largement arrosée par l’ambassade tzariste à Paris la presse fait campagne en faveur des emprunts russe qui vont servir au développement capitaliste en Russie, au soutien du régime tzariste avec son cortège d’antisémitisme et de répression sanglante des grèves et mouvements populaires.
La préparation des esprits pour faire accepter par l’opinion la préparation à la guerre dans les années 1900-1914 s’accompagne d’appels au meurtre contre ceux qui s’y opposent. Appels entendus avec l’assassinat de Jaurès. La guerre déclarée c’est l’union sacrée pour la guerre à outrance, la chasse contre ceux qui osent prononcer le mot paix pour en finir avec cette boucherie qui n’est profitable qu’aux capitalistes.
Dès la Révolution socialiste soviétique c’est le déferlement de haine contre ces ouvriers et paysans qui ont reversé le capitalisme et entrepris de construire une société nouvelle, une société socialiste. Cela dure encore aujourd’hui tant la peur a été grande.
En janvier février 1934, prenant prétexte d’un scandale financier et antisémite « l’Action Française » conduit des émeutes qui partent à l’assaut de « la Gueuse » (la République) pour instaurer en France un régime d’inspiré de ceux d’Hitler et Mussolini.
Après les grandes grèves du Front Populaire et les conquêtes sociales de juin 1936 qui l’ont suivi le journal d’un grand patron de la sidérurgie, de Wendel écrit : « Plutôt Hitler que le Front Populaire ». Appel qui sera entendu, la presse préparant les esprits aux capitulations successives devant Hitler, à l’abandon de l’Espagne devant le coup d’état de Franco, à l’annexion de l’Autriche, aux accords de Munich qui livreront la Tchécoslovaquie aux nazis et qui qui feront dire au Ministre Daladier « Nous avons sauvé la paix pour une génération ». On connaît la suite.
Le pacte de non- agression entre l’Union Soviétique et l’Allemagne en 1939 voit un déchaînement de cette même presse contre l’URSS et les communistes français tandis que la guerre contre l’Allemagne est reléguée au second plan. C’est « la drôle de guerre ».
Le temps du déshonneur.
Après la défaite de juin 1940 toute cette presse à quelques exceptions, se vautre dans la collaboration avec l’occupant nazi, le régime de Vichy. « Le Matin » reparaît dans Paris occupé dès le 17 juin 40 avant même la signature de l’armistice, il soutient toutes les mesures de pillage de la France par l’occupant, les exécutions des otages, apporte tout son soutien politique à l’Allemagne. Tous les médias existants pratiquent le culte de Pétain, de ce chef autour duquel le pays doit se rassembler. Le régime de Vichy qui a mis à bas la République a toutes ses faveurs. Ils justifient l’annexion de l’Alsace- Moselle à l’Allemagne, les lois antijuives, approuve la politique de la « révolution nationale » de Pétain, la « chartre du travail » visant à associer travail et capital, appelle à la dénonciation de tous ceux qui résistent à l’occupant.
A la Libération en 1944 cette presse sera justement sanctionnée. Elle sera interdite, ses biens confisqués, quelques un de ses journalistes poursuivis et condamnés.
Pendant l’occupation 1200 titres clandestins différents sont édités à deux millions d’exemplaires. A la Libération 7 titres paraissent à Paris, des dizaines en province. Sur les 7 titres parisiens deux seuls existent aujourd’hui : « l’Humanité », « Témoignage Chrétien », ceux de province ont disparu depuis longtemps
Une presse plus libre. Pour peu de temps
Le Conseil National de la Résistance dans son programme proclame « dans la France libérée la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères ».
La Fédération Nationale de la Presse Française indique dans sa charte : « la presse n’est pas un instrument commercial mais un instrument de culture ».
Les ordonnances sur la presse de 1944 indiquent « qu’il est impossible pour un même patron d’être aux commandes de plusieurs titres »
Les beaux idéaux proclamés en 1944 n’ont pas résisté à la réalité de l’économie capitaliste. Lénine avait raison lorsqu’il écrivait : La liberté de la presse est une duperie tant que les meilleures imprimeries et les plus gros stocks de papier sont accaparés par les capitalistes, tant que demeure le pouvoir du capital sur la presse… Les capitalistes qualifient de liberté de la presse la liberté d’utiliser leurs richesses pour fabriquer et falsifier ce qu’on appelle l’opinion publique.
Qui va payer les conséquences de la guerre et de la reconstruction ? Les travailleurs ou le capital ? Pour la majorité de la presse la réponse est évidente, ce n’est pas le capital qui s’est mis tout entier au service de l’occupant, c’est donc au peuple de payer.
Après quelques avancées significatives, nationalisation de quelques banques, de Renault, des mines, la mise en place de la Sécurité Sociale, c’est très vite le refus des revendications salariales et de l’amélioration des conditions de vie de la part du patronat et du gouvernement. La presse, à quelques exceptions près dont « l’Humanité » emboîte le pas, explique qu’il est nécessaire de faire des sacrifices pour le redressement du pays.
Les mêmes relancent les campagnes contre l’Union Soviétique. Il faut vite faire oublier le rôle décisif qu’elle a joué dans l’écrasement de l’Allemagne d’Hitler, dans la libération des peuples.
Cette presse voit « la main de Moscou » partout, dans les luttes sociales, dans l’exigence des peuples colonisés à leur indépendance. C’est le cas pour Algérie avec la répression des manifestations pour l’indépendance du 8 mai 1945 et la sanglante répression qui s’en suit (45.000 morts), en Indochine ou de Gaulle envoie dès 1945 l’armée face à un peuple qui veut vivre libre. Neuf ans de guerre s’en suivront pour se terminer par la défaite de Dien Bien Phu, l’indépendance du Viêt- Nam.
Mais avec la guerre d’Algérie la presse va atteindre les bas-fonds du mensonge, de l’ignominie. Reprenant la thèse des colonialistes et du gouvernement elle proclame que « l’Algérie c‘est la France », les Algériens qui luttent pour l’indépendance sont des « terroristes » qu’il faut mater par une répression sans faille. Elle va justifier les regroupements de population, la torture, les condamnations à mort, les exécutions sommaires. Elle va justifier un acte de piraterie internationale en applaudissant au détournement de l’avion du roi du Maroc qui transportait les dirigeants de la résistance algérienne livrés aux militaires français (le ministre de la justice de l’époque François Mitterrand approuve) ou l’intervention anglo-franco-israélienne contre l’Egypte en 1956 pour la contraindre d’abandonner la nationalisation du canal de Suez.
Pour « l’Humanité » c’est les saisies pour « atteinte au moral de la nation ou atteinte à l’honneur de l’armée ». La censure est rétablie, ce qui permet que seule l’information officielle soit diffusée, sans que cela entraîne des protestations de la presse aux ordres.
Cette même presse va soutenir toutes les interventions contre les peuples menés par les Etats Unis que ce soit au Viêt-Nam, en Amérique Centrale, à Cuba, au Chili et en Amérique du Sud.
Arrêtons là sur le passé, voyons aujourd’hui
Pour le capitalisme la presse est une marchandise qui doit rapporter des profits.
C’est l’explication des disparitions de titres, de leur vente, des fusions acquisitions.
Le groupe « l’Express l‘Expansion » et 7 autres titres qui en dépendent sont vendus. Détenu par Roularta, un groupe belge, il est acheté Patrick Drahi, patron de Numéricable SFR, de Noos, Portugal Télécom qui se constitue un véritable empire de presse. Son associé Marc Laufer lui apporte quatre autres titres et une radio en Israël le groupe va peser 360 millions de chiffre d’affaires. Le troisième associé n’est autre que B. Ledoux de « Libération ». C’est un banquier qui sort de chez Morgan Stanley, B. Mourad qui va assurer la direction de cet énorme groupe multimédia ainsi créé.
Le groupe « Sud- Ouest » vient de vendre « Le Midi Libre » et d’autres titres à « la Dépêche du Midi ». Raison : rentabiliser le groupe. Conséquence : 346 suppressions de poste d’ici à 2018.
Bernard Tapie propriétaire de « la Provence » et de « Corse-Matin » a pris une importante participation dans « Nice- Matin » en difficulté financière pour « sauver le titre » dit-il. Sauvetage qui entraîne 130 suppressions d’emplois.
Un cas d’école : « Libération »
En difficultés financières depuis des années « Libération » a vu entrer dans son capital deux actionnaires de poids, la banque Rothschild et B. Ledoux un grand promoteur immobilier. Les difficultés persistent, une nouvelle recapitalisation est urgente. La banque ne veut pas remettre au pot c’est B. Ledoux qui fait la mise et devient en 2014 actionnaire principal, avec une idée en tête : faire de « Libération » pas seulement un journal mais une marque avec centre culturel, restaurant, réseau social. Devant la protestation des journalistes il déclare : « Le journal n’appartient pas aux journalistes, l’immeuble qui l’héberge non plus, on n’est pas en Union Soviétique ». (« Les Echos » 31 mars 2014). Et pour être bien compris il ajoute le journal « doit être rentable ». Message reçu par les journalistes. Leur liberté de conscience s’arrête là où commence la propriété privée des moyens de production.
« Le Figaro »
Après avoir appartenu à divers capitalistes dont le milliardaire Robert Hersant le journal, en difficulté financière, tombe dans l’escarcelle du groupe Dassault en 2004. 268 journalistes doivent quitter le groupe (10% des effectifs) et Serge Dassault construit une rédaction à sa botte. Il fixe la ligne éditoriale : « Mon groupe doit posséder un journal pour y exprimer son opinion. Il permet de faire passer un certain nombre d’idées saines… par exemple les idées de gauche ne sont pas saines ». Jamais « le Figaro » n’a écrit sur la nécessité du désarmement, sur la réduction des crédits militaires. Quand le propriétaire est un marchand d’armes il vaut mieux pour les journalistes être prudents sur ces questions. Toujours au nom de la liberté de conscience si chère à chacun d’entre eux.
La presse aux mains des groupes capitalistes a une autre fonction. Une fonction idéologique chargée de diffuser les idées du capital.
Tous les moyens d’informations reprennent les arguments du patronat. Ils parlent tous des charges sociales trop élevées qui pèsent sur les entreprises, du coût du travail, de la rigidité du marché de l’emploi, du Code du Travail trop protecteur qu’il faut alléger voire supprimer et le remplacer par des accords au niveau des branches et des entreprises, sur l’âge du départ en retraite, sur les cadeaux sociaux et fiscaux. De même pour l’explication de la crise qui serait le fait des banques, voire des traders et non du système capitaliste ce qui permet de ne pas le condamner mais de proposer une moralisation qui ne vient jamais. Et pour cause le capitalisme n’est pas là pour satisfaire les besoins de l’humanité mais pour le profit.
Elle ne trouve pas scandaleux que les dix familles les plus riches du monde possèdent autant de revenus que trois milliards et demi d’êtres humains, que leur richesse soit passée de 1600 milliards de dollars à 1900 milliards en trois ans, que les inégalités se creusent tous les jours.
Le quotidien financier « les Échos », se félicite de l’augmentation continue des dividendes des sociétés du CAC 40. 43 milliards en 2013, 56 en 2014. Les autres n’en parlent pas. Cela évite des explications difficiles pour justifier l’austérité qui frappent le peuple.
Les travailleurs qui luttent sont l’objet de toutes les insultes, y compris celles de « terroristes » puisqu’ils prennent « en otages » les usagers des transports. A ces luttes contre la politique du capital les solutions individuelles sont mises en avant.
Cette presse justifie sans broncher toutes les interventions militaires françaises au nom des intérêts de la France, en réalité des intérêts du capitalisme français et international pour s’ouvrir des marchés, contrôler les ressources naturelles, les routes commerciales. Alors qu’elle appelle sans cesse aux économies sur le budget de l’Etat elle ne remet jamais en question le coût des dépenses liées à ces opérations.
La publicité une arme redoutable pour la liberté de la presse.
La publicité est indispensable à la presse qui ne peut vivre de son seul lectorat. L’essentiel des budgets de publicité vient des grands groupes capitalistes qui s’assurent ainsi un deuxième contrôle sur la presse.
Peugeot peut annoncer qu’il ferme une usine à Aulnay sans que cela soulève question sur l’avenir industriel, sur l’augmentation du chômage. En échange des millions de publicité la parole patronale est largement diffusée, les promesses faites aux salariés mises en avant, leur lutte pour conserver leur emploi présentée comme passéiste qui refuse la réalité du monde d’aujourd’hui.
C’est celui qui paye qui décide. Gare au journal qui l’oublierait.
Le refus du débat, le refus de faire connaître d’autres solutions.
« Communistes » existe depuis 2002. Il est implanté dans le pays, intervient dans la vie politique, présente des candidats aux diverses élections, est présent dans les luttes, dans les entreprises, à l’université, dans les quartiers. Il édite un journal, il a un site web et un hebdo internet.
« Communistes » a surtout un programme politique unique en France. Il propose l’abolition du capitalisme et la construction d’une société socialiste où les grands moyens de production et d’échange seraient la propriété du peuple.
Eh bien depuis que nous existons aucun média ne nous a proposé d’exposer chez lui notre point de vue, avec nos propositions et solutions à la crise que connaît le pays.
D’autres qui ne représentent qu’eux même ont un large accès à ces mêmes médias. Ils ont sur nous un avantage énorme, ils ne remettent pas en cause la dictature du capital.
Oui la liberté de la presse passe aussi par la lutte contre le capital qui ne connaît qu’une liberté, la sienne.
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