Revue de presse : The Star – Afrique du Sud – 16/3/15
« Notre équipe comprenait une nonne catholique, un musulman, un juif et un athée… chacun ayant sa vision subjective des évènements, même si nous avions tous été traités « cliniquement »…
« Cependant, malgré ces obstacles (couvre-feu, restrictions spatiales) , nous avons pu conclure, de nos interviews et observations que ce que la population a vécu, lors du dernier conflit, constituait des violations du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire. »
« Professionnelle de la santé et de confession juive, il était important pour moi de participer à cette mission. Ayant rassemblé les preuves moi-même, je peux dire avec certitude que, ce qu’Israël fait en Palestine ne peut être regardé comme une exception aux normes et règles du droit international des droits de l’homme ».
Laure-Baldwin Ragaven, professeur à l’Université Wits de Johannesburg et membre de la mission PHR-Israel (Physicans for Human Rights-Israel) ainsi que Louis Reynolds, pédiatre en soins intensifs et pneumologue à l’hôpital pour enfants de la Croix-Rouge à Johannesburg. Extraits du rapport :
Le 8 juillet 2014, Israël a lancé une offensive militaire sur Gaza qui, en 50 jours, a causé la mort de plus de 2100 personnes dont 70% de civils parmi lesquels 500 enfants, plus de 11 000, blessés et 100 000 y perdirent leur habitation.
Selon les chiffres officiels israéliens, 73 Israéliens furent tués : 67 soldats et six civils, dont un enfant et un immigrant. Un total de 469 soldats et 255 civils furent blessés.
Au cours du conflit, le respect par Israël du droit international des droits de l’homme et humanitaire fut mis en question. En juillet 2014, à la demande de Al-Mezan Centre for Human Rights-Gaza, PHR-Israël (Docteurs pour les droits de l’homme-Israël) mit sur pied une mission dont le but était de collecter des preuves sur le type, les causes et schémas des attaques (attaques des équipes médicales et des équipements, évacuation, impact de l’agression sur le système de santé, conséquences à long terme dont la rééducation des blessés, santé mentale, santé publique et personnes déplacées) et d’en tirer les premières conclusions.
Double frappe
PHR-Israël a recruté des personnalités internationales indépendantes dans les domaines de la médecine légale et pathologie, médecine d’urgence, santé publique, pédiatrie et soins intensifs en pédiatrie, droits de l’homme, qui firent trois visites à Gaza entre le 19 août et le 12 novembre 2014… Les rencontres et les visites de sites se tinrent dans des bâtiments hospitaliers où eurent lieu les interviews des victimes (68 personnes hospitalisées), des témoins, du personnel de santé, des officiels et des représentants des organisations de santé internationales de Gaza et de la Cisjordanie. Par ailleurs des preuves matérielles furent rassemblées pour étayer les témoignages oraux.
Les résultats furent éloquents : la majorité des blessures entrainant la mort ou l’hospitalisation, souvent pour des blessures multiples, fut causée par des explosions ou des écrasements, très souvent à proximité de leurs lieux de résidence ou de ceux des membres de leur famille ou voisins. De nombreux cas montrent que des membres de la même famille ou des sauveteurs furent tués ou blessés au cours d’un même incident ou au cours de frappes consécutives – « double frappe » – sur le même endroit avec de nombreuses pertes.
Massacre délibéré
Des explosifs puissants furent utilisés dans des quartiers peuplés, rendant impossible l’évacuation des blessés et autres. Des équipes médicales y furent visées et leurs membres tuées ou blessées.
Deux incidents furent délibérés : l’attaque sur l’hôpital Al-Aqsa de Deir Al-Balah et celui sur la ville de Khuza où un convoi de centaines de civils en fuite fut pris sous le feu israélien et l’hôpital où certains trouvèrent refuge fut enseveli sous des missiles. Un enfant de six ans gravement blessé ne put être évacué en dépit des contacts visuels avec les soldats sur le terrain. Cet enfant est mort peu après. Des soldats occupant une maison infligèrent des mauvais traitements (coups, privation d’eau et de nourriture) aux civils de cette maison jusqu’à en faire des boucliers humains.
De plus, la mission a examiné les difficultés rencontrées par les hôpitaux de Gaza au cours des attaques : problèmes de référencement des blessés, leur évacuation de Gaza vers d’autres hôpitaux à l’extérieur. Il y a eu des déplacements de population de longue durée en raison de la destruction partielle ou totale de 18 000 maisons et des problèmes psycho-sociaux et de santé mentale à la suite de cette guerre et des précédentes.
Conclusions
La mission d’investigation a conclu :
Des bombardements importants et imprévisibles d’habitations caractérisent les attaques, sans aucune distinction entre des cibles légitimes et des populations protégées, causant des destructions massives de maisons et de biens de civils.
Ces attaques indiscriminées, soit par air, ou drones, artillerie, tanks et vaisseaux militaires n’ont pas été décidées par de simples soldats ou commandants. Elles l’ont été par des décideurs politiques au plus haut niveau, militaire ou gouvernemental. Les attaquants, en dépit d’avertissements, n’ont pas pris les mesures nécessaires pour permettre l’évacuation des populations en toute sécurité, ce qui inclut des espaces et routes sures, inexistants à Gaza. La mission en a aussi appelé aux Etats-Unis et à l’Europe pour qu’ils s’assurent que l’Egypte et Israël autorisent et facilitent la venue d’autres équipes d’investigation à Gaza, dont des experts en droit international, des droits de l’homme et des experts en armement. Ce qui n’a pas été fait, des mois après l’offensive.
Le rapport attire l’attention sur la crédibilité et l’indépendance des groupes de la société civile palestinienne et encourage la communauté internationale à soutenir et reconnaître leurs efforts pour rassembler les preuves à Gaza, et, par des moyens légaux, d’aboutir à la justice et aux compensations.
La mission pense que l’objectif principal des preuves rapportées dans le document est de déterminer les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, soit au travers des canaux de la justice locale ou internationale.
Elle est prête à assister et fournir les preuves à toute enquête crédible établie à cette fin et recommande de plus une enquête urgente et rigoureuse sur l’impact de cette dernière guerre et aussi des précédentes sur la santé publique, mentale et des paramètres sociaux plus larges de la santé à Gaza. Les effets de l’implacable occupation actuelle doit aussi être prise en compte.
Photo : Une vue de l’hôpital Al-Aqsa visé délibérément par l’aviation israélienne
Traduction et Synthèse : Xavière Jardez