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23 décembre 2024

LIBYE : VERS LA FIN DU JOUG AMERICANO-SALAFISTE ?


Le Monde vu par nos auteurs

Que dis-je ! De venger le sang d’un innocent, Mouammar Kadhafi, que l’on réhabilitera sans doute dans quelques années comme l’on a tacitement réhabilité Saddam Hussein (la CIA nous a trompé, dixit Colin Powell) et comme le TPIY a disculpé, dans un silence médiatique monstrueux, Slobodan Milosevic dont le décès précoce relève du non-dit médical.

Des victimes de Srebrenica dont on n’a jamais retrouvé les cadavres pour la simple et heureuse raison qu’ils n’ont jamais existé à la fiole remplie de lessive agitée devant le Conseil de sécurité, la propagande anglo-saxonne n’a rien à envier à celle d’un Goebbels. Elle correspond aux dix principes de propagande de guerre déclinés par Anne Morelli et mis en exergue par le clown hideux du Système, Bernard Henri Lévy, dans son Serment de Tobrouk qu’on a osé présenter comme une réplique des raids de la 2ème DB de Leclerc par allusion à sa participation à la Guerre du désert en 1941-1943.

C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez, est-il dit dans Matthieu, 7:16. Nous ne voulions pas la guerre, Kadhafi était « l’affreux de service », notre cause a un caractère sacré, etc. Le résultat, nous l’avons sous nos yeux : noir, nauséabond et abyssal. Premier PIB d’Afrique jusqu’en 2011, la Libye est aujourd’hui un immense arsenal takfiriste que seuls quelques 300 km (j’arrondis à peine) séparent de Lampedousa si l’on passe par la mer. Beaucoup de mes amis moscovites ont leur datcha à la même distance. Et quand bien même, demain ou dans cinquante ans, on réhabiliterait discrètement le chef de la Jamahiriya, rien ne laverait le sang versé par l’OTAN. 200 bombes par jour, 6 mois durant. 60.000 Libyens tués parce que trois puissances ont décidé de contrôler le Croissant pétrolier de la région et que, même aujourd’hui, elles ont le plus grand mal à se partager le butin.

Mais la Libye, comme tout pays doté d’une vocation historique, tient à prendre sa revanche. Un mouvement de résistance pro-Kadhafi serait en passe de se former. Franck Pucciarelli est Coordinateur Europe chez CRI Comité Révolutionnaire International. S’étant rendu plusieurs fois en Libye, il a tissé des liens étroits avec les membres de la Jamahiriya. Voici la première partie de l’interview qu’il a eu l’amabilité de nous accorder.

Françoise Compoint. En parlant de la montée en puissance de la Jamahiriya libyenne, il faudrait d’abord comprendre pourquoi son Père spirituel, le « Guide de la Révolution », Mouammar Kadhafi, a été lynché. Qui a commandité son lynchage sordide ? Pourquoi ? Une seule puissance est impliquée ? Plusieurs ? S’il y en a plusieurs, est-ce que leurs intérêts divergeaient ?

Franck Pucciarelli. « L’assassinat du Colonel Kadhafi a été sans aucun doute commandité par Nicolas Sarkozy, cela pour plusieurs raisons :

  • Faire taire le guide de la révolution libyenne concernant le financement de la campagne de Sarkozy, car il y a eu financement (voir l’enquête sur l’argent libyen de Sarkozy publiée par Mediapart le 26 septembre 2016, NdlR) ;

  • Empêcher le père fondateur de U.A. de lancer le Fond Monétaire Africain qui allait doter l’Union africaine d’une réelle indépendance économique, et qui sonnait la mort du Franc CFA en Afrique ainsi que l’hégémonie des entreprises française pillant le continent ;

  • Supprimer Kadhafi fut aussi le moyen de stopper la résistance libyenne qui était plus importante que l’on ne tenait à nous le montrer. En effet, le Croissant pétrolier restait encore, avant la mort de Kadhafi, aux mains des forces loyales à la Jamahiriya. Idem pour la région de Zawiya où se trouve la raffinerie de Gaz gérée par ENI ;

  • Permettre à Sarkozy de pouvoir récupérer l’or noir libyen suite à différents accords avec le CNT de l’époque.

Ces raisons suffisaient à supprimer Mouammar Kadhafi, ce que Sarkozy a fait en donnant l’ordre au COS français (militaires du Commandement des opérations spéciales, NdlR) de l’abattre.

Il est évident que Sarkozy fut soutenu par l’Etat profond US pour envahir la Libye puisque Kadhafi a toujours été l’ennemi de l’impérialisme américain et de ses ‘profiteurs’ au Moyen-OrientF.C. On parle d’héritage de la Jamahiriya. Comment définir cet héritage ?

F.P. La rente pétrolière allait directement au peuple. Le Libyen ne payait pas son logement, il lui était offert lors du mariage par l’Etat. La nourriture était pratiquement subventionnée dans son intégralité. Les soins et l’éducation étaient gratuits, les prêts était à taux zéro, le pays n’avait pas de dettes. A l’époque de la Jamahiriya, le FMI et la Banque mondiale n’avaient pas lieu d’exister. Les avoirs de la Libye s’élevaient à 500 milliards de Dollars. La Libye était riche et elle faisait peur non seulement aux monarchies du Golfe mais aussi à l’oligarchie financière mondiale. Voilà encore une raison, fondamentale, pour laquelle elle est occupée depuis 2011.

Le quotidien actuel des Libyens, c’est l’insécurité, le kidnapping, le raquette par les milices takfiristes, une inflation record sur les biens de consommation, des coupures d’électricités pendant des heures. 260 000 enfants libyens ne sont pas scolarisés, (rapport de l’ONU) 1400 écoles servent de casernes pour les terroristes takfiristes et de camp d’attente pour des centaines de milliers de migrants économiques qui attendent leur passage en Europe.

Il y a toujours 3 millions de Libyens exilés depuis 2011 pour qui tout retour est impossible, car ils n’ont pas reconnu le coup d’Etat orchestré par l’OTAN de 2011.

Il est évident que les Libyens savent ce qu’ils ont perdu avec la mort de Mouammar Kadhafi. Le chaos ambiant qui règne en Libye ne peut que nous conforter dans l’idée que le retour de la Jamahiriya est proche.

F.C. La bataille de Syrthe, ville natale de Kadhafi, a débuté en mai 2016. Elle a vu s’opposer 2 principaux protagonistes : la GNA (gouvernement libyen d’unité nationale) et Hafter, l’homme du ministère de la Défense FR et de Washington. Le crêpage de chignon de la GNA avec Hafter a montré – une fois de plus – que la Libye a été détruite pour le partage du pétrole, surabondant dans cette région. Pourriez-vous apporter quelques précisions ?

F.P. Oui et cette bataille en est un bel exemple. En effet, Misratta est tombé dans un piège tendu par les USA et la Grande Bretagne. En s’engageant dans la prise de Syrthe, le GNA (et donc Misratta) a subi de grosses pertes: plus de 500 morts et 3500 blessés malgré le soutien aérien des Américains et des Britanniques tous confondus. L’enlisement de Misratta à Syrthe a permis aux Américains de prendre le contrôle du Croissant pétrolier en y envoyant son agent, le maréchal Hafter et, de facto, de forcer le GNA a renégocier les contrats de pétrole qui allaient à la faveur de la Turquie, du Qatar, mais aussi d’Israël. La France, bonne dernière, a rejoint le camp Hafter tardivement, et devra se contenter des miettes laissées par les Américains à moins que l’objectif de Monsieur Le Drian, ministre VRP français de l’industrie militaire privée (Thales et Dassault), est de prétendre à la vente de futurs Rafales ou missiles Milan à Hafter.

F.C. Quelle appréciation donneriez-vous à la tendance pro-Kadhafi dans la population ? Y a-t-il unanimité ?

F.P. S’il y avait des élections réellement démocratiques en Libye, Saif al islam Kadhafi serait porté au pouvoir par une écrasante majorité.

Les seules grandes manifestations populaires qui ont eu lieu en Libye en 2011 étaient pro-Kadhafi, pro-Jamahiriya. Le 1er juillet 2011, à Tripoli, 1.500.000 Libyens sont sortis pour montrer leur attachement et leur soutien au Colonel. Ce fut aussi le cas de plusieurs villes libyennes, à savoir, Zawiya, Zliten, Al Azaziya.

Le peuple dans sa majorité soutenait Kadhafi. C’est d’autant plus vrai ces 5 dernières années de chaos marquées par le pillage des Occidentaux, et des pays du Golfe, des ressources libyennes. Ceux qui en 2011 ont cru au triomphe de la démocratie parlementaire sont tombés de très haut et regrettent les bienfaits de la démocratie directe. Le GNA ou le parlement de Tobrouk a été élu avec le vote de 10% de Libyens en 2014, car il y a une loi d’exclusion en Libye qui interdit aux anciens fonctionnaires de la Jamahiriya de se présenter aux élections et de voter. Cet interdit concerne également les membres de leur famille. Or, ces derniers étaient 2 millions sous la Jamahiriya, sans compter les exilés libyens qui sont abandonnés à leur sort par les autorités libyennes, et l’ONU qui refuse depuis 2011 de leur accorder le statut d’exilés. Quoi qu’il en soit, les Libyens savent que ces traîtres collaborent avec les colonisateurs et qu’ils ne représentent en rien la souveraineté du peuple. De vraies élections libres en Libye qui autoriseraient le vote des exilés libyens accorderaient à Saif al Islam, comme minimum, 80 % de suffrages.

Malgré une loi proscrivant tout rassemblement pro-Kadhafi en Libye, des manifestations populaires ont lieu régulièrement dans le Sud libyen, à Sebha, Gaht, Ubari, Brak El Shati, mais aussi à Bani walid, Soukra, Zliten, Bengahzi et même à Misratta. Dernièrement, on pouvait y voir le drapeau vert libyen, et les portraits de Kadhafi, mais aussi entendre : « Allah O Mouammar O Libya O bass » (Alla, Mouammar, la Libye, et c’est tout) ce qui est une revendication claire et nette du retour de Saif Al Islam Kadhafi, le seul à pouvoir porter sur ses épaules l’héritage de son père, et libérer aussi la Jamahiriya colonisée depuis 2011 ».

Note de la rédaction. Libération est loin d’être ma tasse de thé – et c’est encore peu dire ! – mais parfois, les analyses qu’on retrouve sur ses pages peuvent engager une réflexion a contrario intéressante. Interrogé par Célian Macé, Ali Bensaad y fait le point sur la conjoncture libyenne et il le fait après avoir passé deux semaines sur le terrain. Trois de ses constats me semblent symptômatiques :

  • La population éprouve un sentiment de déception vis-à-vis du Premier ministre libyen soutenu par la communauté internationale, MAIS sa personnalité reste un facteur de stabilité ;

  • L’EI n’a aucun avenir en Libye, MAIS les gens d’Aqmi (outre les « groupes extrémistes de l’Est ») pullulent dans l’Est du pays. Ils ont une grande expérience du désert ;

  • La misère est ambiante. Il y a peu de raffineries (donc pénurie d’essence), les sites pétroliers sont disputés entre les gens d’Haftar et les forces du dit gouvernement d’ « union nationale ».

Ali Bensaad termine son discours sur une note optimiste. Selon lui, une partition du pays est impensable. Tant mieux ! Cet article dont la conclusion est assez peu compatible avec les faits contradictoires qui y sont énumérés ne tient pas compte de la renaissance latente de la Jamahiriya. Pourtant, si l’on mise sur une logique de continuité historique, de démocratie directe (elle qui est tant prisée de la communauté internationale !) une cure de désintoxication s’impose sur-le-champ. Le constat est médical et sans concession : dans la mesure où le pronostic vital de la Libye reste engagé depuis cinq longues années, dans la mesure où l’Histoire a démontré que jamais l’occupation d’un pays n’a conduit à sa libération, enfin, dans la mesure où le prix du pillage du pétrole libyen est la sécurité de l’Europe qui en plus doit céder une grosse part du butin aux USA, la Libye doit être rendue aux descendants et aux successeurs de ceux qui en avaient la gestion (ou plutôt, la Garde) jusqu’à ce qu’un coup d’Etat grossier n’intervienne. Si les USA, pour des raisons évidentes, s’en moquent éperdument, l’Europe doit, quant à elle, faire son choix au plus vite.

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