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28 décembre 2024

Bouteflika ou le discours du ventriloque


Bouteflika ou le discours du ventriloque

Le quatrième mandat du président algérien était vendu, emballé et garanti cinq ans. Or une année non encore écoulée et son discours, lu à Ghardaïa le 19 mars, tourne déja à vide .

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Crédit photo: Tous droits réservés d.r.

Ni le choix de la date ni celui du lieu, ne sont anodins. C’est le propre du discours politique. La date? Le 19 mars date du cessez le feu, couronnant les accords d’Evian. Le lieu?  Ghardaïa, perle du sud algérien mais qui connait des émeutes depuis plus de deux ans, avec leurs lots de morts et de blessés.

La fibre nationaliste, forcément

Le message présidentiel, lu en arabe évidement,  joue dans ses premières phrases sur la fibre nationaliste : « Nous sommes particulièrement fiers, en ce jour, des vaillants héros que le peuple algérien a enfantés, héros qui, comme le voulait le génie algérien, se sont illustrés dans la lutte contre l’ennemi sur les champs de bataille, furent imbattables autour des tables de négociation ». Le lecteur enchaine par un vibrant hommage aux populations du sud : «je vous aime parce que vous êtes mes frères en religion et en piété patriotique…. In Salah est la prunelle de nos yeux. Elle n’a été avare envers l’Algérie ni de ses ressources ni de l’apport des meilleurs de ses enfants. Elle l’a gratifiée de deux richesses, celle du gaz et celle des hommes.».

Et voilà le premier paradoxe, le président Bouteflika présente le gaz de schiste comme un don de Dieu, il ne faut donc pas le refuser. Seulement cette population n’en veut pas du tout. Dans ce discours, l’exploitation du gaz de schiste est annoncée comme irrévocable. Pourquoi ? C’est le Premier ministre qui donne la réponse connue de tous : « des engagements ont été pris sur le gaz de schiste ». Envers qui ? La France tout naturellement.

Le second paradoxe réside dans la commémoration de la victoire sur la France mais tout en faisant allégeance à ses diktats énergétiques, entre autres ! Paris restera-t-elle sourde à cet appel au secours ? Difficile d’y répondre car les contestations contre ce gaz ont de fortes répercussions dans l’hexagone. Ce qui est certain, les portes de l’hôpital militaire français, le Val-de-Grâce resteront ouvertes.

La presse, voici l’ennemi
Ensuite, dans ce message, le président fustige l’opposition et la presse. La première a le tort d’être pour la première fois rassemblée et déterminée. La seconde a le mauvais gout de faire état des contestations et des scandales de corruption. Erreur tactique : un tollé apparait dans les colonnes des journaux indépendants, des opposants prennent la parole. Seulement sur le site officiel de la présidence de la république, les attaques contre la presse ne figurent plus vingt quatre heures plus tard. Cafouillage, maladresse, vacance du pouvoir fin de règne, régime aux abois, voila les ingrédients du cocktail appelé quatrième mandat.

Il est normal et usuel qu’un président ne rédige pas ses propres discours, mais il est impératif qu’il les lises avant. Il est vrai que le président algérien est meilleur à l’oral qu’à l’écrit, sauf que dans ce cas il n’y aura pas d’oral de rattrapage. Le mal est fait : la para-démocratie est mise à nu.

Saïd en embscade
Toujours est-il, dans un geste de survie, le pouvoir accordera aux oligarques le droit de fonder leur propre parti. Ainsi est annoncé la création du parti « El Fahkr » (la fierté), par Ali Haddad, patron des patrons et Président du FCE ( Forum des chefs d’entreprise ). Il assurera la présidence de ce nouveau parti dont le programme est d’être simplement: fier. Fier de l’enrichissement facile, fier de l’impunité, fier de la prédation. Et si la corruption devenait un droit constitutionnel. A méditer, la révision de la constitution est attendue pour la fin mai de cette année.
A la tète d’El Fahkr, Ali Haddad pourrait lancer l’idée d’une candidature de Said Bouteflika à la présidence. Ne hatons pas pourtant le cours de la transition politique algérienne traditionnellement lent; Said n’est pas encore Président.

Son frère, Abdelaziz Bouteflika, non plus d’ailleurs. Mais il ne le sait pas.

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