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24 novembre 2024

Les mythes fondateurs de la Fatwa saoudienne contre Roger Garaudy


 

Les mythes fondateurs de la Fatwa saoudienne contre Roger Garaudy

 

En lisant sur le site de Roger Garaudy le compte-rendu de Maria sur le livre de Jean-Michel Vernochet sur le wahhabisme, nous avions envie de lui dire immédiatement que:

1-le sous-titre (« Le wahhabisme est-il un contre-islam ? ») est une évidence… Mieux, c’est son cancer.

2- le mot « wahabbisme » dérive de l’un des noms majestueux de Dieu (il y en 99): « Al-Wahhab ». Ce dernier signifie « Le Donateur » ou, plus précisément, « Le Donateur Continuel », le « Dieu-Donneur » si l’on veut. On serait donc en droit, linguistique, de traduire « wahhabisme » par « Dieudonnisme » mais ce serait peut-être une insulte à un esprit libre que nous connaissons.

Ce n’est pas tout car sur le même site, on trouve un article récent qui lui est lié et qui n’est rien moins que le résumé d’une Fatwa saoudienne contre Roger Garaudy (original fourni en arabe). Et là, nous avons probablement ressenti quelque chose de l’immense déchirement existentiel  du philosophe et pacifiste qui avait tenté de réconcilier les êtres humains de tous pays: entre eux, avec leur propre environnement, leur histoire, culture, religion, etc.; en dépit de leurs différences.

En effet, Garaudy est allé plus loin encore que les grands sages œcuménistes de la place puisqu’il a eu l’audace d’inclure dans son approche le message originel du marxisme et de l’islam. Par exemple, un sage indien comme Maharshi avait, à l’occasion de la rencontre historique entre Gorbatchev et Reagan, et donc à l’aube de la destruction de l’Union Soviétique, publiquement déclaré que la paix était enfin arrivée sur Terre…

Aujourd’hui, après « la-mort-du-communisme », les Wahhabites, tout comme les Frères Musulmans, n’ont jamais de mots assez durs pour refuser tout dialogue avec les marxistes, qualifiés systématiquement d’athées. Paradoxalement, le « monothéisme du marché » (expression de Garaudy, si nous ne nous trompons pas) –qui est en fait un polythéisme de nouvelles idoles- propre au capitalisme ne fait jamais l’objet d’une mention ou de leurs critiques…. C’est que, contrairement à une idée répandue, le marxisme, profondément humain et hautement spirituel en raison de sa fraternité d’hommes (mot « communion » employé par Marx lui-même dans ses écrits) par essence, n’est pas dut tout l’inverse du capitalisme, lui tragiquement inhumain et foncièrement matérialiste.

Garaudy fut finalement qualifié de « mécréant » par les porte-paroles de ces deux religions: « renégat »  dans un cas, « apostat » dans l’autre. Pauvre Roger ! Tristement, il existe aujourd’hui des individus mécréanophobes, y compris au sein du « marxisme-léninisme ». Tels des demeurés, ces gens n’ont toujours pris aucune leçon de l’histoire des civilisations (à commencer par celle de l’Islam et celle de l’Union Soviétique). Ce sont des Takfiristes « laïques ».

La Fatwa saoudienne en question montre que ces Arabes oxydantalistes (la figure inversée de l’orientaliste classique) ne voulaient retenir de l’intéressé que ses prises de position célèbres contre l’injustice d’USrael (voir la Fatwa républicaine, laïque et française dite « Loi Gayssot »). Ils se fichaient de l’essentiel, à savoir son message de paix perpétuelle, universelle, œcuménique.

Or, quand les musulmans (qui sont des gens naïfs dans le bon sens du terme, de celui de l’enfant innocent qui croit que tous les hommes sont frères) entendent le mot « Fatwa », ils restent éblouis en imaginant que la Science (ici synonyme de Religion) a parlé. Tu parles… Considérons le texte de celle « publiée » par le dictateur saoudien Bin-Baz. Sa bibliographie n’est que de la poudre aux yeux tant elle est parsemée de citations atomistes (c.à.d. soigneusement extraites comme on pose ou prélève une cerise sur un gâteau) du Coran. La méthode, peu originale, reste la même que celle des auteurs du faux communiqué de revendication de la tuerie parisienne de l’automne dernier).

Le dignitaire saoudien cite aussi plusieurs « Hadiths » (Dits et faits du Prophète). Ces documents (qui se chiffrent en dizaines, voire, centaines de milliers) sont en fait des messages dont la taille, variable, est comparable à celle d’un « e-mail » moyen en ce début du 21ème siècle. Ils ont été reproduits, par des mortels, de bouche à oreille et de main en main sur au moins deux siècles…

Il y aurait de bonnes raisons de rester très prudents quant à leur lecture et interprétation vectorielles comme les Musulmans le font si bien quand il s’agit des Evangiles chrétiens. Or, leur « consolidation » (après un processus très rationnel de vérification par croisement de références) au cours du temps leur a fait acquérir, auprès des orthodoxes, le statut de quasi-vérité suprême. En réalité, pour la théocratie wahhabite, ils représentent l’élément essentiel de leur « Dits-ctature » sur toute pensée libre en islam puisque certains Dits du Prophète sont en totale contradiction avec le Coran…

C’est le règne du « Qil » et du « Qal »: celui des « On-Dit »… De là, il n’est pas étonnant que les colons et orientalistes oxydantaux aient inventé l’expression « téléphone arabe »… Par exemple, il y a le célèbre Dit (rapporté par le fameux Buhari, un mortel), jamais désapprouvé par l' »orthodoxie », invitant à tuer l’apostat. Les wahhabites de Saoudie, du Nigéria et d’ailleurs,  soutiennent « dur comme fer » que le Dit en question est « vrai ». Certains vont même jusqu’à affirmer que certains Dits du Prophète (donc relatés, avec toutes les déformations possibles et légitimement imaginables) ont plus de valeur, au moment de décider d’un cas, que le Coran lui-même…

Bin Baz cite même le Dit selon lequel l’une des cinq choses dont le Prophète Muhammad avait joui, à la différence de ceux qui l’avaient précédé, était qu’il avait été envoyé à toute l’humanité. Or, tout Musulman doté d’un minimum de culture sait que cette affirmation (et le Dit canonique qui se tient derrière) est fausse puisque Jésus fut chargé, lui aussi, d’une mission universelle, d’ailleurs reconnue par le Coran lui-même. Malgré de telles contradictions dans leur propos et littérature, les mêmes Wahhabites aiment à rappeler que le contenu de la Bible a été manipulé par divers auteurs. Scientifiquement, ils ont raison mais ils sont en général incapables de vous dire où exactement et d’entrer dans un débat respectueux, pour la simple raison qu’ils refusent par principe de considérer la lecture de la Bible… Tragiquement, plus de 95% de la population musulmane mondiale n’a jamais lu la Bible (AT et NT): un livre au cœur de leur croyance et pratiques quotidiennes: à commencer par celles héritées directement de la loi mosaïque.

A cet égard, le clerc saoudien critique le commentaire de Garaudy sur le châtiment contre le voleur et le calcul de l’héritage en citant à l’appui la sourate Al-Ma’ida dite de « La Table Servie ».  Il cite encore la même source dans laquelle on peut en effet lire: « Aujourd’hui, J’ai parachevé pour vous votre religion […] »(Coran 5:3).

Or, ce lettré saoudien ne comprend pas (ou feint de ne pas comprendre) que le châtiment en question prend sa source dans la Sainte Bible: « Si l’on trouve un homme qui ait dérobé l’un de ses frères, l’un des enfants d’Israël, qui en ait fait son esclave ou qui l’ait vendu, ce voleur sera puni de mort. Tu ôteras ainsi le mal du milieu de toi » (Deutéronome 24:7).

Mais la mystification est plus grave encore.

1-Tout comme le Deutéronome biblique (qui fait mention de l’aspect de la loi mosaïque ci-dessus) représente en fait le Testament de Moïse (avec la mort de ce dernier à la fin), la sourate de « La Table Servie » en question  devrait en fait s’intituler « Sourate de La Cène » puisque la « Table Servie » fait directement allusion à la celle de « La Cène » dans l’Evangile…

Dans l’épisode coranique (Coran 5: 110-120 – en particulier, soit vers la fin de la sourate), les apôtres de Jésus demandent à ce dernier, en forme de preuve divine, et par là, en guise de Testament, qu’il leur fasse descendre du Ciel une table pour prendre avec lui un repas d’adieu (Coran 5: 112)…

2-Historiquement, la sourate en question fut révélée à l’occasion du pèlerinage d’Adieu du Prophète. On peut donc la considérer comme son Testament. Il s’agit en fait d’un triple Testament: celui de trois prophètes.

Voilà donc ce à quoi a probablement pensé le philosophe et pacifiste français, dont le cœur s’est ouvert à toutes les formes spirituelles du monde (marxisme compris), mais qui n’a jamais effleuré le cerveau fossilisé du religieux saoudien.

Le premier s’efforçait d’expliquer et expliciter à ses lecteurs, que la fameuse Shari’a, à laquelle tient tant le second, provient de la Bible. A ce sujet, le Coran représente en partie la mauvaise conscience des Juifs et Chrétiens puisque aux premiers il rappelle la loi mosaïque et aux seconds, qui voulaient en quelque sorte l’ignorer (en tout cas dans ses aspects pharisiens contre lesquels Jésus protesta de manière véhémente), il reprend, à sa façon, les grands thèmes du Sermon sur la Montagne (amour du prochain, justice sociale, etc.).

Prenons à présent le cas de la fameuse prière, le front contre le sol, que la plupart des gens à travers le monde, croit d’origine musulmane. Ce n’est pas le Prophète Muhammad qu’il l’a inventée, et il ne l’a d’ailleurs jamais prétendu. Entre autres (nombreux) exemples dans l’Ancien Testament, voyez comment tous les Israélites, en même temps, se prosternèrent soudain (Lv 9: 24). Quant au Nouveau Testament, il souligne comment Jésus, en bon Juif:  » [puis,] ayant fait quelques pas en avant, [il] se jeta sur sa face […] »(Mt 26:39).

Bin Baz devrait au moins citer l’Ancien Testament pour montrer que le premier à prier de cette manière fut Abraham (Gn 24: 52).  Toutefois, cette prière est sûrement plus ancienne puisqu’on la retrouve apparemment dans l’Asie des empereurs de Chine et en autres endroits…

Enfin, le chef wahhabite assimile Garaudy aux « athées ésotériques (Al-Baatiniyyoun) » (sic), visiblement parce qu’il ne veut pas nommer explicitement l’épouvantail qu’il a en tête et à la cheville duquel il n’arrivera jamais: le « Cheikh Al-Akbar » (Le Grand Maître de l’Islam), nommément Muhyiddin Ibn Arabi, lequel fut l’une des grandes figures du soufisme, essence de l’Islam. Dans un célèbre poème, le Grand Maître spirituel disait ne pouvoir professer d’autre que religion que celle de l’Amour. C’est probablement en lisant ce dernier que Garaudy est venu à l’Islam (à vérifier).

Ibn Arabi est mort en 1240 à Damas, capitale de la Syrie, berceau de ces civilisations dont Roger Garaudy fut longtemps l’ambassadeur de leur dialogue. Aujourd’hui, par une ironie tragique de l’Histoire, ce dernier pays est, depuis cinq ans, soumis à une guerre par bandes armées interposées et soutenues à fois par la France et la Saoudie…

A quel saint se vouer après tout ça ?

Pour nous, toute raison gardée, Garaudy fut un saint et nul doute que Bin Baz ira en enfer…

Charybde.

 

 

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