Après s’être placée comme un acteur incontournable dans le conflit syrien, la Russie fait aujourd’hui une entrée remarquée sur la scène libyenne.
C’est le message envoyé par la visite du maréchal Khalifa Haftar le 11 janvier dernier, à bord du porte-avions Kouznetsov, alors que ce dernier voguait au large de Tobrouk.
Le militaire libyen, qui avait également effectué deux visites à Moscou durant l’année 2016, a été reçu en grande pompe, et s’est entretenu par visioconférence avec le ministre russe de la Défense, Serguei Choïgu.
Le chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), ancien allié de Mouammar Kadhafi, qu’il a ensuite combattu après son retour d’exil en 2011, s’est imposé comme le nouvel homme fort libyen.
Implanté à l’est du pays, le Maréchal, qui revendique le contrôle de près de 80 % du territoire, s’est imposé comme un interlocuteur indispensable, notamment après s’être emparé des principaux terminaux pétroliers libyens.
Ce militaire de 73 ans s’est illustré avec succès dans la lutte contre les milices takfiristes dans l’Est du pays. Il est le bras armé du Parlement de Tobrouk, autorité rivale du gouvernement d’entente nationale (GNA) présidé par Fayez El-Sarraj, mis en place à Tripoli avec le soutien de l’ONU, et qu’il refuse de reconnaitre.
La « communauté internationale » soutient effectivement le GNA, qui s’appuie sur les milices salafistes de Misrata afin de lutter contre Daesh, présent en plusieurs points du territoire, et assurer sa propre protection à Tripoli où il est installé.
Khalifa Haftar, auquel de nombreux observateurs prêtent des ambitions nationales, entretient des liens étroits avec l’Égypte, la Jordanie, ou le Tchad voisin. Passé par l’école soviétique, il cultive aussi son amitié ancienne avec Moscou, qui avait misé sur lui bien avant tout le monde.
La Russie de Vladimir Poutine ne cache donc plus son intérêt pour le maréchal, qui espère de son côté que ce soutien pourrait l’aider à étendre son influence sur tout le pays.
Cet appui, en plus d’être politique, consisterait essentiellement à lui fournir les armes dont il a besoin afin de conforter sa situation, ce qui pourrait aussi le décider à lancer ses troupes sur Tripoli. En effet, une conquête du pouvoir par la force n’est pas à exclure.
Ainsi, si le Kremlin reconnaît officiellement, à l’instar de la communauté internationale et de l’ONU, l’autorité du gouvernement libyen d’union nationale, il affiche désormais un soutien explicite au maréchal Khalifa Haftar.
Ce come-back fracassant sonne comme une revanche pour les autorités russes, qui n’ont pas digéré la « trahison » de leurs « partenaires » occidentaux au moment du pseudo-printemps libyen.
En effet, on se souvient qu’à l’époque, Moscou s’était abstenu lors du vote d’une résolution à l’ONU sur la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne en Libye. Celle-ci s’était transformée en prétexte pour renverser le régime de Kadhafi, alors qu’il n’était pas question de faire chuter le dirigeant de la « Jamahiriya », mais de protéger les populations civiles.
Les pays occidentaux (France et Grande-Bretagne en tête) avaient ainsi largement outrepassé cette résolution. La Russie s’était sentie bernée et les conséquences économiques avaient été sévères pour elle car plusieurs milliards de dollars pour des contrats en cours avec l’ancien gouvernement de Tripoli s’étaient envolés.
Cette récente médiatisation du soutien russe répond en réalité à deux objectifs. Le premier est lié aux intérêts de la Russie dans la région, qui se rend compte qu’elle a une carte à jouer en termes de contrats d’armements, pétroliers et d’infrastructures dans ce pays dévasté par la guerre.
Dans le même temps, des négociations auraient lieu pour l’établissement d’une base navale russe dans la région de Benghazi (Est), ce qui conférerait à la Russie une position de choix dans l’échiquier géostratégique méditerranéen et lui permettrait enfin d’avoir cette entrée en Afrique du Nord qu’elle recherche depuis longtemps.
Après la Syrie, où son intervention militaire a modifié l’équilibre des forces, la Russie voit la Libye comme un autre point d’ancrage de sa politique de retour au Moyen-Orient, ce qui lui permettrait d’élargir son influence dans le monde arabe et méditerranéen.
« La Syrie ne suffit pas. C’est pourquoi nous avons besoin d’un État de plus pour la présence russe, non seulement en Syrie, mais aussi au Moyen-Orient », estime le chercheur russe Alexeï Malachenko.
Pour Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, en misant sur Haftar « la Russie n’aurait rien à y perdre ». L’expert ajoute aussi que « d’un point de vue stratégique, les enjeux ne sont pas très élevés en ce qui concerne ce pays qui reste très périphérique, et cela représente un pari qui ne coûte pas cher, alors que potentiellement les gains peuvent être très importants ».
Le Parti Anti Sioniste se réjouit de voir que comme dans le cas de la Syrie, la Russie s’apprête à jouer un rôle d’importance en Libye, ce qui viendrait contrebalancer l’action néfaste des pays occidentaux, à l’origine du chaos dans ce pays.
Cela viendrait confirmer la fin de ce monde unipolaire dominé par l’« USRAEL », qui a causé tant de ravages, et pourrait mettre un frein à la voracité insatiable de cet « empire du mal » occidentalo-sioniste.