S’informant de plus en plus sur les réseaux sociaux, huit Français sur dix s’estiment ainsi exposés aux fausses nouvelles, d’après les résultats du baromètre annuel « La Croix » Kantar Sofres/Kantar Média sur la confiance dans les médias.
Ils attendent des médias qu’ils jouent un rôle important lors de la présidentielle, pour fournir une « information vérifiée ». Un défi que les médias veulent relever.
Seuls 64 % (– 6 points sur un an) des Français déclarent s’intéresser à l’information. / BERTRAND GUAY/AFP
À l’orée d’une année électorale majeure dans un contexte de montée des populismes, l’intérêt des Français pour l’information enregistre son plus mauvais score en trente ans. Seuls 64 % (– 6 points sur un an) des Français déclarent s’y intéresser, avec une désaffection marquée des jeunes (56 %) et des moins diplômés (58 %).
La confiance dans l’information relayée par les différents médias est elle aussi historiquement basse, particulièrement pour la télévision (41 %, – 9 points), seule la radio restant majoritairement jugée fiable (52 %, – 3 points). Dans ce contexte, la perception de l’indépendance des journalistes vis-à-vis du pouvoir atteint son plus mauvais score, 24 % des Français seulement jugeant qu’ils résistent aux pressions.
INFOGRAPHIES : Baromètre des médias, l’intérêt des Français pour l’actualité au plus bas depuis 2002
« Internet recule encore au niveau de la confiance »
Cette chute des indicateurs s’inscrit dans un bouleversement de la façon de s’informer. « Les usages évoluent très rapidement, relève Carine Macé, qui a coordonné le baromètre pour Kantar. La télévision est détrônée par Internet chez les jeunes (1). De même que chez les cadres et les plus diplômés. Il y a une rupture numérique et générationnelle. 38 % des 18-24 ans s’informent d’abord sur leur smartphone, contre 1 % des plus de 65 ans. » Sur Internet, les réseaux sociaux sont la principale source d’information des plus jeunes (41 % des 18-24 ans). Mais ces derniers, comme la moyenne des Français (73 %), accordent peu de crédit à ce qu’ils y trouvent.
« Internet recule encore au niveau de la confiance, alors que sa pratique se banalise. Cette déconnexion entre confiance et pratique n’est pas rassurante dans la perspective de la présidentielle, souligne le sociologue des médias Jean-Marie Charon. On peut craindre que ce climat de défiance et ce report sur des réseaux sociaux auxquels on accorde encore moins de confiance qu’aux autres médias ne soit pas un bon vecteur de qualité du débat public. » Cette inquiétude est partagée par l’économiste des médias Julia Cagé, qui redoute que la France « se retrouve dans une situation à l’américaine, où les médias traditionnels perdent complètement la main face aux réseaux sociaux ».
« Mieux capter le terrain, mais aussi mieux se faire entendre »
La France va-t-elle être gagnée, comme cela a été théorisé aux États-Unis, par une ère de l’information post-vérité, où les réalités factuelles ont moins d’influence sur l’opinion publique que des croyances ou rumeurs véhiculées sur les réseaux sociaux ? Julia Cagé pense au contraire « que les Français sont plus que jamais en demande de faits précis, mais le problème est qu’ils ne savent plus à qui faire confiance ». Ce désarroi se traduit dans notre enquête par deux séries de questions posées à l’occasion de la présidentielle. Les Français qui utilisent les réseaux sociaux, s’estiment très exposés (à 83 %) aux rumeurs et fausses nouvelles qui y circulent. Noyés sous un flot d’informations, trois quarts d’entre eux (78 %) attendent des médias qu’ils jouent un rôle important dans les prochaines semaines, en leur fournissant prioritairement (pour 74 %) une « information vérifiée » pour suivre la campagne présidentielle. Seuls 10 % souhaitent qu’ils s’engagent.
L’élection de Donald Trump est de ce point de vue un cas d’école. « Comme beaucoup de médias, nous nous sommes interrogés après sa victoire et avons engagé une réflexion collective », explique Michèle Leridon, directrice de l’nformation de l’Agence France-Presse. « La plupart des médias américains avaient appelé à voter pour Hillary Clinton en vain. On s’est donc dit qu’il fallait mieux capter le terrain, mais aussi mieux se faire entendre, en touchant un public plus large sur les réseaux sociaux. »