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23 novembre 2024

GAZA. De Téhéran à Caracas : l’axe du « non ».


GAZA. De Téhéran à Caracas : l’axe du « non ».

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( A l’entrée de la salle de conférence, les visiteurs piétinnent le drapeau israélien)

Dans cet amphithéâtre libanais, la foule est particulièrement hétérogène. A la porte d’entrée, que les visiteurs franchissent en piétinant un drapeau israélien, un étrange concert d’accents – de l’espagnol au farsi en passant par l’arabe – flotte au dessus d’une marée de turbans, de keffiehs et de bérets. Ici, un vénézuelien aux cheveux gominés, le torse moulé dans un t.shirt portant l’insigne du Che Guevara, discute tiers-mondisme avec un intellectuel marocain. Là, une Iranienne chiite en tchador chante les louanges de Reem Saleh Al-Riashi, une kamikaze « martyre » palestinienne.

Des origines bien différentes, et pourtant, des idées communes quand il s’agit d’évoquer la guerre de Gaza et de dire « non » à Israël et à l’Amérique. « Pour l’imam Khomeiny, l’Amérique, c’était le Grand Satan. Pour d’autres, l’Amérique, c’est l’impérialisme ou la globalisation. Quel que soit le terme utilisé, au final, c’est du même ennemi dont il s’agit ! », scande, à la tribune, le cheikh Naïm Qassem. Une pluie d’applaudissement retentit.

 Le nom du numéro 2 du Hezbollah n’apparaît pourtant pas dans le programme distribué aux spectateurs – paranoaïa sécuritaire oblige. Ni celui de Oussama Hamdan, le représentant du Hamas au Liban. Ni même celui de l’iranien Ali Akbar Motashamipour, un des fondateurs du Parti de Dieu, venu de Téhéran pour l’occasion. Mais ils ont tous tenus à participer à ce séminaire organisé pendant trois jours, à Beyrouth, par le Centre d’Etudes et de Documentation, un think tank rattaché au Hezbollah.

Ce « forum international pour la résistance, l’anti-impérialisme et la solidarité entre les peuples », était, en fait, programmé de longue date. C’est par pur hasard du calendrier qu’il s’est retrouvé au cœur de l’actualité. «Au départ, notre but était de renforcer l’alliance entre ces différents pays. C’est une plate-forme face à l’impérialisme et au sionisme », explique Ali Fayad, à la tête du think-tank. Mais en bombardant Gaza, Israël a indirectement consolidé cet axe du « non », de Téhéran à Caracas. « Les décisions prises par le Venezuela et la Bolivie vont participer au rapprochement entre le monde arabe et l’Amérique latine », observe Fayad, en faisant allusion à la rupture des relations diplomatiques de ces deux pays d’Amérique latine avec l’Etat hébreu.

La guerre de Gaza a également dissipé le clivage sunnites-chiites qui divise le monde musulman. « Gaza est un thème fédérateur. Les déclarations de soutien de l’Iran chiite à la résistance à Gaza ont été reprises par les chaînes arabes d’information en continu, comme Al Jazira, Al Arabyia, et surtout Al Manar », remarque la politologue Olfa Lamloum, spécialiste des média arabes. Cette alliance ne fait, en revanche, pas de cadeau aux « traîtres » du monde arabe – l’Egypte, l’Arabie saoudite -, accusés de « comploter avec l’ennemi ».

Certes, cette coalition anti-israélienne n’est pas nouvelle. C’est à la fin des années 70 qu’elle voit le jour, quand le Caire entame un processus de reconnaissance de l’Etat hébreu. En 2006, elle ressurgit lors de la guerre opposant le Hezbollah à Israël. Aujourd’hui, elle fait à nouveau entendre sa voix, d’autant plus qu’elle semble répondre, pour certains pays, comme l’Iran, à des intérêts stratégiques. A l’heure où le président Ahmadinejad cherche à s’imposer comme le nouveau leader de la « rue arabe », il a pu tirer avantage de la violence de la réaction israélienne, et de la paralysie de certains régimes arabes.

« Aujourd’hui, il existe deux fronts », relève Ali Akbar Mohtashamipour : « un front humain, qui tient tête à l’Occident et à Israël et qui soutient la liberté et la nation palestiniennes ; un front inhumain, qui soutient les criminels de guerre ». Oresteres Leal, un des cinq députés vénézueliens venus à la conférence, acquiesce. « Je ne peux pas accepter que des civils se laissent tuer sans défense. La résistance à Israël est un acte légitime », glisse-t-il.

Pour le chercheur Patrick Haenni, de l’institut Religioscope, cette alliance de circonstance reste néanmoins fragile. « Il y a une solidarité sur le contenu, mais sans consensus », dit-il. Entre le Venezuela et l’Iran, les objectifs politiques n’ont, en effet, rien à voir. « Si nous nous battons ensemble contre le même ennemi, c’est par coïncidence », concède Oresteres Leal.

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