Document secret : Washington a tenté de saboter les efforts d’Alger pour le règlement de la crise libyenne
24 juin 2015
Document secret : Washington a tenté de saboter les efforts d’Alger pour le règlement de la crise libyenne
Les Etats-Unis ont demandé au Maroc de «jouer un rôle» pour faire échouer la démarche de paix engagée par l’Algérie en Libye. C’est un document confidentiel, daté du 2 octobre 2014 (voir rubrique Documents),qui le prouve. Il s’agit d’un rapport d’Omar Hilale, représentant permanent du Maroc aux Nations unies, dans lequel il informe son ministre des Affaires étrangères sur ce qu’il appelle les «confidences de M. Feltman concernant le rôle potentiel du Maroc en Libye».
Au cours d’un déjeuner organisé ce 2 octobre 2014, à la résidence du représentant permanent du Maroc aux Nations unies, pour l’adieu de Mme Rosemary DiCarb, ambassadrice, représentante permanente-adjointe des Etats-Unis, Jeffrey Feltman, secrétaire général-adjoint américain aux affaires politiques, a confié à Omar Hilale – «en aparté», précise le diplomate marocain – que «l’ONU suit avec inquiétude l’activisme de l’Union africaine dans le processus politique en Libye». Mais la plus grande préoccupation de Feltman est que «l’agenda de l’UA s’identifie à celui de l’Algérie et concurrence, voire gène les efforts du représentant spécial du secrétaire général en Libye, l’Espagnol Bernardino Léon».
Par déduction, on comprend que l’effort de l’ONU en Libye s’identifie, lui, à l’agenda des Etats-Unis, ce qui explique la crainte exprimée par le diplomate américain de voir les efforts des Nations unies «phagocytés par l’Algérie» et sa suggestion au Maroc de s’appuyer sur les parties libyennes, hostiles à l’Algérie, qui «regardent d’un mauvais œil les préparatifs pour la réunion convoquée prochainement à Alger».
C’est carrément un appel que lance Jeffrey Feltman au Maroc pour saboter les réunions envisagées à Alger entre les protagonistes qui s’entretuent en Libye. L’Algérie veut parvenir à un vrai accord qui instaurerait la paix, ou du moins réduirait l’état d’insécurité dans ce pays, mais, de toute évidence, c’est ce que ne veulent pas les Etats-Unis. Feltman use de propos flatteurs concernant l’«influence» du Maroc dans la région pour l’amener à interférer dans la démarche de l’Algérie, sous prétexte de soutenir les efforts de Bernardino Léon. Le représentant marocain aux Nations unies a promis d’agir dans le sens souhaité par les Américains.
Pour cela, Omar Hilale dit avoir préparé l’organisation d’«un déjeuner de travail réunissant M. Léon avec les représentants permanents influents». La suite, on la connaît : un «dialogue entre les rivaux politiques libyens» a été lancé au Maroc pour poursuivre des négociations qui avaient commencé sous l’égide de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), mi-janvier, à Genève et le 10 février à Ghadamès, à la frontière avec la Tunisie.