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15 novembre 2024

Sur la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies


Finkelstein sur la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies.



« Durant un vote retentissant à l’ONU, Obama a changé sa politique sur les colonies israéliennes, les considérant comme un crime de guerre »
Norman Finkelstein



Par Philip Weiss – Le 4 janvier 2017 – Source normanfinkelstein.com

normanfinkelstein.com
In ‘breathtaking’ UN vote, Obama changed his policy on Israeli settlements, making them a war crime – Finkelstein Philip Weiss on January 4, 2017 Over New Year’s, I had two phone conversations with Norman Finkelstein about the historic UN Security Council Resolution 2334 of December 23, which labeled Israeli settlements a flagrant violation of international law. The transcript is slightly shortened.   Q. Tell me your thoughts on the resolution. First of all, speaking strictly on the text of the resolution Read More

Image                        associéeNorman FinkelsteinDurant les fêtes de fin d’année, j’ai eu deux conversations téléphoniques avec Norman Finkelstein au sujet de la résolution historique 2334 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 23 décembre, qui qualifiait les colonies israéliennes de violations flagrantes du droit international. La transcription est légèrement raccourcie.

Traduit par Sayed Hasan

Philip Weiss : – Dites-moi ce que vous pensez de la résolution.


Norman Finkelstein
: – Tout d’abord, en parlant strictement du texte de la résolution et non de sa résonance ou de son importance politiques (sur lesquelles je vais revenir), c’est une assez bonne résolution et nous devrions être clairs à ce sujet. Et textuellement, je la compterais comme une victoire. Pour les raisons suivantes.

Premièrement, le texte commence par réaffirmer explicitement le principe de « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force ». C’est un fait important pour la raison suivante. Lorsque cette déclaration a été inscrite dans le préambule de la résolution 242 des Nations Unies [en novembre 1967], Israël a farouchement protesté contre l’inclusion de ce principe, reconnaissant qu’il anticipait une révision territoriale, ce qui signifiait qu’Israël allait devoir rendre chaque pouce de territoire acquis par la force. Israël a plus tard obtenu une sorte de compensation avec la suppression de l’article défini « les » devant « territoires » dans le texte de la résolution [la phrase « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés dans le récent conflit » est devenue « retrait des forces armées israéliennes de territoires occupés dans le récent conflit »]. Israël a réussi à déplacer tout le débat pendant plusieurs décennies, en se concentrant exclusivement sur la suppression de l’article défini. Et ce sont les États arabes qui ont toujours insisté sur le fait qu’il fallait également considérer le préambule qui établissait l’inadmissibilité de l’acquisition du territoire par la force.
L’argument avancé par Israël était que le paragraphe du préambule qui faisait référence à l’inadmissibilité de l’acquisition du territoire par la force n’était pas aussi important que le paragraphe contraignant [« le retrait des forces armées israéliennes de territoires… »]. Dans cette nouvelle résolution, est déclarée, conformément au droit international, « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force », et c’est donc une forte réaffirmation de ce principe. Celle-ci vient directement en tête de la résolution 2334. Fait intéressant, elle n’est même pas balancée comme l’était la résolution 242 originelle. La résolution 242 comporte deux déclarations en préambule. L’une concernait l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force, et l’autre le droit des États de vivre en paix avec leurs voisins. Cela a été concédé pour Israël. Ils ne l’ont pas mentionné cette fois-ci. Ils ont simplement mentionné la clause d’inadmissibilité.
Ce texte est important pour une autre raison. [L’ambassadeur israélien] Ron Dermer a proclamé partout que « nous savons qui a rédigé cette résolution, cette résolution a clairement été écrite par un État occidental », justifiant la remarque [du Premier ministre israélien] Netanyahou selon laquelle tout cela aurait été concocté par les États-Unis. Ce n’est clairement pas le cas. Les États-Unis ne partent pas de la clause d’inadmissibilité. Comme l’indique clairement le discours de John Kerry, il considère déjà que tout le territoire du côté Est du mur appartient à Israël, ce qui contredit manifestement la clause d’inadmissibilité. Ce n’était donc pas une résolution occidentale. Ce qui est occidental dans la résolution est la partie sur le terrorisme, l’os jeté aux États-Unis pour les amener à s’abstenir.
Le quatrième paragraphe est également très fort parce qu’il condamne non seulement « toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est », et il mentionne également explicitement les colonies [« y compris… la construction et l’expansion de colonies, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la démolition de maisons et le déplacement de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions concernées »]. C’était important parce que c’était le nœud de discorde dans l’accord d’Oslo. L’accord d’Oslo stipulait que vous ne pouviez pas modifier le caractère démographique mais il ne mentionnait pas explicitement la construction de nouvelles colonies.
Donc en termes légaux, c’est clairement une amélioration par rapport à l’accord d’Oslo. Vous vous souvenez peut-être qu’à l’époque, des gens comme Haider Abdel-Shafi ont refusé de soutenir Oslo parce que cet accord ne disait rien au sujet des colonies. Ici, vous n’avez pas seulement le fait d’ « altérer la composition démographique, le caractère et le statut » [de la Palestine], mais aussi la construction et l’expansion de colonies. C’est donc selon moi une victoire importante.
La troisième raison pour laquelle cette résolution est une victoire est qu’elle déclare : « Réitérant sa vision d’une région où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte en paix, dans des frontières sûres et reconnues ». C’est aussi d’une très grande importance car dans son discours, Kerry a parlé d’un État juif et d’un État arabe. Ce qui est techniquement correct parce que c’est ce que la résolution 181 de l’ONU disait – la résolution de partition originale en 1947. Mais la résolution 2334 était différente. Il s’agit de deux États démocratiques, Israël et la Palestine. Donc, cette résolution a été très prudente, veillant à ne pas donner de cachet d’approbation à un État juif, bien que John Kerry l’ait fait. C’était aussi une grande victoire.
De fait, ce sont là des choses que Kerry et Samantha Power ont pris grand soin d’ignorer. Kerry a affirmé qu’il n’y avait là aucune politique qui contredise la politique américaine. Mais cela contredit bien évidemment la politique américaine, la politique actuelle des États-Unis, et Kerry a menti à ce sujet. Kerry a dit que la politique américaine a de longue date soutenu Israël en tant qu’État juif. C’est complètement faux. Cela n’a même jamais été évoqué. Lors des négociations d’Annapolis, la déclaration exceptionnelle du côté israélien était le plan Olmert, qu’il a présenté en privé à Abbas. Si vous regardez le texte, il n’y avait aucune mention de la reconnaissance d’un État juif. C’est tout nouveau, c’est apparu avec Netanyahou. Donc quand dans son discours, Kerry essaie de justifier le fait d’appeler Israël un État juif en se basant sur la politique américaine de longue date, ce n’est tout simplement pas vrai.
La déclaration de Samantha Power selon laquelle le fait de considérer les colonies comme illégales était une politique américaine de longue date est également complètement fausse. C’était une politique de longue date jusqu’à ce qu’Obama arrive au pouvoir. Ils ont ensuite transformé le terme « illégales » en   « gênantes ». Le fait qu’elles étaient considérées illégales est très précisément ce que la politique des États-Unis a nié durant les 8 dernières années. Durant les conférences de presse, on leur a demandé plusieurs fois de but en blanc si elles étaient illégales. Ils répondaient : « Nous les considérons gênantes ». C’est donc quelque chose de nouveau.
Il est intéressant de noter que j’ai été surpris en lisant que cette résolution « Réaffirme que l’établissement par Israël de colonies dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucune validité juridique et constitue une violation flagrante du droit international. »
En recourant à ce vocabulaire, ils considèrent les colonies comme un crime de guerre. S’ils avaient seulement dit qu’il s’agissait d’une violation du droit international, cela ne constituerait pas nécessairement un crime de guerre. Pour constituer un crime de guerre, elles doivent être qualifiées de violation grave ou flagrante du droit international.
Cela aussi était nouveau – ou plutôt, ce qui est nouveau, c’est que les États-Unis l’ont enfin reconnu, ce qu’ils dénient obstinément en prétendant que c’est une politique américaine de longue date. Ce n’est absolument pas le cas. Ils ne considéraient même pas les colonies comme illégales sous Obama.
Et il est vrai, étonnamment, qu’ils ont recouru au vocabulaire international standard et ont inclus Jérusalem comme territoire occupé. Il est vrai que c’est une politique de longue date, mais cela ne faisait certainement pas partie de la politique américaine au cours des 8 dernières années.
Le cœur de la résolution est les colonies. Nous ne devrions pas vilipender, à mon avis, le fait qu’elle fasse référence aux actes de terreur et d’incitation aux paragraphes 6 et 7. Ils ont simplement donné cela aux États-Unis pour leur permettre de s’abstenir en sauvant la face, afin que Kerry puisse essayer de justifier l’abstention. La résolution de 2011 [à laquelle les États-Unis avaient opposé leur veto] ne comportait pas ces paragraphes. Il s’agissait évidemment de permettre aux États-Unis de sauver la face.
Donc dans l’ensemble, textuellement – je ne parle pas des ramifications politiques –, textuellement, c’était une bonne résolution, et elle était très distincte de ce que Kerry disait dans son discours : Kerry qui parlait d’Etats juif et arabe, Kerry qui parlait d’échanges de territoires, et ne cessait de distinguer les territoires des côtés Est et Ouest de ce qu’ils appellent la barrière de séparation.
Il faut être très reconnaissant pour le fait que l’administration Obama n’appuie pas le vote d’une nouvelle résolution de l’ONU qui viserait à inscrire les paramètres de Kerry dans une résolution. Nous ne voulons pas d’une telle chose. Il vaut bien mieux n’avoir que cette résolution 2334.
En ce qui concerne le discours de Samantha Power, elle a dit : « Aujourd’hui, le Conseil de sécurité a réaffirmé son consensus établi selon lequel les colonies n’ont aucune validité juridique. »
Eh bien, c’est exactement ce qu’ils ne disaient pas depuis huit ans. Ils disaient qu’elles étaient gênantes. Ils ont refusé de recourir au vocable de la validité juridique. C’est pourquoi je ne crois pas que c’était une résolution occidentale. Le vocabulaire utilisé dans cette résolution a été le langage constant des Nations Unies depuis au moins 1967 et ils n’allaient certes pas le remettre en question. Dans le cadre de l’ONU, il n’y a pas la moindre possibilité qu’on commence à utiliser des mots comme « gênantes ». C’est vraiment un point très important. C’est le langage d’une maîtresse d’école. « Johnny, quand tu jettes du papier à Sally pendant l’heure du déjeuner, c’est gênant. Il serait temps d’arrêter ! » Quel genre de langage est-ce là ? C’est vraiment infantile.
Le langage que l’administration Obama a développé est antithétique à la nature entière de l’ONU et du droit international. Il est extrêmement important de comprendre ce que les États-Unis ont fait. Les États-Unis savent ce qu’est la loi et ils redoutent la loi, et ils ont donc inventé et conjuré un langage qui échappe à ce que dit la loi. C’est pourquoi ils disent « gênantes ».
Ensuite, si vous lisez attentivement le discours de Kerry, il ne cesse de dire qu’une résolution doit être basée sur les « besoins » respectifs des deux parties. Si vous entrez le mot « besoins » dans une barre de recherche pour le discours de Kerry, vous verrez qu’il revient encore et encore et encore. Il est absolument essentiel de savoir ce qui se passe. La résolution devrait être fondée sur la loi. Mais ils savent très bien que si vous vous basez sur la loi, Israël perd sur tous les points et les Palestiniens gagnent sur tous les points. Jérusalem, comme l’indique clairement cette résolution, Jérusalem-Est appartient aux Palestiniens. Les colonies constituent un crime de guerre selon le droit international. Les frontières : toute la Cisjordanie et Gaza sont un territoire palestinien. Les réfugiés : la loi impose le droit de retour ou à une compensation basée sur la résolution 194. Ils savent qu’en se basant sur la loi, Israël perd sur tous les points.
Ils ont essayé de déplacer ou de restructurer le langage, et ils parlent maintenant de « besoins ». Comment une résolution peut-elle être fondée sur les besoins ? Si Israël dit : « Nous avons besoin de Jérusalem-Est », et que les Palestiniens disent « Nous avons besoin de Jérusalem-Est », comment pouvez-vous arbitrer sur la base des besoins ? Vous ne pouvez arbitrer que sur la base de la loi. Israël peut penser qu’il en a besoin, mais la loi dit qu’il ne l’aura pas.
Donc toute cette refonte du conflit en termes de « besoins » et de choses « gênantes » ou non est une tentative délibérée d’éluder la loi. Vous riez, mais il y a une méthode derrière l’infantilisme du vocabulaire. C’est pour échapper à ce qu’impose la loi.

Philip Weiss : – Donc Netanyahou a-t-il raison de considérer que les États-Unis se retournent contre lui ? 

Norman Finkelstein : – Je pense que Netanyahou a raison de dire que la résolution n’est pas cohérente avec la politique américaine récente. Je pense que c’est exact. L’abstention d’Obama ne s’est pas conformée à la politique américaine récente, qui atténue clairement, voire ignore complètement le fait que Jérusalem-Est est un territoire palestinien occupé, point final. C’est ce que chaque résolution réaffirme et c’est la loi.

Deuxièmement, l’administration Obama a très clairement occulté le fait que les colonies sont illégales et constituent même un crime de guerre en utilisant un langage tel que les colonies sont « gênantes ». Donc Netanyahou a raison de souligner que cela n’est pas conforme à la politique américaine, au moins pour les huit dernières années.

C’est également vrai de dire que Kerry ment quand il dit des choses comme « La politique consistant à soutenir un État juif a été la politique américaine de longue date ». C’est un gros mensonge. Cela n’a jamais été évoqué, la question n’a jamais été soulevée, jusqu’à ce que Netanyahou le fasse pour des raisons transparentes, parce qu’il savait qu’il n’obtiendrait jamais une reconnaissance de ça par les Palestiniens.

Personnellement, j’ai l’impression que la formule utilisée par Kerry dans son discours n’était pas un désastre. Il a utilisé la formulation « deux États pour deux peuples, un juif et un arabe, avec une reconnaissance mutuelle et des droits pleinement égaux pour tous leurs citoyens respectifs ». On pourrait dire que les deux propositions sont incohérentes : comment pourrait-il à la fois s’agir d’un État juif, et que tous les citoyens arabes y jouissent des pleins droits ? C’est la formule de [l’ancien ambassadeur] Dan Kurtzer, et il est clair que Kerry se l’est appropriée. À mon avis, c’est une formulation qui est pleine de tensions, de contradictions et de points de friction, mais tant que vous incluez cette deuxième clause de rééquilibre, ce n’est pas un désastre. Cela remonte évidemment à la résolution 181 de l’ONU [la résolution de partition de 1947], qui a appelé à un État juif et à un État arabe, puis comportait toutes ces dispositions selon lesquelles il devait y avoir l’égalité absolue des droits dans les deux États. Kerry a veillé attentivement à inclure la clause d’équilibrage. Tous les Arabes d’Israël doivent jouir de droits égaux en tant que citoyens. Mais il faut reconnaître que la formulation de Kerry est distincte de la résolution de l’ONU, qui ne parle que de deux États démocratiques, Israël et un État palestinien [« Réitérant sa vision d’une région où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues »]. Je préfère la résolution de l’ONU, je pense que c’est la loi. Mais d’un autre côté, je pense que la formulation de Kerry – qu’il s’est appropriée de Kurtzer – n’est pas un désastre. Je pense qu’il l’a dit deux fois, qu’il doit y avoir de pleins droits égaux pour tous les citoyens arabes d’Israël. Ce qui, venant des États-Unis, est une grande concession. Obama aurait dit « un État juif et un État arabe », il n’a jamais abordé la nature démocratique des États.

Kerry a ce que vous pourriez appeler un motif rationnel, national à la promotion de la solution à deux États, en termes d’intérêt national, et, ce qui est intéressant, cela vient à la toute fin de son discours. Quand Kerry dit :

« Avec la paix israélo-palestinienne, Israël, les États-Unis, la Jordanie et l’Égypte – avec les pays du Conseil de Coopération du Golfe – seraient tout à fait prêts à définir un nouveau partenariat de sécurité pour la région qui serait absolument révolutionnaire. »

Puis il dit un peu plus loin :

« En attendant, les défis sécuritaires pourraient être résolus par un accord de sécurité entièrement nouveau, dans lequel Israël coopèrerait ouvertement avec les principaux États arabes. »

Ainsi, Kerry reconnaît que même si les Saoudiens coopèrent déjà avec Israël en coulisses, afin d’en faire un accord ouvert et plus efficace, ils doivent résoudre ce conflit israélo-palestinien, qui constitue un obstacle à la collaboration ouverte entre Israël et les Saoudiens. Donc quand il prononce ce discours, il le fait aussi en direction des Saoudiens, et il doit inclure quelque chose sur l’égalité des droits des Arabes en Israël, parce qu’ils ne vont pas accepter et ne peuvent pas vraiment accepter un « État juif » dans cette seule formule.

C’était intéressant, parce que si vous regardez le gros titre d’Haaretz aujourd’hui, selon lequel les États arabes ont approuvé le discours de Kerry, Barak Ravid insiste largement là-dessus, disant « Ils ont approuvé la clause de l’État juif ». Je présume que c’est ce que voulait Kerry, et pour l’obtenir, il a dû inclure cette clause d’équilibrage sur les droits pleins et égaux pour les Arabes d’Israël.

Mais autrement, il n’y a pas d’intérêt national des États-Unis à essayer de résoudre le conflit. Si vous regardez le discours de Kerry, il n’a cessé de mentionner le fait que les États-Unis ont un intérêt à cela. Mais ses arguments sont assez faibles. Il demande « Pourquoi suis-je impliqué, pourquoi ai-je travaillé sur ce dossier avec tant d’énergie ? » :

Pour une raison simple : parce que la solution à deux États est le seul moyen de parvenir à une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens.

D’accord, mais cela n’a rien à voir avec les États-Unis.

C’est la seule façon d’assurer l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique, vivant en paix et en sécurité avec ses voisins.

Cela n’a rien à voir avec les États-Unis.

C’est la seule façon d’assurer un avenir de liberté et de dignité au peuple palestinien.

Quand les États-Unis se sont-ils souciés de cela ?

Et c’est un moyen important de favoriser les intérêts des États-Unis dans la région.

Le seul intérêt perceptible est que face à l’Iran, les États-Unis ont besoin d’une collaboration franche et ouverte entre Israël et les Saoudiens. C’est ce que j’en retiens. Je pense toujours que c’est un intérêt national relativement faible, mais ça reste un intérêt national. Le discours a été en partie conçu pour que les [États] Arabes s’embarquent sur son plan de paix.

Philip Weiss : – Mon point de vue est le point de vue conventionnel exprimé par [le Secrétaire général de la Défense nominé par Trump, le Général des Marines James] « Mad Dog » Mattis, à savoir que nous payons un prix dans tout le Moyen-Orient pour notre soutien envers Israël. Un mot anglais que tous les Arabes connaissent est « justice », comme je l’ai découvert quand j’ai pris un taxi à Damas il y a 10 ans, et ils ne considèrent pas notre politique comme juste. Oussama Ben Laden a largement fait référence à la cause palestinienne. Pourquoi tout cela, contenu implicitement dans le discours de Kerry sur la paix au Proche-Orient, n’est-il pas considéré comme un intérêt américain ?

Norman Finkelstein : – Il faudrait une longue discussion pour répondre à cela. On peut avoir ce que vous pourriez appeler un intérêt national théorique, abstrait, général. Mais vous avez aussi un intérêt national qui s’impose à une administration qui, dans le cas des États-Unis, est bombardée de crises chaque jour. C’est la nature d’une superpuissance. La question est celle-ci : Qu’est-ce que vous mettez à votre ordre du jour ? Le cas de Jimmy Carter lorsqu’il a négocié l’accord de Camp David en 1978 – il y avait là un intérêt très pressant. L’intérêt était qu’Israël occupait un territoire, et que Sadate était déterminé à récupérer sa terre (le Sinaï). Il y avait un énorme mécontentement dans le monde arabo-musulman à l’époque parce que les États-Unis soutenaient Israël qui occupait des terres arabes, et l’Union soviétique capitalisait sur ce mécontentement. Et il y avait des régimes au Moyen-Orient qui sympathisaient avec l’Union soviétique. Il y avait tout un nombre de facteurs qui pesaient si dur sur les États-Unis que Carter a décidé d’en faire son principal point à l’ordre du jour lorsqu’il est entré en fonction, pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Et je dois dire que j’ai lu récemment les deux volumes d’archives américaines consacrés à Camp David. Il s’agit d’environ 3 000 pages. Carter était incroyable. Il était tout simplement extraordinairement intelligent, pointu et engagé. Je lui tire mon chapeau. Carter a clairement établi que cela n’avait rien à voir avec les droits de l’homme, mais avec l’intérêt national des États-Unis. Et il y a investi énormément de temps. Parce qu’il y avait un intérêt pressant, le pétrole, et que la région était en effervescence en raison de cette occupation.

Comparez cela avec les années Obama, où il n’y a qu’un vague problème persistant causé par le conflit israélo-palestinien. Le fait est, et je pense que vous serez d’accord, que depuis le 11 septembre, certainement durant les 8 dernières années, à cause de ce qui s’est passé avec le printemps arabe, la désintégration de l’Irak, le Bahreïn et l’Afghanistan, la question palestinienne n’était pas une question urgente. Donc je pense que Netanyahou avait tout à fait raison quand il a dit que toute cette question palestinienne était morte. Certes, elle a été nettement reléguée par les événements en Syrie. Laissant de côté la Libye, le Yémen et d’autres endroits, il a demandé : « Pourquoi diable faites-vous ça maintenant, quel est le but ? »

Philip Weiss : – Comment répondez-vous à cela ?

Norman Finkelstein : – Ma réponse est simple. Obama le fait parce c’est quelqu’un de narcissique, extrêmement susceptible aux critiques et aux insultes, et il veut rendre à Netanyahou la monnaie de sa pièce pour ce qu’il a fait non seulement pendant les négociations sur le dossier iranien – quand le racisme était transparent, la manière raciste avec laquelle Netanyahou se conduisait avec Obama. Obama n’a pas supporté cela et il a certainement la patience de Job ; il attendait l’occasion et elle s’est présentée à la fin de sa présidence. Je pense que c’est un facteur. C’est le facteur de susceptibilité.

Le facteur narcissique est que le bilan d’Obama sur Israël et la Palestine est horrible. Les pires massacres de l’histoire du conflit depuis 1982 et l’invasion du Liban – les massacres les plus graves et les plus flagrants ont eu lieu sous son mandat. L’opération Plomb Durci commence le 27 décembre [2008]. Il n’a pas dit un mot alors qu’il était déjà le Président élu. L’opération Plomb Durci se termine le 18 janvier, parce qu’Obama fait signe à Israël : « Je ne veux pas que l’attention soit détournée de mon investiture. Donc vous feriez mieux de mettre fin à l’opération maintenant. » Elle se termine le 18. Il est investi le 20. L’opération Bordure Protectrice, en 2014, n’aurait pas pu se produire sans Obama. Et tout au long de l’opération, Obama ne cesse de répéter qu’Israël a le droit de se défendre, Israël a le droit à l’autodéfense. Il ne l’a finalement condamné qu’après que même Ban Ki-Moon ait condamné le bombardement israélien, pour la septième fois, de l’école de l’UNRWA convertie en refuge – quand il a été abandonné par le monde entier, y compris sa marionnette comateuse, Ban Ki-Moon.

Son bilan sur Israël et la Palestine était une abomination. En fait, c’était drôle de voir Samantha Power et Kerry s’en vanter. Ils ont répété maintes et maintes fois que c’était la première fois dans toute l’histoire moderne du conflit qu’aucune résolution du Conseil de sécurité de l’ONU hostile à Israël ou opposée par Israël n’avait été adoptée au cours d’une présidence américaine. Pas une seule. Et ils se sont vantés de cela encore et encore pour montrer combien ils soutenaient Israël. C’était un reflet de la servilité rampante de leur soutien à Israël. Je sais que cela semble mesquin, mais la politique est aussi mesquine. Et Obama a voulu pouvoir mettre quelque chose de rédempteur dans ses mémoires sur le conflit israélo-palestinien, alors il a accepté de s’abstenir sur la résolution.

Philip Weiss : – Et même s’il le fait pour la pire des raisons, on s’en moque, non ?

Norman Finkelstein : – J’ai dit que je pensais que c’était une bonne résolution. La question est de savoir ce que vous en faites. Il y a eu littéralement des dizaines de résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU, ainsi que d’avis de la Cour internationale de Justice [CIJ] condamnant les colonies comme illégales. Je suis d’accord – si vous considérez strictement le texte, c’est une bonne résolution et je suis heureux qu’elle ait été adoptée. En termes de potentiel politique, ce qui est un autre sujet, elle ne vaut pas grand-chose, et Obama ne l’a pas fait pour des raisons politiques, il l’a fait pour des raisons mesquines, narcissiques et personnelles. Nous devons être clairs : même si sa genèse est le narcissisme, c’est toujours une bonne résolution. Je ne vais pas contester cela.

Quant à savoir pourquoi Kerry a prononcé son discours, c’était très clair pour moi. Parce que Kerry a consacré neuf mois – nous avons déjà oublié l’initiative Kerry, mais il a consacré neuf mois à ces pourparlers et si vous vous souvenez de sa première conférence de presse après l’échec des négociations, et après qu’Israël ait annoncé, qu’ils allaient construire de nouvelles colonies, souvenez-vous qu’il a dit que les pourparlers étaient terminés. Il est donc fâché d’avoir gaspillé autant de temps et d’énergie dans une initiative à laquelle il a attaché sa propre personne et sa réputation, et qui n’a mené à rien à cause des Israéliens.

Philip Weiss : – Croyons les gens sur parole une seconde. Pourquoi ne pas considérer qu’une partie de leur motivation, indépendamment de leur ego personnel et de l’héritage qu’ils veulent laisser, est qu’ils voient la solution à deux États, que vous soutenez, comme se trouvant sur son lit de mort, et qu’ils veulent envoyer un signal d’alarme au monde ?

Norman Finkelstein : – Ce n’est pas comme s’ils n’avaient pas pu le faire il y a des mois, au moment où ils auraient vraiment pu faire quelque chose de politiquement efficace pour pousser les événements dans un autre sens. Ils ne peuvent pas sérieusement vouloir avoir un impact politique durant leurs deux dernières semaines et demie au pouvoir. Cornel West a dit la semaine dernière, j’ai oublié dans quel contexte, qu’Obama est très bon pour les gestes symboliques. Il ne s’agit que de symbolisme. Ce n’est pas de la politique.

Philip Weiss : – Mais comme Cornel West l’a observé l’été dernier, Hillary Clinton ne voulait pas qu’Obama fasse quoi que ce soit sur cette question.

Norman Finkelstein : –  je suis entièrement d’accord avec cela. Si Schumer avait été le chef de la majorité au Sénat et qu’Hillary avait été élue, ils auraient enterré cette résolution. Bien sûr qu’ils l’auraient enterrée. Je n’en doute pas.

Tout cela est tellement ridicule. Ils prétendent que la résolution n’a rien à voir avec les États-Unis. Elle venait du côté adverse ; il n’y avait pas d’initiative américaine. La (véritable) question n’a jamais porté sur l’origine de l’initiative, la question était de savoir si les États-Unis allaient la saboter, si les États-Unis allaient l’arrêter, et le fait est que les États-Unis ne l’ont pas sabotée. Hillary Clinton était très fière d’avoir saboté le rapport Goldstone. La question n’est donc pas de savoir si les États-Unis étaient à l’origine de cette initiative. La question est pourquoi cette fois-ci, ils ne l’ont pas sabotée. Pourquoi est-ce que cette fois-ci, ils n’ont pas empêché ce que Samantha Power et Kerry ont fièrement proclamé avoir empêché durant les 8 dernières années ? à savoir une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Pouvez-vous croire sérieusement qu’ils ne pouvaient pas arrêter la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Venezuela et le Sénégal, qu’ils ne pouvaient pas les empêcher de mettre sur pied une résolution du Conseil de sécurité ? Barack Obama n’aurait-il pas pu appeler le Premier ministre néo-zélandais et lui dire : « Ne faites pas cela ! » Allons ! Ils voulaient donc clairement que cela se produise. La question est de savoir pourquoi.

Dire qu’ils voulaient sauver la solution à deux États – je trouve cela très invraisemblable. Ils avaient huit ans pour le faire. Les colons ont augmenté de 100 000 sous Obama. Vous me dites qu’il vient juste de le remarquer ? Cela vient juste d’apparaitre sur son écran radar ? Lorsque la présidence Obama a commencé, il y avait 500 000 colons, et maintenant, il y en a 600 000, donc ils ont augmenté de 20 %. Il n’a pas remarqué ça plus tôt ?

Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il voulait la résolution… Je suis entièrement d’accord avec Netanyahou : les États-Unis étaient, à leur façon, derrière son adoption. Ils n’étaient pas derrière elle au sens où ils en auraient pris l’initiative, mais en au sens où ils ont signalé aux Anglais que s’ils mettaient sur la table une nouvelle résolution, ils n’opposeraient pas leur veto. Puis les Anglais ont négocié avec la Nouvelle-Zélande.

Philip Weiss : – Mais les États-Unis ont approuvé une résolution qui, selon vous, fournit une voie claire pour agir contre les colonies. Pourquoi ne l’ont-ils pas édulcorée ?

Norman Finkelstein
: – Ma réponse à cela est que l’ONU, pour le meilleur ou pour le pire, fonctionne sur la base du précédent. Vous ne pouvez pas réviser radicalement l’ensemble des résolutions. La résolution commence par énumérer 1, 2, 3, 4…, 10 résolutions antérieures. Vous ne pouvez pas simplement les saisir toutes d’un coup et appuyer sur le bouton de suppression. Ce n’est tout simplement pas la façon dont l’ONU fonctionne. Ils ne pouvaient pas contourner ce mode de fonctionnement.

Tout ce que vous avez à faire est de juxtaposer le discours de Kerry et la résolution pour voir à quel point la politique américaine est différente. Et s’il a accepté la résolution, c’est parce qu’il a reconnu que vous ne pouvez tout simplement pas défaire cela. C’est pourquoi j’ai systématiquement soutenu dans mes interventions publiques et mes livres que c’est la loi, il est très difficile de la changer.

Philip Weiss : – Autre chose ?

Norman Finkelstein : – Je ne peux pas être exhaustif, mais il y a beaucoup de choses qu’on peut développer et commenter. Comme ce que Samantha Power a dit, par exemple, quand elle a réprimandé le Conseil de sécurité de l’ONU pour son inaction lorsque le gouvernement syrien ciblait les hôpitaux, les civils. Vous comprenez l’idée : le même gouvernement américain a bloqué toute action quand Israël ciblait les hôpitaux et les civils à Gaza.

 

 

Philip Weiss : – Parlez-moi donc des conséquences politiques.

Norman Finkelstein : – De toute évidence, c’est la question la plus importante, et tout cet exercice laisse en suspens la question de – eh bien, comme nous le savons, depuis 1980 déjà, une résolution de l’ONU condamnant les colonies et réclamant le démantèlement des colonies existantes a été adoptée. Et depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Nous avons eu l’avis de la Cour internationale de justice [CIJ] de 2004 qui a réaffirmé l’illégalité de toutes les colonies. C’est-à-dire qu’il y a déjà d’importantes archives de résolutions et de déclarations au sein de l’Assemblée générale de l’ONU, mais aussi au sein du corps juridique le plus respecté du monde, la CIJ, sans parler du Comité international de la Croix-Rouge et de toutes sortes d’organisations de défense des droits de l’homme, qui ont toutes déclaré les colonies illégales. Un sceptique dirait : « À quoi bon une autre résolution ?  Nous avons déjà tant de documents respectés, y compris des résolutions du Conseil de sécurité condamnant les colonies. En quoi cela change-t-il quoi que ce soit ? ».

Ce type de scepticisme à l’égard de cette résolution est justifié. Je voudrais toutefois avancer le point suivant. Je crois qu’il y a un très grand malentendu sur le sens de ces résolutions. Il est tout à fait clair qu’elles ne seront pas appliquées, du moins dans l’alignement ou la configuration des forces d’aujourd’hui, elles ne vont pas être appliquées d’elles-mêmes, parce que les États-Unis bloqueront une telle application. Selon certaines spéculations, cette résolution de l’ONU servira alors de munition pour que la Cour Pénale Internationale (CPI) poursuive l’enquête sur les crimes israéliens. Imaginons que la CPI déclare Israël coupable d’avoir commis des crimes de guerre, ce qui est une possibilité très lointaine selon moi, mais pour notre argumentation, supposons qu’ils le fassent. On resterait toujours dans la même situation, avec un document inapplicable, un verdict de culpabilité de la part de la CPI, mais qu’il faudrait encore appliquer.

La question clé est la question politique. Comment faire pour que ces documents soient appliqués ? Ici, mon opinion est qu’il n’y a tout simplement pas eu beaucoup de réflexion ou d’analyse sur cette question, à savoir « Quelle est la portée de ces documents ? » En la matière, je pense que les leçons les plus importantes à tirer proviennent du mouvement sioniste, de la manière dont ils ont pris des documents et des déclarations, qu’il s’agisse de la Déclaration Balfour il y a 100 ans ou de la résolution de partition en 1947, comment le mouvement sioniste s’en est emparé et a transformé ces documents anodins – Arthur Balfour était un ministre des Affaires étrangères insignifiant, et la résolution de partition n’était même pas une résolution du Conseil de sécurité, c’était une résolution de l’Assemblée générale, à ce stade une parmi des milliers de résolutions adoptées par l’Assemblée générale –, comment le mouvement sioniste est-il parvenu, même après 100 ans, à imprimer cette Déclaration Balfour et la résolution de partition de l’ONU dans l’esprit du public ? Ou comme l’a alors dit Abba Eban, l’Assemblée générale avait donné à Israël un acte de naissance. Comment se fait-il que nous connaissions tous cet acte de naissance ?

La réponse est que le mouvement sioniste a compris que les documents, bien que non forcément appliqués, peuvent devenir une force politique si vous savez mobiliser un public en leur nom, et faire en sorte d’avoir le pouvoir d’agir seul, comme le mouvement sioniste l’a fait en 1947 avec la légitimité accordée par la résolution de partition ou en 1917 avec la Déclaration Balfour, et de mobiliser assez l’opinion publique pour que la Grande-Bretagne se sente obligée de mettre en œuvre la Déclaration jusqu’au bout. Il y a eu de nombreux moments où les Britanniques ont voulu abroger la Déclaration Balfour parce qu’elle semblait entrer en conflit avec leurs intérêts. Ils l’ont finalement fait en 1939. Mais le mouvement sioniste a su utiliser ces documents leur donnant une légitimité. Même l’OLP disait après les années 1970, le terme qu’ils ont continué à utiliser, en particulier Arafat et ses lieutenants, ils ont dit que leur cause s’était vue marquée d’une illégitimité internationale. En réalité, sa légitimité avait été consacrée dans diverses résolutions, en l’occurrence des résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU au moment où Arafat s’exprimait.

C’est ce que les résolutions, les avis de la Haute cour, les avis de la CIJ, même une décision de la CPI font. Dans ce contexte, je considère la résolution comme une victoire. Vous avez un nouveau document. Il est vrai qu’il répète des choses qui ont déjà été dites, mais il utilise un langage assez – je dirais – sévère et sans équivoque, disant en tant de termes explicites qu’Israël commet des crimes de guerre dans les territoires occupés, son entreprise de colonisation est maintenant un crime de guerre colossal. Et alors, qu’est-ce que vous en faites ? Comment rejouez-vous ce que le mouvement sioniste a fait ? Parce que le mouvement sioniste a compris – et je le souligne, je l’encadre et je le mets en gras – ils ont compris la valeur de l’opinion publique. Ils ont compris que si vous voulez gagner cette cause, vous devez avoir l’opinion publique de votre côté.

Venons-en aux détails. Si les Palestiniens avaient d’authentiques dirigeants, ce qu’ils n’ont pas en ce moment, dès le lendemain de la résolution ils élaboreraient des stratégies et mobiliseraient leurs masses en Cisjordanie pour organiser une sorte de marche sur les colonies, bloquer les routes qui y mènent, rendre la vie très misérable pour ces colonies et proclamer : « Nous ne faisons que faire respecter le droit international. Le Conseil de sécurité de l’ONU a déclaré que ces colonies constituent un crime de guerre, et nous essayons de manière non-violente de démanteler ce crime de guerre ou d’infliger des sanctions à Israël pour avoir commis ce crime de guerre. » Une fois que vous avez la légitimité de cette résolution et, dans ce cas tout à fait exceptionnel en fait, l’abstention des États-Unis, ce qui signifie qu’ils ne nient pas la légitimité de la revendication palestinienne et ne nient pas qu’Israël commet des crimes de guerre, les Palestiniens ont une vraie chance. Et je sais que vous savez combien l’opinion publique américaine et l’opinion publique juive américaine sont hostiles à ces colonies.

Et maintenant, vous avez un document. Vous avez maintenant un certificat d’illégitimité, vous avez un certificat d’illégalité et vous avez un certificat de criminalité, et les Palestiniens peuvent d’eux-mêmes brandir ces documents et aussi, de façon critique et cruciale – conjuguée et coordonnée avec le mouvement de solidarité internationale –, ils peuvent tenter d’appliquer cette résolution.

Nous devons garder à l’esprit que cela a été vrai pour les 30 ou 40 dernières années. C’est la tragédie du conflit. Prenez le cas de l’avis de la CIJ de 2004 sur l’illégalité du mur. À ce moment-là, il faut se rappeler qu’Israël était en panique face à l’avis de la CIJ alors qu’il était encore en phase préliminaire, avant même qu’il ait été validé par la cour. Ils débattaient sur l’opportunité de s’absenter et de les ignorer ou alors de présenter leur cas à la cour, ils étaient très effrayés par cet avis de la CIJ. Et ce qui était tragique à ce propos est que c’était en fait brillamment orchestré par Nassar al-Qudwe, qui était à l’époque le représentant de l’OLP à l’ONU. En tous points de vue, il a fait un travail tout à fait brillant, il a recruté les meilleurs avocats internationaux dans le monde, présentant clairement et défendant le dossier palestinien, et ce fut une victoire éclatante.

Mais que s’est-il passé ? Rien. Parce qu’il n’y a pas de leadership palestinien qui comprenne ce que vous êtes censé faire avec ces victoires.

Le revers de la médaille est que si vous ne faites rien, elles sont inutiles, elles sont juste rangées dans un tiroir. Qui se souvient même de l’avis de la CIJ ? Israël a perdu sur tous les points et les Palestiniens ont tout gagné dans l’avis de la CIJ. Israël a perdu sur toute la ligne. La CIJ a déclaré Jérusalem-Est comme faisant partie des territoires palestiniens occupés, elle a déclaré les colonies illégales, l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre. C’était un grand chelem pour les Palestiniens. Et cet avis disait : premièrement, le mur est illégal ; deuxièmement Israël devait démanteler le mur ; troisièmement, Israël devait payer des compensations pour les dommages causés par le mur. Et surtout quatrièmement, si Israël ne démantelait pas le mur, la communauté internationale avait l’obligation de faire quelque chose. C’était tout simplement une énorme opportunité d’organiser une marche sur le mur, une marche du sel à la Gandhi, brandissant l’avis de la CIJ dans une main et une pioche ou un marteau dans l’autre et proclamer « Nous allons casser le mur ». Tout comme le préconisait la CIJ. Rien ne s’est passé. C’est le problème.

Il est exact de dire que cette résolution est une autre consécration du droit international. C’est vrai, il y a un important portefeuille de documents qui la précèdent, et c’est un motif de cynisme. Mais d’un autre côté, ça ne fait pas de mal d’avoir ces principes inscrits dans un document. Il est également vrai de dire que c’était une résolution forte. Nous devons être clairs à ce sujet, nous ne pouvons pas être cyniques au point de ne pas voir que c’était une résolution forte. Toute résolution qui commence par « Nous soulignons l’application du droit international, par exemple, l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre – cela tue tout simplement l’ensemble de l’occupation israélienne. Point final. Nous ne devrions donc pas être cyniques au point de négliger le texte de cette résolution et reconnaître que c’était une grande victoire, parce que les États-Unis se sont effectivement abstenus.

Maintenant, l’abstention des États-Unis était totalement insincère parce qu’elle prétendait qu’il n’y avait pas de conflit entre cette résolution et la politique américaine, ce qui était un mensonge flagrant. Mais le revers de la médaille est qu’il y a d’excellents motifs de scepticisme, parce que sur la base des antécédents, les dirigeants palestiniens ne font rien avec ces résolutions. Ils se contentent simplement de les enregistrer, ils prétendent que c’est une victoire. C’est une victoire s’ils en font quelque chose. Mais elles ne sont évidemment pas auto-exécutoires, et cela inclut aussi la CPI. Je suis exaspéré quand je vois ces avocats parler de l’importance des poursuites engagées par la CPI. Mais vous avez déjà ces victoires sur papier. Le problème n’est pas d’avoir les documents. C’est d’en faire quelque chose. Il y a infiniment plus de documents qui consacrent les droits palestiniens qu’il n’y en a jamais eu pour le mouvement sioniste.

Philip Weiss : – Quand vous parlez du succès des sionistes, il est difficile de parler de la Déclaration Balfour ou de la partition sans parler du problème juif en Europe. Cela devint une question tragiquement urgente. Vous avez parlé de la résolution 181 de l’ONU comme ayant force de loi…

Norman Finkelstein : – La résolution 181 n’avait pas force de loi. Cependant, le mouvement sioniste l’a tellement diffusée et s’est tellement appuyé sur elle que c’est devenu un document ayant force de loi.

Philip Weiss : – Le droit est une forme d’opinion, et il y a eu des occasions où vous avez dit qu’il y avait un édifice d’opinion selon lequel il devrait y avoir un État juif – un consensus auquel ceux qui sont antisionistes et ne veulent pas de partition doivent faire face.

Norman Finkelstein : – L’expression « un État juif » est très ambiguë et elle peut recevoir de nombreux contenus différents. Certes, la résolution de partition de 1947 est remplie d’ambiguïté voire de points de friction, sinon de contradictions, car elle appelle à deux États, un juif et un arabe. Elle souligne également que dans les deux États, il doit y avoir des droits absolument complets et égaux pour les deux peuples.

Philip Weiss : – Vous avez dit que ce consensus était consacré. Mais si vous regardez un récent article du
Los Angeles Times, les Palestiniens demandent « Eh bien, pourquoi pas un seul État avec des droits égaux ? » Ou Buzzfeed qui soulève également la possibilité d’une solution à un État. Cette résolution est-elle en quelque sorte un coup porté  au consensus historique selon lequel il devrait y avoir un État juif ?

Norman Finkelstein
: – Je crois bien plutôt le contraire. Peut-être que nous sommes sur des longueurs d’ondes différentes. L’ensemble de la résolution est ancré dans la notion de deux États. Parce que c’est ce qui rend les colonies illégales. La résolution ne parle pas de Tel Aviv ou de Haïfa ou de n’importe quel endroit à l’intérieur de la Ligne Verte comme des colonies illégales. Ce qui rend une colonie illégale est sa présence en territoire occupé, et la Convention de Genève stipulant qu’il est illégal pour un pouvoir d’occupation de transférer la population. La résolution est clairement ancrée comme elle le dit à plusieurs reprises, ad nauseam, dans la création de deux États démocratiques, Israël et la Palestine, et elle cite tous ces documents, y compris la Feuille de route et Oslo. L’ensemble du texte, son cadre ainsi que son esprit et sa lettre sont solidement ancrés dans (la solution à) deux États.

Philip Weiss : – Certains ont interprété le discours de Kerry comme un éloge de la solution à deux États. Yousef Munayyer a souligné que Kerry avait jadis annoncé une date limite pour la solution à deux États qui a maintenant expiré. Kerry s’est référé à une réalité à un État. Les discours au Conseil de sécurité reflétaient le désespoir de ne jamais créer un État palestinien, après 70 ans de promesses. Et oui, je vis dans un silo d’antisionistes ; mais ce sentiment en amène certains dans les médias dominants à dire « Peut-être que cette solution est morte. »

Norman Finkelstein : – Je vois ce que vous voulez dire. Mais il est beaucoup trop tard ce soir pour que j’essaye de marquer des points dans le débat. Je parle maintenant comme une personne qui ne s’intéresse pas seulement aux théories, pas seulement à l’exégèse textuelle, mais surtout à la politique. Et l’idée maîtresse que nous avons évoquée ce soir a été « Qu’est-ce qu’on peut faire avec la résolution ». Ma conviction est que ce qu’on pourrait faire s’il y avait un mouvement, c’est utiliser une résolution pour cibler les colonies. Pouvez-vous utiliser la résolution pour cibler la Ligne Verte ? Non. Pouvez-vous utiliser la résolution pour essayer d’implémenter une résolution juste de la question des réfugiés ? La réponse est non.

La raison pour laquelle vous m’avez appelé et pour laquelle nous avons entamé toute cette conversation a commencé avec cette résolution, et je crois effectivement que dans cette résolution, tout comme dans la décision de la CIJ, il existe des possibilités réelles d’action politique. Rien dans la résolution ne renforce la possibilité d’une solution à un seul État. C’est tout le contraire. L’ironie est que les gens qui préconisent un seul État sont les mêmes personnes qui rendent nulle et vide cette dernière résolution. Qu’est-ce que je veux dire ? En ouvrant le livre d’Ali Abunimah sur un seul État [Un pays : une proposition audacieuse pour mettre fin à l’impasse israélo-palestinienne, 2007], il dit qu’il ne s’oppose pas aux colonies. Il dit que les colonies peuvent rester dans un seul État. Et Virginia Tilley dit la même chose dans son livre [La solution à un État, 2010]. Donc, si vous prenez le cadre des partisans d’un seul État, ce cadre empêche de faire porter l’accent sur les colonies. Il dit que les colonies ne posent pas de problème, qu’ils ne sont pas un obstacle à la résolution du conflit. L’ironie est que les partisans d’un seul État sapent l’importance des résolutions comme celle qui vient d’être adoptée. Les colonies ne sont qu’un problème, comme l’a dit Kerry dans la seule partie de son discours qui avait de la substance – quand Kerry a dit que les colonies détruisent l’État palestinien. Si vous voulez plaider pour un seul État, alors une résolution disant que les colonies sont illégales est totalement sans importance. Il faut vous décider. Vous ne pouvez pas déclarer une victoire lorsque l’ONU déclare les colonies illégales et constituant des crimes de guerre, puis d’autre part dire que vous soutenez un seul État. Au moins, Ali Abunimah et Virginia Tilley sont cohérents.

Philip Weiss : – Trump ?

Norman Finkelstein : Je suis d’accord avec le professeur Chomsky, lorsqu’il dit qu’une chose prévisible au sujet de Donald Trump est qu’il est imprévisible. Vous ne pouvez pas vraiment dire où les choses vont aller avec lui. Je suppose que pour le conflit israélo-palestinien, à moins d’une résurgence de la résistance populaire de masse qui ne serait pas manifestement stimulée ou orchestrée par les dirigeants, qui pourrait être spontanée – en l’absence de cela, le conflit restera tranquille et Trump se concentrera sur l’économie et sur des actions déchaînées à l’échelle internationale, mais Israël et la Palestine ne seront pas sur son radar.

Philip Weiss : – Déplacera-t-il l’ambassade à Jérusalem ?

Norman Finkelstein : – Je n’en ai aucune idée. Je serais porté à en douter, il ne veut pas être distrait. Ça ne lui apporterait rien. Ça lui causerait seulement des ennuis.

Philip Weiss : – Sommes-nous face à un conflit géré ?

Norman Finkelstein : – Oui. Je suis pessimiste maintenant. Je ne le crie pas sur les toits parce que je ne veux pas verser de l’eau froide sur les efforts des gens. Mais en parlant à titre strictement personnel, je viens de finir un gros livre sur Gaza, environ 450 pages. Je dis essentiellement que j’écris pour l’Histoire. Je n’écris pas pour la politique parce que je vois rien de tel : les États-Unis, de mèche avec les puissances européennes travaillant avec les dirigeants palestiniens, ont trouvé un moyen de stabiliser le conflit. Et les Palestiniens eux-mêmes ont été au moins pour le moment – je ne veux pas prédire l’avenir – mais pour l’instant, ils ont été vaincus. Mais je ne crois pas, comme je l’ai dit mille fois, je ne crois pas qu’ils n’ont pas d’options. Je pense que c’est très difficile maintenant. Parce qu’entre autres choses, le conflit a été éclipsé par d’autres catastrophes régionales. Et une grande partie du monde arabe est très près de s’aligner ouvertement avec Israël, ce qui est sans précédent. Il faut se rappeler, dans le cas de l’Afrique du Sud, qu’il était inconcevable que la lutte de résistance au régime sud-africain aille bien loin sans le soutien régional. Toute l’Afrique considérait l’apartheid comme un tel affront à tous les peuples d’Afrique que l’ensemble du continent était uni dans la lutte pour abattre l’apartheid. Et pendant une longue période, l’analogie avec le monde arabe a fonctionné. La lutte palestinienne avait une si profonde résonance dans le monde arabo-musulman. Les régimes arabes, si corrompus qu’ils fussent, devaient au moins souscrire en paroles à la cause palestinienne. Mais c’est fini. Les Palestiniens ont perdu cette base régionale pour la lutte. C’est un gros revers.

D’un autre côté, le mouvement de solidarité n’est pas mort. Et je pense qu’il y a des raisons d’espérer. Le mouvement de solidarité s’est maintenant contracté. Mais il y a certainement des possibilités et des potentiels pour éveiller la pleine force du mouvement de solidarité et avec de nouveaux alliés, dans la communauté juive, en particulier les jeunes juifs. Il y a de vraies possibilités, mais c’est beaucoup plus difficile maintenant à cause de l’effondrement du soutien régional.

Si vous l’observez historiquement, ce soutien était très frappant pendant, par exemple, les années Carter. Même lorsque Carter a exécuté le retrait israélien du Sinaï égyptien, il était très inquiet du fait que s’il ne parvenait pas à gagner quelque chose pour les Palestiniens, parce que la cause palestinienne avait une telle résonance dans le monde arabe, à moins qu’il ne gagne quelque chose pour les Palestiniens, [le président égyptien Anouar al-] Sadate serait très isolé et les États-Unis seraient en conséquence isolés dans la région. Carter n’avait aucune préoccupation humanitaire particulière, mais il comprenait le pouvoir et la résonance de la cause palestinienne dans le monde arabe. À moins de leur gagner quelque chose, les États-Unis seraient très isolés dans la région, ayant détourné l’Égypte du front arabe sans rien donner aux Palestiniens. Littéralement jusqu’au dernier jour de son régime, il se battit bec et ongles avec [le Premier ministre israélien Menahem] Begin pour donner quelque chose – quoi que ce soit – à ce régime d’autonomie palestinienne, pour sauver la face de Sadate. En fait, la vérité est que, c’est une chose dure à dire, mais Carter fut singulièrement responsable de l’assassinat de Sadate. Parce qu’il ne pouvait rien obtenir avec Sadate, ou qu’il n’était pas disposé à exercer de pression politique pour obtenir quelque chose d’Israël sur l’autonomie palestinienne.

Je le mentionne parce que les temps ont changé. Personne n’a l’impression que le prestige ou le pouvoir des États-Unis au Moyen-Orient dépend de l’obtention de quelque chose pour les Palestiniens, parce que la cause palestinienne est morte. Les régimes arabes, l’Arabie Saoudite, l’Égypte – ils se sont ouvertement alignés avec Israël pendant l’opération Bordure Protectrice. La Ligue arabe ne s’est réunie qu’une seule fois au cours de l’opération et elle a soutenu Israël. La donne est très différente. Est-ce sans espoir ? Non, pas à mon avis. Ils ont obtenu un bon document, ils ont obtenu une bonne résolution, ils ont la légitimité internationale de leur côté, il existe un mouvement de solidarité, il existe une conscience parmi des segments importants de Juifs que ce qu’Israël fait est mal. Il existe une possibilité réelle de construire un véritable mouvement. Je ne suis pas désespéré. Mais le problème est que le leadership est en faillite et que les gens ont abandonné, c’est le grand obstacle.

Philip Weiss
: – Qu’en est-il de l’opposition au sionisme dans la diaspora juive, dynamisée par Trump ? Quelle est l’importance de ce changement ?

Norman Finkelstein : – C’est révélateur de l’aliénation croissante entre les juifs américains, qui sont massivement à l’extrémité libérale du spectre (politique), et Israël, qui est massivement à droite. Ce sont vraiment des images en miroir. Regardez le spectre israélien. Environ 20 % se disent travaillistes ou sont des libéraux de Tel-Aviv, puis il y a un centre assez grand et il y a une très forte aile droite, environ 40 %. Regardez le spectre juif américain, c’est encore environ 20 % de Républicains, environ 50 % de modérés et 30 % de libéraux. Ce sont vraiment des images en miroir. Et ces différences deviennent de plus en plus marquées, parce que le centre disparaît aux États-Unis et en Israël. Il se contracte. Je ne pense pas que beaucoup de Juifs aient voté pour Trump, et Netanyahou considère Trump comme une aubaine. C’est donc de l’aliénation. Netanyahou est tout simplement un personnage révoltant, c’est un suprématiste juif raciste, braillard et odieux. Ce n’est pas du tout la façon dont les Juifs aiment voir les Juifs se comporter. Il est vraiment embarrassant.

Et vraiment, à moins que les choses changent radicalement, ce que je ne vois pas se produire, je pense que nous avons dépassé le point de non-retour. Les Juifs Américains, surtout avec le temps, ne ressentiront plus bien longtemps ce genre de sentiment pour Israël. C’est un sujet d’embarras.
 
Philip Weiss
: – Votre prochain livre ?

Norman Finkelstein : – Le livre doit sortir en octobre aux Presses de l’Université de Californie. (Il est intitulé) Gaza : Une enquête sur son martyre. Le manuscrit est terminé. C’est une analyse politique, légale et historique de ce qui est arrivé à Gaza au cours des dix dernières années. Je suis heureux qu’il sorte, parce que je pense que la vérité doit être connue. Je suis pessimiste sur les possibilités de transformer cette vérité en une arme politique, mais la vérité doit néanmoins être connue.

Traduit par Sayed Hasan pour le Saker Francophone

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