MamAfrika TV | Par Brazza News
Depuis quelques semaines Brazza News va fouiner dans une affaire opposant un salarié de Total E&P Congo à sa direction qui lui notifiait son licenciement pour des raisons tout bonnement fantaisiste. Plus nous avançons dans ce dossier, plus nous apprenons des choses bien plus que gênantes sur la filiale congolaise de cette multinationale.
Nous découvrons que les déboires de José Doctovrier LIKOUMANA qui a été 13 ans durant salarié de Total E&P Congo ont débuté suite à ses prises de position dans le cadre de son mandat syndical.
Parmi les revendications défendues par le syndicaliste LIKOUMANA figuraient entre autres l’exigence d’un traitement équitable entre les salariés expatriés et les nationaux occupant les mêmes postes, mis à part évidemment les émoluments inhérentes aux conséquences de l’expatriation (primes d’éloignement, billets d’avions pour le pays d’origine etc…).
La charte éthique de Total que nous nous sommes procurés professe que « Total respecte d’abord les lois locales partout où il s’installe. » Ce qui n’est manifestement pas le cas de la filiale Congo qui comprend environ 700 expatriés dont près de 500 sont des ouvriers. A la question de savoir quelle est la masse salariale des expatriés par rapport à la masse salariale globale de la filiale, la réponse est ahurissante : « 85,82% ». Ce qui est proprement scandaleux pour une filiale qui a adopté la règle des 4C&D (culture coûts).
Aussi, les Règles liées à l’octroi des marchés sont toutes modifiées. « Le chef DAC a le pouvoir d’octroyer les marchés de gré à gré sans attendre le comité achat/contrat ». Ceci a donné suite à la plus grand fraude jamais enregistrée dans la filiale, avec des courriers anonymes, dénonçant la mafia orchestrée par le chef DAC (Division Achat/Contrat).
On enregistre depuis, une recrudescence des contrats opaques pour certaines entreprises, des enregistrements de centaines d’entreprises de prestations, lesquelles prestations sont des plus obscures (contrat métal).
Le contrat métal est un contrat à travers lequel, une entreprise de maintenance se voit attribuer un champ pétrolier pour toutes les prestations liées à la maintenance. Cette entreprise, spécialisée dans la métallurgie par exemple, a la liberté de contracter avec une autre entreprise dans les domaines pour lesquels elle ne détient pas l’expertise nécessaire, Total n’attendant que le résultat. La réalité est que dans le jargon des expatriés, cela s’appelle du « partage de gâteau »… suivez mon regard.
De plus, il a été constaté la présence de prestataires expatriés de tous genres, avec des compétences des plus douteuses. Si le Congo disposait d’un service d’immigration sérieux, on recenserait les expatriés invités pour regroupement familial et on vérifierait leur logement. La réalité est que les raisons d’entrée sur le territoire congolais ne sont pas toujours honorables. Il nous a été rapporté par des employés de Total et cela a été confirmé par une poignée de salariés étrangers que plusieurs de ces expatriés (à compétence égale ou douteuse par rapport aux locaux) viennent pour gonfler les effectifs de Total ou des entreprises tiers gravitant autour de Total. A quel prix?
Pour empêcher aux syndicalistes de mener à bien leur mission, un budget de 25 millions/an est alloué aux syndicats par la filiale, pour effectuer des voyages de formation à Cotonou et à Paris. Dans les milieux du personnel local de Total cela s’appelle « des vacances bien méritées ».
Ayant été mis au parfum de la supercherie et du manque de sérieux dans l’exécution du cahier des charges du syndicat et l’ayant exprimé clairement, José LIKOUMANA est passé du statut de salarié de Total à celui d’ennemi non seulement de la direction mais aussi de ses camarades syndicalistes. La mission dévolue aux syndicalistes de « protéger les acquis des travailleurs, veiller au respect des droits des travailleurs » avait visiblement changé d’objet.
Dans l’optique de faire venir des expatriés (chômeurs en France) en masse au Congo, Total a sorti le concept de « diversité ». C’est un concept selon lequel, le Groupe voudrait que l’on accepte les embauchés de Total dans toutes les filiales sous prétexte qu’ils sont une seule et même famille. Devant les interrogations de LIKOUMANA sur la loi 22/88 du Congo sur les embauches, le secrétaire général du syndicat a tout simplement éconduit le salarié curieux, argumentant son geste par le fait qu’il mettait à mal le bon climat social de l’entreprise. Peu après arrive une note de réorganisation de la RH annonçant au 5 ème alinéa de son article 2 que « Le service Recrutement & Relation école est supprimé ». Tout bonnement. Comme par enchantement.
La charte de la « Congolisation » des postes, une autre absurdité de la filiale Congo de Total, vient officialiser l’embauche en priorité de personnel expatrié. Cette charte qui se voulait une copie de la charte dite de « l’Angolanisation » couplée à la loi 22/88, a été prostituée et dépouillée de tout son sens.
Quant au traitement des expatriés, par rapport au traitement des travailleurs locaux, les choses ont empiré. Même les VIE (Volontaires Internationaux en Entreprise), c’est à dire les stagiaires expatriés français, sont mieux traités et logés que les travailleurs Congolais. Le fait de s’être interrogé sur le poids financier de leur présence constituait une des fautes reprochées à LIKOUMANA alors que la circulaire 40 est on ne peut plus claire là dessus.
Devant de tels manquements, LIKOUMANA a appelé à la démission collective des Représentants du personnel. Cette initiative a été perçue comme le pompon par ses camarades syndicalistes nourris au lait et au miel de Total qui l’ont affublé du surnom de traitre. Des voix se sont même levées pour le soupçonner d’être un membre de Boko-Haram. Sans rire…
Mais revenons sur la DAC (Division Achat/Contrat). Rodolphe MARDELE, chef de la DAC faisait acheter les biens de la filiale par une société créée par lui-même dénommée « Maredca » devenue « Vertine » après les demandes d’explication de LIKOUMANA. Ce qui est de fait devenue une holding est dirigé par le frère cadet de Rodolphe MARDELE, Mathias MARDELE. Après le licenciement de José LIKOUMANA qui voulait en savoir plus, le frère cadet a finalement démissionné de Vertine.
Rodolphe MARDELE ayant l’autorisation d’attribuer des marchés aux entreprises sans consulter le CAC (comité achat contrat) en octroie à des entreprises situées en Chine, lesquelles entreprises travaillent en fait avec devinez qui ? Maredca (Vertine)… Il parait que dans le pays d’origine de MARDELE on parle de conflit d’intérêts dans ce genre de situations. Mais comme nous ne sommes qu’au Congo, en territoire conquis, on peut dire que tout est permis.
La loi d’octroi des marchés chez TOTAL exige que l’entreprise qui remporte l’offre, se soumette au préalable à un audit HSE, et le département audit attribue une note HSE dans une application appelée « Motéki ». Or les marchés donnés à quelques unes de ces sociétés louches choisies par MARDELE n’ont officiellement obtenu aucune note pour la simple raison qu’elles n’on jamais été auditées. Officieusement Rodolphe MARDELE a eu l’habilitation d’attribuer une note HSE (hygiène sécurité environnement) aux entreprises non auditées et leur octroie en toute impunité des marchés. Marchés qui vont de la fourniture des matériels à TOTAL, à la prestation de services. Nous sommes ici face à ce qui peut être considéré comme une escroquerie en bande organisée.
Un dernier point concerne le CMS (Centre Médical de Secours) de Total dont le budget a augmenté de 800% avec un service identique à celui des années précédentes. On y trouve des infirmiers et des anesthésistes français alors que le service de chirurgie a été supprimé en dépit de l’augmentation du budget. On peut imaginer le coût de tout ce personnel « expat » à la filiale de Total. Faire venir des infirmières françaises alors que l’école d’infirmiers de Lukabu en forme en quantité industrielle. Ces infirmiers et infirmières congolais se retrouvent pour la plupart au chômage à l’issue de leur formation.
Un audit a été diligenté par la filiale mais les conclusions n’ont jamais été présentées aux délégués du personnel. Il a juste été constaté le départ, que les salariés de Total E&P ont qualifié de « fuite », et sans dire « au revoir », du secrétaire général de la filiale (Christophe EON) et celle du médecin chef (professeur Philippe HOVETTE).
Des les bruits de couloir on évoque un scandale se chiffrant à des milliards de francs CFA. Le médecin chef aurait acheté au prix de médicaments originaux, des médicaments génériques.
En outre les évacuations sanitaires en Afrique du Sud sont une véritable honte. En réalité les malades de Total ne sont pas pris en charge par une clinique. Ils sont pris en charge par une famille qui fait office de clinique. Et selon la pathologie diagnostiquée, cette famille oriente le patient vers une clinique plus appropriée. Le coût du transit et de cette activité de triage s’élèverait à des milliards de francs CFA. À Brazzaville, la clinique dont il s’agit est celle du ministre MOYEN. Une clinique sous équipée où n’exercent que des étudiants de la faculté de médecine et la pharmacie en contrat est celle en face de Nganga Édouard.
Tout ici montre que les accusations portées par Total E&P Congo contre LIKOUMANA ne sont qu’un prétexte. C’est l’arbre qui cache la forêt d’un nombre incalculables de magouilles devant lesquelles les responsables de la filiale ont choisi de faire l’autruche. Doit-on penser par cette attitude qu’elles sont mouillées jusqu’au cou dans cette affaire ?
Quelle est la position du gouvernement congolais devant ces violations multiples et répétées de la loi ? Enverra-t-il des auditeurs et enquêteurs pour vérifier toutes ces informations ou la raison d’Etat, et la nécessité de maintien de SASSOU NGUESSO au pouvoir par son allié de toujours (Total), prendra-t-elle le dessus ? A suivre…
Edo GANGA