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23 novembre 2024

Palmyre menacée par Daech: comment les groupes armés islamistes saccagent le patrimoine mondial


Palmyre menacée par Daech: comment les groupes armés islamistes saccagent le patrimoine mondial

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INTERNATIONAL – Après s’en être pris à plusieurs joyaux du patrimoine mondial, les islamistes de Daech menacent cette fois-ci la cité antique de Palmyre, déjà considérablement endommagée par des tirs de roquettes (vidéo en tête d’article).

Au mois de février, ce sont des images diffusées par l’Etat Islamique qui avaient ému l’opinion. En se mettant en scène dans le musée de Ninive à Mossoul (au nord de l’Irak), plusieurs jihadistes saccageaient des sculptures millénaires (ou leurs répliques de plâtre) à grands coups de masse. Au motif que celles-ci préexistaient à la naissance de l’Islam et qu’elle représentent à leurs yeux des divinités païennes.

Jeudi 26 février, la directrice générale de l’UNESCO avait d’ailleurs demandé une « réunion de crise » du conseil de Sécurité de l’ONU. « Cette attaque est bien plus qu’une tragédie culturelle, c’est également une question de sécurité parce qu’elle alimente le sectarisme, l’extrémisme violent et le conflit en Irak », a dénoncé Irina Bokova dans un communiqué.

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Mais au-delà de ce massacre archéologique, l’obsession qu’ont les islamistes à détruire des joyaux du patrimoine mondial interpelle.

Avant Mossoul et Palmyre, les Bouddhas de Bâmiyân

En 2001, ce sont les Bouddhas de Bâmiyân qui ont été victimes du fanatisme islamiste. Ces statues bouddhistes monumentales bâties entre le IIIe et le Ve siècle au nord-est de Kaboul (Afghanistan) ont subi des tirs d’artillerie après que l’influent mollah Omar les ait décrétées « idolâtres ». Pendant 25 jours, des centaines de talibans venus de tout le pays s’étaient acharnés à les détruire, à coups de roquettes et de dynamite.

« L’UNESCO et la communauté internationale ont assisté, impuissants, à la destruction des remarquables Bouddhas de Bâmiyân. Les deux statues monumentales témoignaient depuis 1500 ans de la grandeur de notre humanité partagée » expliquait, amère, l’institution onusienne sur son site.

 
Dommage collatéral de cette destruction, le site archéologique a été pillé et plusieurs morceaux des fresques anciennes qu’il abritait ont été revendues sur le marché noir. Outre les bouddhas de Bâmiyân, les trésors du Musée de Kaboul, de Ghazni et d’Herat ont aussi été détruits en mars 2001.

Mais le cas de l’Afghanistan est loin d’être isolé. Partout où le terrorisme islamiste s’installe, il reproduit le même schéma. En Syrie, en Irak, à Tombouctou au Mali (voir ci-dessous), mais aussi en Libye où des islamistes ont démoli et profané dès 2012 plusieurs mausolées à coup de pelleteuse (à Tripoli et Zliten notamment)… Une bibliothèque et une université ont également été la cible d’actes de destruction et de pillage dans le pays dirigé par Mouammar Kadhafi jusqu’en août 2011.

Mausolées détruits et manuscrits brûlés à Tombouctou

La progression du groupe islamiste Ansar Dine dans le Nord Mali à l’été 2012 a coûté cher au patrimoine ancestral de Tombouctou. L’objectif des islamistes: y « détruire tous les mausolées », comme l’avait expliqué l’un des porte-paroles du groupe armé à l’époque. Au total, ils parviendront à en détruire sept sur les seize que compte « la cité des 333 saints », classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988.

Autre sanctuaire culturel dans le viseur des islamistes au Mali, la bibliothèque de l’Institut Ahmed-Baba dans laquelle étaient entreposés des milliers de manuscrits anciens, certains datant du XIIIe siècle. Or, la majorité de ceux-ci ont été sauvés par une poignée de résistants qui les ont acheminés vers Bamako pour les mettre à l’abri. Les islamistes quant à eux, ne sont parvenus qu’à brûler une partie de ce trésor. En effet, une centaine d’ouvrages religieux des XIXe et XXe siècles dont l’intérêt scientifique était moindre ont été victimes de cet autodafé.

Pourquoi cet acharnement ?

L’obstination qu’ont les islamistes à vouloir rayer tout ce qui ne correspond pas à leur vision religieuse revêt deux aspects, selon plusieurs chercheurs. D’un point de vue théologique, il s’agit d' »éradiquer toute forme matérielle de notre civilisation » explique à L’Obs l’anthropologue Malek Chebel. Selon ce chercheur, « nous sommes face à un mouvement fondamentaliste qui veut revenir aux premiers jours de l’islam », ce qui équivaut à rejeter tout ce qui est antérieur au coran.

« Il s’agit de deux formes d’Islam difficilement compatibles », commente aussi pour Sciences et Avenir l’archéologue et anthropologue suisse Eric Huysecom.

« Pour la première, ces monuments sont le témoignage d’un islam ‘d’ouverture’, d’un islam ‘rayonnant’, tant dans le domaine des arts, de la littérature que des sciences ou de la médecine, mais aussi d’un islam de tolérance, où le non-musulman avait aussi sa place.

Cette image d’islam tolérant, brillant par la culture et le savoir, est contraire à celle que prônent les mouvements intégristes et radicaux tels qu’Ansar Dine ou Aqmi (Al-Qaida au Maghreb). Pour ces derniers, les cultes personnalisés dont font l’objet les saints inhumés dans ces mausolées sont incompatibles avec un islam où seul le Prophète peut être invoqué. Je me permettrais la comparaison entre la révolte protestante contre le culte des saints pratiqué par la religion catholique, il y a quelques siècles.

Mais au delà de cette dimension strictement religieuse, ces destructions endossent aussi un caractère politique. Interrogé sur l’offensive menée à Tombouctou, l’islamologue Mathieu Guidère estime que la finalité de ces saccages était d’attirer l’attention sur Ansar el Dine. « Tout cela ressemble à une opération de communication, expliquait-il à L’Obs soulignant la nécessité pour le groupe armé de s’imposer comme seul interlocuteur dans la région.

Le patrimoine irakien en grand danger

« Il y a urgence ». En ces termes, l’UNESCO dresse l’état des lieux des menaces pesant sur le patrimoine en Irak. « Des sites culturels irakiens, comme la tombe du prophète Jonas à Mossoul ou des palais assyriens ainsi que des églises et d’autres monuments, ont été détruits et pillés et il est à craindre que les biens culturels illégalement acquis viennent alimenter le trafic illicite » écrit le site de l’organisation.

Le plus préoccupant, c’est que les actes connus ou revendiqués par Daech ne pourraient qu’être la partie immergée de l’iceberg. Au début du mois de janvier par exemple, ce sont quelques 2000 livres et manuscrits datant de plus 7000 ans qui sont partis en fumée. »Les extrémistes ont déjà commencé à détruire les livres dans les autres bibliothèques publiques de Mossoul » s’alarmait un professeur d’histoire irakien auprès de Alarabtv cité par FTVI.

La situation est-elle désespérée ?

Comme la fuite des manuscrits de Tombouctou le montre, il y a toujours des hommes et des femmes pour tenter de porter secours aux biens de mémoire et de culture. C’est par exemple le cas de Khan Ali, un maçon afghan, qui a entrepris de restaurer les boudhas détruits par les talibans. Aujourd’hui c’est une petite équipe qui travaille à ses côtés en compagnie d’un archéologue germano-afghan comme l’explique Vice.

Mais au-delà de ces initiatives individuelles que n’auraient pas reniées les célèbres « Monuments Men » portés à l’écran par George Clooney, les institutions s’organisent également pour sauvegarder le patrimoine mondial, notamment en Irak. La directrice de l’UNESCO a en effet fait savoir vendredi 27 février qu’elle avait saisi la Cour Pénale Internationale à la suite des saccages commis par Daech. « On lance une coalition internationale contre le trafic illicite des biens culturels » explique-t-elle en insistant sur le fait que le recel de ces œuvres sert surtout à financer le terrorisme.

Au moment de la destruction des mausolées de Tombouctou, la CPI prévenait que ces actes étaient qualifiés de « crime de guerre » par la justice internationale. Reste désormais à savoir ce que donneront ces appels à la justice et si des actions concrètes de sauvegarde seront menées par la coalition.

Quatre sites en Irak sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, dont deux sont en péril. Six sites syriens sont inscrits dont la cité antique de Palmyre, tous en péril. À titre de comparaison, 39 sites français sont inscrits.

Ci-dessous, la carte des nombreux sites historiques qui ont été ciblés depuis plusieurs années par des groupes armés islamistes.

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L’Etat islamique, c’est quoi?
Peu après le début de la guerre en Irak menée par les Etats-Unis, un nouveau groupe jihadiste voit le jour en Irak. C’est l’origine de l’Etat islamique. Ce groupe se présentait comme le défenseur de la minorité sunnite face aux chiites qui ont pris le pouvoir avec l’invasion conduite par les Etats-unis en 2003. Il se fait connaître par des tueries de chiites et les attaques-suicides contre les forces américaines.Sa brutalité et son islam intransigeant pousseront finalement les tribus sunnites à le chasser de leur territoire. Traqués en Irak, ses membres dès juillet 2011, soit trois mois après le début de la révolte contre Bachar al-Assad, sont appelés à aller combattre en Syrie contre le régime. Une implication dans le conflit syrien qui lui permet un véritable essor.

En Syrie, rapidement apparaissent les dissensions entre jihadistes irakiens et syriens. Les premiers proposent la création en avril 2013 de l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL) mais le chef syrien refuse et maintient le Front al-Nosra qui devient la branche officielle d’al-Qaïda en Syrie.

Fort de ses victoires en Irak et en Syrie, le chef de l’EIIL Abou Bakr al-Baghdadi proclame en juin 2014 un « califat » à cheval sur les deux pays. A cette occasion, le groupe jihadiste est renommé Etat islamique (EI). Il est appelé ISIS en anglais et Daesh en arabe.

Photo: le drapeau de l’Etat islamique

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