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25 décembre 2024

“Le Serment de Tobrouk”, documentaire de propagande empreint d’autoglorification


“Le Serment de Tobrouk”, documentaire de propagande empreint d’autoglorification

05/06/2012 | 18h30

BHL revient sur les évènements de Libye mais ne parvient pas à en tirer qu’un documentaire de propagande empreint d’autoglorification.

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C’est plein d’espoir que l’on allaitvoir ce nouveau documentaire de Bernard-Henri Lévy consacré aux coulisses de l’intervention internationale en Libye et de la chute de Kadhafi.

Voir l’histoire filmée en direct, débattre de la question du devoir d’ingérence, soupeser les gains et pertes de cette opération, entendre enfin les dirigeants du CNT (Conseil national de transition, l’institution politique représentant la rébellion libyenne) si peu bavards dans les médias, avoir des éléments de réponse aux questions en suspens que tout citoyen s’est posées durant cette guerre de Libye, tels étaient certains des enjeux que l’on pensait voir développés dans Le Serment de Tobrouk.

On avait juste oublié un petit détail : le film est signé BHL, auteur au sens fort du terme qui imprime sa marque sur tout ce qu’il entreprend.

Prenons le devoir d’ingérence, vraie question géopolitique difficile à trancher. Ce concept est-il une feuille de vigne humanitaire destinée à cacher une nouvelle forme de domination occidentale, ou une vraie novation du droit international étayée par l’intervention alliée en 39-45 ou par la libération de la Bosnie et de Sarajevo dans les années 90 ?

Dans ce film, BHL n’en débat pas, son récit en images et son commentaire étant construits pour justifier sans l’ombre d’un doute l’intervention de l’Otan : un peuple sur le point de se faire massacrer a été libéré de son dictateur sanguinaire, point.

Peut-être. Mais un certain nombre de questions demeurent.

Quelle était la légitimité du CNT au moment où BHL a pris contact avec ses responsables pour les présenter à Sarkozy : représentait-il 10 %, 50 %, 80 % du peuple libyen ? On n’a jamais su la réponse et elle n’est pas dans ce film.

Par ailleurs, au nom de quelle légitimité démocratique BHL est-il devenu superministre des Affaires étrangères et de la Défense, lui qui n’a aucun mandat électif ni aucune responsabilité constitutionnelle devant le Parlement ? Quel qu’ait pu être le bien-fondé de son action en Libye (et ce bien-fondé reste un débat), BHL s’est-il demandé ce que son rôle central dans cette affaire disait de nos institutions, de notre démocratie ? Est-il rassurant ou inquiétant qu’un pays s’engage dans une guerre sur la seule foi de l’intuition d’un intellectuel ?

Si Kadhafi était un monstre comme le répètent dans le film BHL et Sarkozy, que faisait-il dans les jardins de l’Elysée trois ans auparavant ? Quelle était la nature exacte des liens entre Kadhafi et Sarkozy, Kadhafi et la France, depuis tant d’années, avant que Sarkozy ne réalise soudainement que l’ami Kadhafi était un salaud ? Pour ces questions (et leurs éventuelles réponses), il faudra voir un autre film.

Soyons fair-play avec BHL, Le Serment de Tobrouk donne brièvement la parole aux adversaires de l’intervention en Libye : une minute seulement, encadrée par le commentaire off assassin de l’auteur.

Les opposants sont Rony Brauman, Eric Zemmour (hum…) et Marine Le Pen (waouh !). Petite séquence assez révélatrice : on prend trois personnes avec qui on est en désaccord (dont deux repoussoirs) et on les dézingue en trente secondes en citant un de leurs propos hors contexte.

Là, il ne s’agit plus de cinéma mais d’exécution sommaire et malhonnête de la thèse qui ne convient pas. Et c’est contreproductif car en agissant ainsi BHL affaiblit son point de vue.

A vrai dire, Le Serment de Tobrouk n’est pas tant un film sur la Libye ou sur la grandeur des révolutions qu’un autoportrait de l’auteur en Superman sauvant le peuple libyen, la démocratie et le monde libre.

Tout à sa noble volonté de s’inscrire dans les traces de Malraux ou d’Hemingway, BHL en a oublié de donner la parole à ses amis libyens. Une séquence résume tout : conférence de presse du CNT et de BHL, un dirigeant libyen tient un micro mais on n’entendra que l’écrivain durant toute la durée de la scène !

L’intellectuel à la mèche dans le vent, aux costumes élégamment sombres et aux chemises immaculées est ici de tous
les plans, dans le désert, à côté des chars, dans les QG militaires secrets (où il montre qu’il possède les dons stratégiques de Bonaparte), sur le perron de l’Elysée, au Flore (où le sort des Libyens semble se confondre avec la saison des prix littéraires), toujours impeccablement vêtu et coiffé.

Il est également omniprésent au son, à travers un commentaire off extrêmement ampoulé. Et quand il laisse image et parole à d’autres (Sarkozy, Hillary Clinton, les leaders du CNT), c’est pour se faire adresser des compliments (“BHL, vous êtes très célèbre dans nos régions”, ou “C’est grâce à vous cher BHL…“). A tel point que parfois on se pince : voyons-nous James Bond, Tintin, Indiana Jones, ou peut-être Sacha Baron Cohen dans une hilarante parodie d’intellectuel mégalopratin ?

BHL est à coup sûr un homme intelligent, cultivé, politiquement bien intentionné (dans le film, son désir de réconcilier Juifs et Arabes est sympathique quoique naïvement formulé), mais il a un boulon qui dévisse sévère du côté de l’ego.

Cette ivresse narcissique décrédibilise son film, même dans ce qu’il pourrait avoir de meilleur (la dimension exaltante d’un peuple qui se soulève). Elle prouve aussi que l’auteurisme a ses limites.

On se dit qu’il aurait fallu la toute-puissance d’une major hollywoodienne pour canaliser l’ego BHLien en folie et rendre Le Serment de Tobrouk plus équilibré et plus regardable que ce documentaire de propagande autojustificateur.

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