Condamner le terrorisme et dérouler le tapis rouge pour le roi d’Arabie
1 août 2015
C’est entendu, SOUS le sable de l’Arabie saoudite, il y a beaucoup de pétrole, plus que partout ailleurs, et donc énormément d’argent. Chacun sait qu’en France, à défaut de pétrole, on a des idées. L’idée, ici, consiste à faire venir le pétrole et son argent, en l’occurrence, le roi d’Arabie, SUR le sable, celui de la plage de la Mirandole à Vallauris, ce qui n’a pas manqué de déclencher un pic de protestations.
On conçoit le mécontentement des vacanciers habitués à cette plage et le dérangement des riverains. Mais, plus que l’abandon de nos principes au nom de nos intérêts et de nos alliances, cet accueil est l’aveu sidérant des contradictions auxquelles conduisent le déclin du pays et l’effondrement des hommes qui le dirigent. La première est d’ordre économique et politique. La France est le pays du luxe, et les entreprises sur ce marché entretiennent des savoir-faire et des emplois dont le pays a plus que jamais besoin. Mais c’est aussi le pays où le souci de l’égalité dans les discours politiques tourne à l’obsession. Ce qui rend ce paradoxe ridicule ou odieux, c’est qu’il produit une préférence étrangère et un désavantage pour les nationaux. Si les étrangers puissants et riches sont les bienvenus, est-il intelligent de faire fuir au-delà de nos frontières les Français fortunés qui se mettent à l’abri d’une fiscalité délirante et surtout d’un impôt sur la fortune, cette exception française absurde, maintenue par la démagogie de gauche et la couardise de droite ? Il est probable que le séjour en France, en permanence, des exilés fiscaux aurait des retombées économiques plus importantes que les trois semaines du roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud.
La seconde contradiction est celle dans laquelle se vautrent l’Occident tout entier, et la France en particulier, en politique internationale. Nous avançons avec dans une main la Déclaration des droits de l’homme et dans l’autre une liasse de contrats d’armement destinés à des pays qui se soucient des droits de l’homme, et encore plus de ceux de la femme, comme de leur dernière djellaba. La France suit les États-Unis avec une telle précipitation qu’elle semble même parfois les dépasser. L’indépendance nationale et l’intérêt supérieur de la patrie déterminent logiquement un réalisme politique sur la scène internationale. Mais la contradiction du donneur de leçon de morale entre son discours et ses actes est une insulte envers ceux qui sont ses électeurs. Il n’y a pas de pays plus éloigné des valeurs républicaines que l’Arabie saoudite.
Il est vrai qu’au-delà d’un certain poids, les pays supportent mal les leçons. Obama peut bien suggérer « fortement » aux Africains d’accepter le mariage unisexe, il s’abstiendra de le faire auprès de ses alliés saoudiens. Car le problème est là : les « démocraties » occidentales sont alliées à des pays qui sont leur antithèse et dont ils dépendent économiquement.
Au temps où la France était un grand pays, elle soutenait Méhémet Ali, le vice-Roi d’Égypte dont l’armée écrasa une première offensive wahhabite déjà dirigée par les Saoud, qui s’étaient emparés des villes saintes. Sous la pression des Anglais, la France dut abandonner cette alliance. Poursuivant son déclin, elle en est aujourd’hui à flatter les Saoud, les grands alliés des Américains, dont les rapports avec le djihadisme sont moins clairs que leur hostilité à l’Iran. Peut-on à la fois condamner le terrorisme et dérouler un tel tapis sous les pieds du salafisme ?