» Ennahdha et les Frères Musulmans: l’allégeance ne vieillit pas avec le temps,
Le compte-rendu de lecture du livre de Mondher Beldhiafi, « Ennahdha: la fugue du temple des Frères Musulmans » rédigé par notre ami Ahmed Nadhif: http://rsistancedespeuples.blogspot.com/2016/04/ahmed-nadhif-compte-rendu-de-lecture-du.html/, a été traduit de l’arabe par Habib Toubib.
Au cours de la saison du pèlerinage en 1973, Hassan El Houdhaybi, le guide suprême des Frères musulmans, se tenait accroupi à l’intérieur de sa grande tente érigée sur le mont Arafat quand entra un jeune tunisien à corps frêle et à barbe légère, il s’assoit auprès du guide pour lui faire le serment d’allégeance et de fidélité solennelles en son nom personnel et au nom de ses frères dans la mouvance (Jamaa) islamique tunisienne. Ce jour-là, la relation entre le mouvement islamique tunisien et la mouvance mère en Égypte commença à prendre sa forme officielle. Depuis lors, les accusations de « non-patriotisme » commencèrent à poursuivre ce mouvement malgré son refus permanent de reconnaître tout lien avec la confrérie, mais les faits réels prouvent le contraire.
Dans une deuxième tentative de suivre le parcours du mouvement islamique en Tunisie, l‘écrivain, Mondher Beldhiafi , dans son nouveau livre, « Ennahdha: la fugue du temple » pose une problématique bien que toute simple et claire est un peu déstabilisante en même temps: « est ce que la Ennahda pourra se désengager intellectuellement de la confrérie ? »
L’auteur a cherché le long des cinq chapitres du livre à répondre à cette question en prenant appui pour suivre ce chemin sur la liaison entre le mouvement tunisien et sa «mère» égyptienne d’avant 2011 ; l’année décisive et différentielle dans l’histoire de la région. En passant par les tentations du pouvoir et ses implications et ce qui s’en suivit comme échecs et bouleversements, qui ont fait évaporer tous les slogans prônés par le mouvement du temps où il était dans l’opposition. Et en arrivant jusqu ‘au jour de l’énorme tremblement provoqué par la Révolution du 30 Juin et l’isolement de Mohamed Morsi le Président des Frères musulmans et les conséquences de ce grand événement sur le mouvement islamique en Tunisie.
Dans plus d’un endroit l’auteur affirme que ce qui est arrivé en Egypte, ainsi que l’impulsion interne et la gestation que connait le mouvement depuis son retour en Tunisie et la reconstruction interne de l’organisation, ce sont autant de facteurs qui ont contribué à son développement, mais cette évolution n’a jamais coupé définitivement avec « Les Frères Musulmans » bien qu’une autonomie apparait ici et là dans certaines des positions , mais l’événement égyptien, a montré clairement, selon l’auteur, que le lien avec la confrérie – dans la pensée et l’idéologie- reste forte et influente, et même centralement déterminante dans la politique interne et externe du mouvement.
Il ne semble pas que Mondher Beldhiafi, serait très optimiste devant les thèses qu’on avance aujourd’hui et qui parlent d’une Ennahdha qui se dirige vers la » tunisification » coupant ses liens intellectuels et organisationnels avec les Frères musulmans dans la pensée et dans l’organisation. Mais en même temps, il ne perd pas complètement espoir de voir le mouvement avancer d’un pas dans ce sens, ce qui suppose, selon l’auteur, la rupture du mouvement avec les trois axiomes traditionnels des Frères Musulmans : — la prédominance de la réglementation centralisée et sa suprématie sur les idées, — la domination de la pensée traditionnelle toute proche du salafisme, avec absence de toute jurisprudence intellectuelle locale qui coupe avec les idées importées venant du centre de décision de la confrérie , même ce qui a été produit par les dirigeants d’Ennahdha tournait en totalité ou en partie autour de la «confrérie», pire encore le mouvement ne dispose d’aucune littérature, mise à part le document «vision intellectuelle et l’approche fondamentaliste» qui consacre les tendances d’un islamisme » takfiriste et réactionnaire, qui représente l’état d’esprit et les préférences de larges militants à la bases du mouvement ,— le troisième axiome est la domination du «Leader guide » du mouvement islamiste tunisien, tout comme la plupart des Frères musulmans et des groupes islamistes « non-confréristes » sont de nature « Patriarcale » ils sont fondés sur l’influence du «père / Sheikh » qui est le détenteur de l’argent, de l’organisation et des relations, une autorité dont les conseils et les idées du « Sheikh-patron » prennent l’allure d’instructions et de décisions d’orientation indiscutables .
L’auteur ne nie pas le rythme de l’évolution du mouvement mais il met l’accent sur la valeur de la vitesse de cette évolution « qui ressemble à la vitesse d’une tortue » il souligne que la volonté de procéder à l’autocritique des erreurs du passé et d’examiner la relation avec les Frères musulmans, en dépit de son existence, cette volonté reste faible et tributaire de la nature du contexte national et régional. Ici, il faut noter que tous les mouvements islamiques – les Frères musulmans ou les djihadistes – ne font de révisions que dans les années arides. Ces mouvements lorsqu’ils se trouvent confrontés à des situations avec un déséquilibre des forces en leur défaveur sur le plan politique et social, ils tentent de contourner leurs malheurs en scandant le drapeau blanc des « révisions » !
Les preuves de cette attitude sont nombreuses chez les groupes islamiques. En Libye, le Groupe islamique combattant est entré dans des révisions pendant deux ans dans les prisons, ces révision ont été supervisées par des symboles des Frères musulmans de la stature de Salabi et Qaradawi, ceci a conduit à l’élaboration d’un grand livre dans lequel le groupe Belhadj, a estimé que Kadhafi est un leader légitime dont l’obéissance est obligatoire, plus tard, et avec le déclenchement des événements du 17 Février Kadhafi (qui les a libéré de la prison) est devenu au tyran infidèle à abattre par la volonté d’Allah.
Au milieu des années quatre-vingt du siècle dernier, la Jamaa mère des Frères Musulmans en Égypte avait entrepris des révisions qui les ont conduits à entrer dans le Parlement égyptien en acceptant le «système jugé infidèle de la représentation démocratique» et ils ont travaillé côte à côte avec Moubarak et ils l’ont soutenu à plusieurs reprises, ainsi que le Groupe islamique égyptien à la suite de l’incident Luxor, mais ils se sont rétractés pour le considérer comme un système infidèle et ils se sont retourné à leurs vieilles habitudes dès qu’ils ont gagné un peu de vigueur.
La Ennahdha, dans le court et moyen terme, ne sortira pas du temple des Frères musulmans, pour plusieurs raisons, mais même si elle essayera de le faire elle ne tardera d’y revenir.
Ahmed Nadhif
Traduit de l’arabe par Habib Toubib
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