Après l’invasion de Palmyre, Washington a-t-il fini par comprendre qu’il n’y a pas d’alternative à Al-Assad ?
25 mai 2015
Après l’invasion de Palmyre, Washington a-t-il fini par comprendre qu’il n’y a pas d’alternative à Al-Assad ?
par Nasser Kandil/ Comité Valmy – dimanche 24 mai 2015
À l’ombre de l’escalade guerrière et des drames sanglants vécus par la Syrie, sur tous les fronts, pour que les alliés de Washington puissent enfin convaincre la Maison Blanche de revoir ses plans d’intervention militaire visant à renverser le Président syrien Bachar al-Assad, au lieu de se contenter de leur plaire par des déclarations se résumant à dire qu’il aurait perdu sa légitimité et qu’en aucun cas il ne ferait partie de la solution politique ; leurs médias, notamment en Arabie saoudite et en Turquie, claironnent à qui veut bien l’entendre que la « chute » de la Syrie est imminente.
Ceci, alors qu’il est parfaitement clair que le sort de la Syrie est le cadet de leurs soucis et que tout ce qui les intéresse est de se débarrasser du Président syrien, comme cela fut le cas en Libye grâce à la coopération des Qataris avec la bénédiction de l’Administration US. Une fois leur victoire contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi célébrée, peu leur importait que la Lybie soit vouée aux gémonies en tombant entre les griffes d’Al-Qaïda et que la sécurité européenne et régionale aillent en enfer.
Mais pendant que les Saoudiens et les Turcs souriaient jaune, les rapports des Services du renseignement s’entassaient sur les bureaux des présidents russe et américain prouvant, par les menus détails, l’étendue de la participation de la Turquie et de l’Arabie Saoudite à ce qu’ils attribuent à l’opposition syrienne.
Ainsi, quand on leur rétorque que cette fameuse opposition n’est autre que DAECH et Al-Nosra, ils commencent par tenter d’établir une distinction entre ces deux organisations terroristes [la seconde étant révolutionnaire et donc plus respectable que la première à en croire M. Fabius, M. Walid Joumblat, le gouvernement israélien, etc… NdT] ; avant de finir par prétexter que la situation en Syrie ne fait qu’empirer. Et quand on leur demande comment se fait-il que des armes sophistiquées, « made in USA » en particulier, soient tombées entre les mains des combattants d’Al-Nosra, ils expliquent que c’est le résultat de leurs larcins dans les arsenaux des deux armées irakienne et syrienne.
C’est pourquoi Moscou a demandé à Washington de lui fournir une copie des numéros de série des missiles anti-char correspondant à des plateformes tombées entre les mains du renseignement russe après leur utilisation par DAECH et Al-Nosra. Demande logique si l’on se souvient du rôle joué par les missiles Stinger livrés aux Talibans lors de la guerre en Afghanistan… [1].
Moscou n’a pas attendu longtemps. Quarante huit heures après sa demande, Daniel Rubenstein, l’adjoint du ministre des Affaires étrangères US en charge du dossier syrien [2], arrivait dans la capitale pour en discuter avec le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov [3]. Voici ce qu’il aurait répondu aux deux questions posées par Moscou :
• Non, les USA n’ont pas livré ces missiles US aux terroristes. Ils ont été expédiés à partir des arsenaux de la Turquie, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, et il semble qu’ils aient été livrés par centaines avec les plateformes et des munitions suffisantes.
• Non, les opérateurs de ces engins n’étaient pas des experts formés à Washington ou par les armées alliées. Le fait est qu’il y a des centaines de commandos saoudiens, émiratis et turcs, qui combattent sur le territoire syrien au sein des différentes factions de DAECH et d’Al-Nosra ; la quantité d’armes et d’équipements dont ces fous furieux disposent et ce qu’ils en font nous stupéfient !
Après deux journées de consultations à Moscou, M. Rubenstein s’est rendu à Ankara et à Riyad. Selon les déclarations de M. Bogdanov, il s’était donné pour mission d’exhorter les puissances régionales à user de leur influence pour pousser dans le sens d’une solution politique en Syrie et d’encourager les Syriens à participer au dialogue inter-syrien en préparation de la réunion de Genève III. Ceci, car Washington et Moscou partagent une même inquiétude devant la menace terroriste et les risques de son expansion.
M. Rubenstein a donc rempli sa mission de visite des capitales régionales ; puis, est arrivé ce qui est arrivé à Palmyre… Et M. Bogdanov a repris la parole pour dire : « Nos collègues américains ont compris qu’il n’y avait aucune alternative à Bachar al-Assad et au gouvernement actuel. [Voici le texte de sa déclaration, publié le 22 mai par Sputniknews, NdT] :
« Si je comprends bien, nos collègues américains ont compris qu’il n’y avait actuellement aucune alternative à Bachar al-Assad et au gouvernement actuel. S’il lui arrivait quelque chose, le pouvoir et tout le territoire syrien seraient pris par les terroristes et les extrémistes de l’État islamique et du Front al-Nosra. Bref, on revivrait un nouveau scénario somalien ou libyen, très dangereux, qui ne serait pas du tout dans l’intérêt du peuple syrien. Cela déstabiliserait également la situation dans la région en général… Un tel déroulement des faits renforcerait la menace terroriste envers les intérêts nationaux et de sécurité nationale aussi bien des USA, de la Russie, que de la communauté internationale dans l’ensemble… Il m’a semblé que nos partenaires américains avaient commencé à en prendre conscience. A cet égard, ils ont constaté que nous avions perdu beaucoup de temps pour réfléchir à comment mettre en œuvre le communiqué de Genève, en attendant qu’il s’accomplisse de lui-même ou que les parties syriennes deviennent plus actives … S’il arrivait quelque chose au gouvernement actuel, l’alternative serait le chaos et le déchaînement du terrorisme à une plus grande échelle qu’aujourd’hui, qui se répandrait sur tout le pays et dépasserait ses limites. C’est pourquoi il y a aujourd’hui un tel intérêt pour coopérer avec nous. Il faut, sans perdre de temps, réfléchir aux initiatives pour assurer ses arrières » [4].
Or, ceux qui suivent de près le dossier des relations syro-russes savent que M. Bogdanov n’a jamais été un ardent défenseur du maintien du Président syrien au pouvoir [Et encore moins M. Rubenstein qui, en digne successeur de M. Robert Ford, s’est adressé lors de sa prise de fonction au « peuple syrien » en langue arabe [5], pour leur débiter la même propagande des ennemis de la Syrie sur la prétendue tyrannie de Bachar al-Assad et les prétendus révolutionnaires auxquels il a promis de rendre justice (sic)… NdT]. Par conséquent, cette dernière déclaration n’est ni émotionnelle, ni due au hasard. Elle traduit plutôt le contenu de l’accord final sur l’avenir de la Syrie…
[…]
Par ailleurs, les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, M. Sergueï Lavrov, à propos des efforts de la Russie pour l’arrêt rapide des combats au Yémen, l’accélération de la solution politique en Syrie et la poursuite de sa coopération technico-militaire avec Bagdad dans la lutte contre le terrorisme au Proche-Orient [6] posent, pour de nombreux observateurs, la question de savoir si Washington est désormais conscient que le fardeau de cette guerre dépasse ses capacités et aurait décidé de s’en décharger sur Moscou. En effet :
• Washington ne veut pas que la guerre se solde par la victoire de DAECH, en dépit de son rôle dans la fabrication et le parrainage de cette organisation terroriste [À ce propos, voir le rapport secret du Pentagone révélant que l’Occident a considéré DAECH comme un instrument stratégique [7], NdT].
• Washington ne veut pas que les alliés régionaux de l’Iran puissent l’emporter et étendre leur influence, vu leur capacité certaine à vaincre DAECH et Al-Nosra.
• Washington ne veut pas se brouiller avec ses propres alliés qui alimentent DAECH et Al-Nosra, l’Arabie saoudite et la Turquie en particulier, et travaille à les rassurer alors que la date de la signature de l’accord sur le nucléaire iranien approche [30 juin].
C’est dans ce cadre que les informations reçues de Moscou suggèrent qu’un accord russo-américain aurait été conclu et porterait sur deux points :
• Moscou se charge de renforcer les capacités de l’Armée syrienne sous le commandement du Président Bachar al-Assad, puisque sans cela pas de victoire possible contre le terrorisme.
• Moscou est prêt à servir d’intermédiaire pour une action coordonnée entre les alliés des deux blocs adverses, à condition que Washington fasse pression sur ses propres alliés pour qu’ils cessent de prétendre combattre le terrorisme, alors qu’en réalité ils accordent tous les soins et les moyens nécessaires aux organisations terroristes.
En conclusion : Un accord américano-russe qui devra se traduire sur le terrain par la politique et les armes…
Nasser Kandil
23/05/2015
Sources : Synthèse de deux articles d’Al-Binaa
http://www.al-binaa.com/ ?article=45758
http://www.al-binaa.com/ ?article=45757
Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] La narrative des Stinger en Afghanistan
http://www.dedefensa.org/articlela_narrative_des_stinger_en…
[2]Jewish Arabist is DC’s new envoy to Syria
http://www.timesofisrael.com/jewish-arabist-is-dcs-new-env…/
[3] Les USA et la Russie se parlent de nouveau
http://fr.sputniknews.com/presse/20150518/1016119235.html
[4] Syrie : les USA comprennent…
http://fr.sputniknews.com/presse/20150522/1016211372.html
[5] Message au peuple syrien du nouvel envoyé US/ euronet.news المبعوث الأمريكي الجديد الى سوريا يوجه رسالة الى الشعب السوري عبر أورينت نيوز[4]
https://www.youtube.com/watch ?v=ED3dIYO-d_Y&feature=youtu.be
[6] Moscou poursuivra sa coopération technico-militaire avec Bagdad dans la lutte contre le terrorisme au Proche-Orient.
http://fr.sputniknews.com/interna…/20150319/1015256473.html…
[7] Secret Pentagon report reveals West saw ISIS as strategic asset / 05-22-2015
https://medium.com/…/secret-pentagon-report-reveals-west-sa…