Le rappel est à présent battu et s’apparente à une pratique liturgique malfaisante, basée sur le mensonge généralisé. Avons-nous envie de participer à tout ceci ? De cautionner les politiciens hypocrites en écoutant leurs discours trompeurs ? Cette réalité déformée que l’on veut nous contraindre à accepter, et qui permet aux dirigeants, encore et encore, de continuer à commettre leurs forfaits.
Par quel miracle un journal satirique a-t-il pu devenir l’un des organes de la pensée officielle ? Cette métamorphose témoigne bien sûr de la capacité du système à faire feu de tout bois et à tout recycler mais elle montre surtout les affinités entre la pensée libérale-libertaire et les intérêts des élites mondialistes. Et celles-ci ne sont jamais avares pour récompenser leurs loyaux serviteurs comme on l’a vu à l’occasion du battage médiatico-politique qui a suivi les attentats de janvier : minutes de silence un peu partout en France, drapeaux en berne, journées de deuil national, manifestations de solidarité émaillées de « dérapages » anti-Islam, grande marche républicaine symbolisant l’union sacrée des politiques contre « la barbarie et le terrorisme » à laquelle se sont associés la totalité des partis du système et des organisations de l’antiracisme institutionnel ainsi que de nombreux chefs d’État, slogans de soutien omniprésents, déclarations martiales des responsables politiques en dépit des zones d’ombre qui brouillent cette nouvelle affaire, à l’image de celles des attentats du 11 septembre.
À l’occasion du premier anniversaire des attentats, les élites politiques ressortent les plats – avec parfois quelques ratages – au risque de provoquer la nausée. Exploiter jusqu’au bout ce drame pour renforcer le système de domination et pour lancer la France dans des aventures militaires de tous les dangers – le tout sous couvert de « guerre contre le terrorisme » – est clairement la ligne politique du gouvernement.
Les bénéfices attendus sont bien là : restauration d’un crédit politique perdu sur le front économique et social et promulgation d’une batterie de lois liberticides pour museler la contestation sociale. Mais l’essentiel est peut-être ailleurs. La mascarade du 11 janvier et celle des commémorations forcées du premier anniversaire (en attendant les suivants !) ont aussi pour objectif de formater les esprits en posant les bases de ce que l’on pourrait appeler une « religion d’État ». Une religion laïque – et même laïciste – mais dont la fonction première est de dresser un rideau de fumée idéologique entre la conscience et la réalité.
Le 7 janvier 2015, c’est l’un des centres névralgiques du système de domination médiatique qui a été visé. Et pas n’importe lequel : Charlie Hebdo, passé du scato-gauchisme au néoconservatisme bon teint, spécialisé dans la discrimination antimusulmane sous couvert de « liberté d’expression » (pourtant à géométrie bien variable par les temps qui courent…) avec la bénédiction des élites politiques qui n’ont jamais ménagé leurs efforts pour le soutenir, en particulier au moment du procès des caricatures. Et pour cause… Les colonnes du journal accueillent régulièrement la fine fleur de l’atlantisme dans sa version la plus dure, notamment des journalistes de la mouvance néoconservatrice du Cercle de l’Oratoire : Caroline Fourest, qu’on ne présente plus, Robert Misrahi, Mohamed Sifaoui (lire ici l’article du site ANTINEOCONS). Le journal s’était notamment ilustré en publiant un « manifeste des 12 », dénoncé à juste titre par la Ligue des Droits de l’Homme, sous-titré « ensemble contre le nouveau totalitarisme » qui n’est rien de moins qu’une déclaration de guerre contre la menace islamique assimilée à la barbarie et au totalitarisme : « Après avoir vaincu le fascisme, le nazisme, et le stalinisme, le monde fait face à une nouvelle menace globale de type totalitaire : l’islamisme ». On a déjà vu analyse plus nuancée…
Également dans le viseur du journal, la religion catholique. La dernière une (en date) du journal, associant crime et religion, a provoqué colère et consternation. Mais le profond mépris pour la religion (et les croyants) affiché par le journal masque en réalité une orthodoxie bien prégnante. Elle s’est notamment manifestée à l’occasion des cérémonies d’hommage aux victimes quand il s’est agi de « repérer et de traiter ceux qui ne sont pas Charlie ». Comme toutes les religions, celle du politiquement correct a ses croyants, ses intégristes, ses apostats, ses hérétiques, ses agnostiques, ses curés et ses icônes. Et les brebis égarées pourront toujours compter sur la miséricorde divine si elles font acte de repentance puisque, comme le dit si bien Nathalie Saint Bricq, « il faut réintégrer dans la communauté nationale ceux qui ne sont pas Charlie ».
Comme toutes les religions, celle de Charlie a une fonction idéologique, celle de montrer une image tronquée, faussée et parfois inversée du réel. Tout esprit ayant échappé au formatage des consciences ne peut qu’être frappé par la contradiction manifeste entre les discours dominants et les pratiques. Ainsi, l’humoriste Dieudonné a été condamné pour apologie du terrorisme (!) en raison d’un message posté sur son compte Facebook dans lequel il affirmait « se sentir Charlie Coulibaly », le jour même de la marche républicaine du 11 janvier ! Rappelons tout de même que le mot d’ordre de cette manifestation géante était la défense de la liberté d’expression…
Surfant sur la peur provoquée par les événements de janvier et leur ultramédiatisation, les élites politiques ont promulgué une nouvelle loi pour réduire un peu plus les libertés publiques. Ou comment prétendre défendre la liberté d’expression contre une prétendue « menace islamique »… en encadrant celle-ci. Sans même parler de celles votées précédemment. Ainsi le délit pour apologie de terrorisme aux contours éminemment flous que l’exécutif a fabriqué dans le cadre de la loi antiterroriste de l’automne 2014 pourra valoir à son auteur pas moins de 7 ans de prison et de 100.000 euros d’amende ! La saturation médiatique des attentats et la propagande pro-Charlie déversée par les médias sous contrôle n’aura pas été de trop pour faire croire que la vraie menace qui pèse sur les libertés vient de l’Islam et non du pouvoir en place…
Mais l’une des caractéristiques de la mobilisation pro-Charlie (comme de celle qui a suivi les attentats de novembre) est l’appel à l’unité nationale sur fond de guerre contre le terrorisme. Grâce l’alchimie de l’union sacrée contre un ennemi à la fois extérieur et intérieur, les clivages sociaux et politiques disparaissent comme par magie : plus de riches, ni de pauvres, plus d’exploiteurs ni d’exploités mais des pro-Charlie et des crypto-terroristes. L’enjeu principal est sans doute ici : faire croire aux populations qu’elles ont les mêmes intérêts que les élites mondialistes et que la population syrienne mourant sous les bombes de l’aviation française est massacrée dans l’intérêt de la France.
L’ « esprit Charlie », nouvel avatar de la pensée dominante ? Sans doute, et le laïcisme agressif qui est sa marque de fabrique dessine les contours d’une nouvelle religion, concurrente de toutes les autres. Une religion qui n’ouvre pas les portes du Paradis mais celles d’un monde où la seule liberté qui existe est de pousser son chariot de supermarché, de laver son cerveau avec la télévision et de se faire tondre à l’occasion.