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23 novembre 2024

Un univers de connivence (Les nouveaux Chiens de garde 5/5)


 

L'Oeil de Brutus

Un univers de connivence (Les nouveaux Chiens de garde 5/5)

26 Janvier 2014 , Rédigé par L’oeil de Brutus Publié dans #Lectures

Un univers de connivence (Les nouveaux Chiens de garde 5/5)

Retrouver la présentation générale : cliquer ici.

Un univers de connivence

Alain Duhamel est probablement l’une des meilleurs caractéristiques de l’omniprésence médiatique : on le retrouve sur Europe 1, RTL, Libération, Le Point, Le Courrier de l’Ouest, Presse-Océan, L’Eclair, Le Maine libre, Vendée-Matin, et même … L’Humanité, sans parler de ses multiples interventions télévisées (page 112).

Ces multiples liens décrivent non seulement l’uniformisation de la pensée médiatique, mais aussi ferment complètement la voie à toute critique entre les différents organes de presse dominants (outre le fait, bien sûr, des multiples actionnariats croisés). Pour avoir osé, critiquer TF1 dans les colonnes de Libération en 1992, Serge July perdit ainsi l’accès à l’émission de « débat » qu’il partageait ave Philippe Alexandre sur TF1. « La confraternité, qui offre bien des avantages, impose aussi quelques exigences. Car aller dans les médias, c’est se taire sur les médias ou ne dire que d’eux que ce qu’ils consentent à entendre » (page 115). Même Alain Minc finit par l’admettre : « Le système médiatique secrète une concentration du pouvoir auprès de laquelle « l’accumulation primitive du capital » chère à Marx représente une bluette. Un tri s’est effectué qui n’a profité qu’à une poignée d’intellectuels » (page 116). Alain Minc, justement, est une parfaite illustration de la concentration oligarchique. Lorsqu’il décide de donner une fête pour ses 50 ans, qui retrouve-t-on dans le ballet des invités ? Jean-Marie Colombani, Franz-Olivier Giesbert, Jean Peyrelevade (alors PDG du Crédit Lyonnais), David de Rothschild, François Henrot (Paribas), François Pinault, Vincent Bolloré, Pierre Blayau, Jean Drucker, Pierre Bergé, Ernest-Antoine Seillière, Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn, Anne Sinclair, Philippe Labro, Bernard Kouchner, Pascal Lamy, Michel Bon, Louis Schweitzer, Gérard Mestrallet, Jean-Claude Trichet, Serge Weinberg, Jean-Charles Naouri (page 116).

Au-delà des publications purement journalistiques, le monde de l’édition des livres politiques est également devenu un joyeux univers de concentration de copinages dont le journal Le Monde s’est fait une spécialité. En pratique, il suffit qu’un oligarque publie un ouvrage pour que l’ensemble de ses « amis » en fasse de pompeux éloges dans leurs propres médias, quitte à lui de rendre sa pareil lorsqu’eux-mêmes publieront… A l’inverse, aux Etats-Unis de nombreux journaux interdisent à toute personne connaissant l’auteur d’en publier une critique. En France, cela ne dérange personne et c’est même presque une règle bien établie. Les accointances sont généralisées : en 1995, Jacques Juillard, directeur adjoint du Nouvel Observateur se voit attribuer le prix de la Fondation Mumm avec une jolie dot de 50 000 francs. Le président du jury n’est autre que Françoise Giroud, éditorialiste au … Nouvel Obs, et parmi les membres on retrouve : Jean Daniel, directeur du … Nouvel Obs ainsi qu’une joyeuse bande de copains (FOG, Claude Imbert, Christine Ockrent, Jean d’Ormesson, André Fontaine, etc.). Toute cette joyeuse bande de copains a d’ailleurs un lieu de rendez-vous régulier à l’occasion duquel elle peut rencontrer ses homologues politiques et économiques : les dîners du Siècle (pages 123-138).

Christine Ockrent est elle aussi, bien sûr, l’un des plus hauts membres de cette oligarchie, mais il lui arrive de faire preuve de lucidité : « Je vais découvrir la puissance à Paris de toutes sortes de réseaux, qui au mépris des faits, de l’honneur et au mieux de leurs intérêts, décident des mises à mort comme des modes de pensée (…). Hors des clans, des clientèles, hors des sociétés d’admiration mutuelle et des renvois d’ascenseur, point de salut, encore moins de confort » (page 141).

Et pour conclure, Serge Halimi n’hésite pas à désigner les responsabilités d’ensemble : « Cela fait longtemps que les responsables politiques et syndicaux s’accordent pour ne plus aborder la question de l’information et de son contrôle démocratique, y compris quand ils se proclament radicaux. Sur ce sujet précis, les « altermondialistes » et les révolutionnaires filent aussi doux que les autres. Ils ont peur des médias et de leur pouvoir, peur du pouvoir qu’ils ont concédé aux médias » (page 144).

Les autres billets sur cet ouvrage :

2/ Révérence devant le pouvoir.

3/ Prudence devant l’argent.

4/ Journalisme de marché.

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