Tel-Aviv-Ryadh : le véritable axe du mal
19 janvier 2016
Tel-Aviv-Ryadh : le véritable axe du mal
par Kharroubi Habib,
Le Quotidien d’Oran, 19 janvier 2016
Après les ultimes entretiens en tête à tête qu’ont eus vendredi à Vienne le secrétaire d’Etat américain John Kerry et son homologue iranien Mohammad Jawad Zarif, l’accord sur le nucléaire iranien négocié par Téhéran avec le groupe des 5+1 a été officiellement finalisé ouvrant la voie à la levée «progressive et contrôlée» des sanctions internationales frappant l’Iran.
Le monde entier s’est félicité de cet heureux aboutissement qui clôt une crise internationale qui a fait planer le risque d’une confrontation armée entre ses protagonistes aux conséquences régionales et internationales terrifiantes. Deux Etats, Israël et l’Arabie Saoudite, ne partagent pas cet universel soulagement. Ils enragent au contraire car l’entrée en vigueur de l’accord de Vienne constitue pour eux l’échec de tout ce qu’ils ont déployé comme pressions, manœuvres, provocations et propagande pour faire obstacle à sa conclusion. Ryadh et Tel-Aviv ne vont pas pour autant se contenter d’une désapprobation formelle de l’accord intervenu entre leur ennemi commun régional l’Iran et le groupe des cinq + 1. Il faut s’attendre de leur part à des actes contre l’Iran ou ses alliés régionaux qui le pousseraient à réagir d’une façon qui remettrait en cause la normalisation enclenchée de ses relations avec les puissances occidentales.
En tant qu’Etat qui redoute le plus l’influence que l’accord de Vienne va avoir sur les équilibres régionaux, la monarchie saoudienne ne reculera devant aucune provocation ou initiative fatale pour en empêcher la mise en œuvre. Un avant-goût de sa détermination à faire obstacle à cette perspective s’est manifesté dans la crise ouverte entre l’Iran et elle, conséquence recherchée par Ryadh en procédant à l’exécution d’un chef religieux chiite saoudien. Il en a résulté une situation de tension extrême dont les « va-t-en-guerre » qui sont aux commandes du royaume depuis l’accession au trône du roi Selmane ont secrètement espéré qu’elle dégénère en conflit direct entre les deux pays. Leur aventureux espoir ne s’est pas réalisé car les autorités iraniennes ont fait preuve de retenue en cantonnant leurs réactions à la provocation (car c’en fut une) à des condamnations verbales qui plus est s’en prenant à la famille royaume saoudienne plutôt qu’à son pays et à son peuple et à leur conviction religieuse.
L’Arabie Saoudite n’en restera pas sur cet échec, d’autant qu’Israël avec lequel le royaume a noué une alliance dont il ne cache plus la réalité, l’encourage à aller au conflit ouvert avec leur ennemi commun avec l’assurance que l’armée sioniste sera à son côté dans la confrontation. Ayant perdu la bataille diplomatique contre l’accord de Vienne, Ryadh va exacerber les points de friction entre elle et Téhéran sur le dossier des conflits syrien et yéménite sur lesquels les deux pays sont en confrontation par protagonistes locaux interposés. Il ne faut par conséquent pas s’attendre pour ces deux conflits à la perspective d’un accord de paix dont Ryadh ne veut que s’il débouche sur la déconfiture de Téhéran et de ses protégés locaux. A moins que l’Amérique dont la monarchie s’affole qu’elle lui retire la protection sans laquelle elle serait balayée lui fasse comprendre que la reconfiguration des rapports de force au Moyen-Orient, dont l’accord de Vienne est une séquence, répond à ses intérêts nationaux vitaux et que par conséquent Ryadh agirait contre eux en persistant dans la politique des tensions et confrontations directes ou par procuration à l’égard de l’Iran. Obama a fait passer ce message que Ryadh espère faire changer aussitôt la fin parvenue du mandat de son émetteur. En attendant, les «émirs» continueront à entretenir les feux de la discorde régionale.