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Lorsqu’un journaliste demanda au président John F. Kennedy pourquoi avait-t-il choisi Lyndon B Johnson, un homme qu’il ne portait pas dans son cœur, pour être son vice-président, il répondit en ces termes: « Je suis jeune et en bonne santé. Il n’a pas de chances de devenir président ». Nous savons aujourd’hui que le jeune et bel homme en santé trouva la mort prématurément un bel début d’après-midi à Dallas le 22 Novembre 1963 et Johnson devint président. Nous savons aussi que John Kennedy fut assassiné par des éléments de l’appareil de l’Etat américain dans ce que des auteurs comme l’ancien procureur Jim Garrison qui fit une investigation sur cette affaire ont appelé un coup d’Etat.
Le président Kennedy fut éliminé parce que les lignes les axes de sa politique gênaient de grands intérêts financiers, l’un d’elle et même pas la plus “dangereuse” pour eux étant son intention d’arrêter la guerre du Vietnam qui rapportait de grands revenus au complexe militaro-industriel. Il est évident que si son successeur avait eu la même approche de la gestion de l’Etat, le président n’aurait pas été écarté. En effet, a quoi aurait-il servi de s’encombrer la mort d’un président pour installer au pouvoir un successeur qui ferait la même chose? Mais qu’a fait Lyndon Johnson lorsqu’il accéda au pouvoir? Il donna une nouvelle énergie à la guerre qui reprit de plus belle au grand bonheur des marchands d’armes et ne finit par s’arrêter qu’en 1975,
Ce sinistre épisode de la politique américaine illustre bien que l’une des portes de sorties grande ouverte des présidents, premiers ministres et rois du pouvoir est la mort. Ils meurent de vieillesse, de maladie ou se font assassiner. Lorsqu’ils se font éliminer, c’est rarement par un « outsider », ce déséquilibré mental qui ne n’aime pas le président et sort de nulle part pour tirer sur lui. Les leaders sont trop bien protégés pour cela. Ils sont tués en général par leur propre appareil, en complicité ou non avec des intérêts étrangers, leur mort ayant pour but de mettre hors d’état de nuire un individu gênant et de changer les circonstances en leur faveur. Cela évidemment est fait avec en esprit le successeur.
Alors que l’on célèbre l’accession au pouvoir de Muhammadu Buhari le nouveau président nigérian, alors que l’on essaye de le scruter, d’analyser sa personnalité, d’interpréter ses propos et d’anticiper sur ses mouvements, le Sphinx Hebdo veut s’attarder sur son vice-président et le jeu de la succession. Buhari accède à 72 ans la tête d’un pays de 170 millions ‘d’habitants, la plus grande économie et le pays le plus peuplé du continent d’Afrique, riche en ressources naturelles et occupant une position géographique importante. Il est un acteur majeur dans la géopolitique mondiale, si l’on se réfère à la grande couverture médiatique des dernières élections pleines de tensions. L’Apres-Buhari n’est dans ce contexte pas un moment lointain que certaines puissances commencent à préparer et pourraient même précipiter, en fonction de la politique qu’il adoptera. Or l’après-Buhari c’est le vice-président.
Le nouveau vice-président du Nigeria, Yemi Osinbajo, professeur de Droit et Senior Partner au cabinet d’avocats Simmonscooper est né en 1957.Apres des études secondaires et universitaires au Nigeria., il s’inscrit à la London School of Economics où il obtient sa Maitrise en Droit. De retour dans son pays, il enseigne le Droit à l’Université de Lagos et occupe de diverses fonctions dans le système judiciaire de son pays. Il est par ailleurs président du Conseil d’administration de Redeemer’s University ainsi que membre du comité d’éthique de la Banque Africaine de Développement, président non-exécutif de Citibank. A la formation du parti politique qui a porté Muhammadu Buhari au pouvoir, le “All People Congress” il a été en 2013 avec d’autres personnalités, sélectionné pour écrire son manifeste politique.
Il n’y a à priori rien d’alarmant dans son profil. Au contraire le fait qu’il soit pasteur, membre d’un comité d’éthique et qu’il ait contribué à rédiger le manifeste de son parti qui prône son intention de sortir des millions de personnes de la pauvreté est rassurant mais pas suffisant. Il faudra maintenant faire attention à ses rapports avec la finance internationale représentée par les organismes internationaux, analyser ses prises de positions sur divers sujets, ses propos d’avant ainsi que ses fréquentations.
LE CAS DU CAMEROUN
Le problème de la succession ne se limite évidemment pas au Nigeria. La plupart des pays faibles sont vulnérables aux manœuvres d’intérêts étrangers qui tentent de contrôler la succession pour y placer des individus qui leur sont favorables. C’est un peu le cas au Cameroun où las d’attendre le départ du président Paul Biya, la France qui prenait le Cameroun comme un pays de sa basse-cour a décidé de le précipiter à travers les troubles instigués à travers Boko Haram. Cela, tout le monde le comprends bien, pas pour les intérêts du peuple camerounais. Elle aimerait s’assurer que le prochain président soit l’un de ses hommes au Cameroun. C’est pour se protéger entre autres que le président camerounais a brouillé le jeu de la succession. Il va sans dire que si son successeur avait été clairement identifié et avait un profil qui satisfaisait les intérêts étrangers, tout serait mis en œuvre pour précipiter le départ de celui-ci, au besoin par son assassinat.
Malgré tout ce que l’on pourrait lui reprocher, on ne peut s’empêcher de mettre à son crédit le courage du président Biya dans la lutte pour la souveraineté du Cameroun. Lorsqu’il a décidé de libérer le Cameroun de l’emprise (ou ce que d’autres appelleraient la clé-quatorze) française en diversifiant l’économie et en se rapprochant de la Chine, il savait qu’il jouait sa vie. Dans ce jeu, ce genre de manœuvres qui met en péril le véritable mode de vie de la France se paye cher. La France l’a fait payer cher à Laurent Gbagbo ainsi qu’à beaucoup d’autres leaders africains qui ont perdu le pouvoir et leur vie après s’être engagés dans ce combat. Le président Biya est, malgré les sourires d’apparence et les visites « amicales » des politiciens français dans le collimateur de ce pays qui n’hésitera pas à la moindre occasion de lui faire payer ce qu’il considère comme un affront. Celui-ci évidemment négocie sa succession avec ce paramètre en tête dans un contexte géopolitique intérieur dominé par le conflit avec Boko Haram
Ce conflit a changé le climat de la succession au Cameroun, le repositionnant autour de la souveraineté du Cameroun. Elle fragilise tous ses hommes politiques affiliés à la France et crée un sérieux doute sur ceux dont la position par rapport à la France et la souveraineté nationale reste ambiguë. Le peuple ne veut plus simplement un homme politique qui fera mieux que le président actuel, Il veut un homme qui aura le courage de lui faire obtenir son indépendance totale, un homme qui ait à la fois la détermination et vision de Laurent Gbagbo, l’intégrité de Sankara, l’agilité de Paul Biya et l’esprit indépendant et panafricaniste de Mouammar Kadhafi. Et ce genre d’hommes ne fait malheureusement pas foule dans notre cher pays. Du moins parmi ceux qui sont connus.
LE DILEMME DE LA SUCCESSION POUR LES REVOLUTIONNAIRES
Dans des pays où le président a accédé au pouvoir dans la mouvance d’une révolution le problème de la succession se pose un peu différemment. Des présidents des pays tels que Cuba ou le Venezuela sont l’objet de tentatives de renversement. Fidel Castro par exemple en aurait échappé à près de 18 tentatives d’assassinat connus montés par la CIA. Feu le président Chavez du Venezuela, a même été renversé avant de revenir au pouvoir. Tous les deux étaient coupables de compromettre les intérêts financiers de grands groupes et compagnies américains.
On peut aisément imaginer que ce genre de vie demande beaucoup de courage et des nerfs solides. Très peu d’hommes politiques sont capables de supporter le danger qui entoure la vie de ces hommes-là. De nombreux hommes politiques, à l’instar d’Houphouët Boigny de Côte d’Ivoire avaient d’ailleurs changé de posture politique face au risque d’être assassiné. Selon François-Xavier Vershave, auteur du livre La Francafrique, le premier président ivoirien d’abord souverainiste s’était aligné sur la France après avoir vu le sort mortel réservé à ceux qui voulaient s’assumer en dehors de la communauté française.
De plus, pour préserver intacte la dynamique d’une politique axée sur le bien du peuple il faut rester sobre et intègre, donc s’abstenir d’utiliser son influence pour s’enrichir, ce que très peu d’hommes politiques sont capables de faire. Une fois arrivés au pouvoir la plupart d’entre eux deviennent des jouisseurs embourgeoisés. Ces deux facteurs, créant la difficulté de choisir des remplaçants qui ne vont pas céder à la peur et faire perdre à leurs peuples les acquis de leur révolution qui sont entre autres la souveraineté sur les ressources naturelles du pays. C’est pour parer à cela que certains de ces leaders favorisent l’accession au pouvoir de successeurs ayant la même idéologie, les mêmes convictions et parfois le même tempérament qu’eux. C’est ce que le président Hugo Chavez a fait en désignant a son parti Nicolas Maduro en tant que successeur idéologique. C’est dans cette logique que Fidel Castro a fait sur son frère. Dans le dernier cas, le souci de diminuer les risques de trahison.
Reste la question de savoir si le désir de préserver des acquis d’une révolution justifie le fait qu’une personne ou une famille s’accapare le pouvoir et reste aussi longtemps à la direction du pays? Probablement pas. Il y a certainement au Cuba d’autres personnes capables de bien diriger ce pays. Seulement, est-ce que Fidel Castro les a rencontrées ? A-t-il et convaincu de la sincérité de leur patriotisme ? S’il voulait respecter la démocratie, il aurait dû faire des élections libres. La « démocratie » n’exige-t-elle pas l’alternance au pouvoir ?
Ah, la démocratie ! Pour commencer, il n y a de démocratie nulle part. Même dans les pays occidentaux, la réalité du pouvoir est depuis des siècles entre les mains de quelques familles de banquiers puissants qui contrôlent l’essentiel de l’économie, de la finance et des medias de ces pays. Les chefs présidents et premiers ministres ne sont que la face visible d’un groupe d’hommes politiques subalternes aux banquiers internationaux (1). La Reine d’Angleterre par exemple, le chef d’Etat représente et protège les intérêts de l’oligarchie financière qui contrôle le Royaume Uni, le premier ministre n’étant qu’un gestionnaire des affaires courantes, incapable d’adopter une politique en opposition avec ces intérêts.
Ensuite, s’il faut faire un choix entre un leader qui demeure longtemps au pouvoir, mais qui gère bien et assure le bien-être des populations et une alternance politique qui présente le risque de permettre l’accession au pouvoir d’aventuriers financés par des prédateurs extérieurs pour protéger leurs intérêts, tout homme de bonne foi choisirait la première option. En d’autres termes s’il fallait choisir Mouammar Kadhafi ou Saddam Hussein et les nouveaux gouvernements affaiblis qui se succèdent à la tête de ces pays dont ils bradent ses richesses, on choisirait les « dictateurs ». Mais évidemment si le « dictateur » gère mal, il est légitime que le peuple souhaite son départ et qu’il veuille tenter avec un autre politicien.
PRESERVER LES INTERETS DU PEUPLE PENDANT LA SUCCESSION
Pour les pays vulnérables d’Afrique et d’Amérique latine, l’alternance au pouvoir n’est pas l’urgence. Le problème immédiat à résoudre, le problème principal c’est détruire le système d’exploitation qui tient nos leaders. Tant que ce système perdure, tout leader, quel qu’il soit ne fera que des modifications cosmétiques sans grand impact sur la vie des populations. Ce système, beaucoup de politicien africains, malheureusement ne se sentent le courage de s’y opposer. L’un des moyens de le faire est d’éduquer le peuple sur les grands enjeux et en le rendant maitre du jeu. Lorsqu’il est bien informé le peuple créera dans son subconscient le profil du candidat idéal et saura voter selon ses intérêts sans se laisser berner par les medias qui doivent garder une certaine indépendance, y compris vis-à-vis de grands groupes financiers. C’est d’ailleurs ce que le président Chavez a fait. Il a pris le temps d’éduquer le peuple vénézuélien.
Dans des pays comme le Cameroun où tous les schémas de la succession donnent au peuple l’occasion de choisir lui-même le président celui-ci a l’opportunité de protéger ses intérêts à condition qu’il soit maitre du jeu. Au Nigeria où la succession est automatique, le besoin de gagner peut forcer le candidat favorable à faire une alliance avec un « vendu », rendant le processus de transition vulnérable.
Il n’est pas impossible que si le président Buhari adopte une politique souverainiste et populiste, donc en opposition avec les intérêts étrangers, s’il se montre panafricaniste contrairement à son prédécesseur que l’on soupçonnait de faire le jeu des grandes puissances, s’il refuse de jouer le jeu de la France dont le président veut déjà le rencontrer contre le Cameroun et que son vice-président semble plus accommodant qu’il y ait de quoi craindre pour la vie du nouveau président. Une crise cardiaque, un AVC ou une maladie semblent bien vraisemblable pour homme de cet âge dont on précipiterait la mort pour faciliter l’accession au pouvoir du vice-président.
Prochain article de la série : Le profil idéal du futur président du Cameroun
(1) Afrique : Comment Briser Les Chaines de la Domination Etrangère,
Qui Contrôle Vraiment l’Afrique ? Par Paul Daniel Bekima
Gabriel Makang pour le Sphinx Hebdo
Posted on avr 11, 2015 @ 12:15
allain Jules