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14 novembre 2024

Comment l’Etat d’Israël a empêché la création de l’Etat de Palestine


Comment l’Etat d’Israël a empêché la création de l’Etat de Palestine

Publié par Gilles Munier sur 19 Février 2017,

Catégories : #Palestine, #Sionisme, #Israel, #Syrie, #Irak, #Iran, #Mossad

Par Hassan Balawi (intervention au Sénat – Colloque organisé par le CVPR-PO, en partenariat avec Orient XXI – 8/10/16 – commande des actes en fin d’article)*

La dernière loi adoptée par le parlement israélien, il y a une semaine, légalise l’installation de colonies israéliennes, jusqu’à présent jugées illégales par la justice, sur des terres palestiniennes, demeurées hors limites du pouvoir israélien. Elle laisse entrevoir la création de ce que M. Balawi appelle un « Etat des colons » anéantissant ainsi l’avènement d’un véritable Etat Palestinien. (AFI- Flash)

Permettez-moi, avant d’aborder mon sujet, une réflexion liminaire à propos des Accords Sykes- Picot, dont les intervenants qui m’ont précédé ont savamment expliqué dans quel contexte ils étaient intervenus et quelles avaient été leurs conséquences jusqu’à nos jours pour les Etats arabes. Toute la littérature classique arabe, tous les partis politiques arabes, ont constamment soutenu qu’avant les accords Sykes-Picot les Arabes étaient unis, n’avaient qu’une même patrie, que ces accords les avaient divisés et qu’ils étaient à l’origine des conflits frontaliers et des guerres entre Etats arabes.

Néanmoins depuis 2011, depuis ce que l’on a appelé les Printemps arabes, le discours politique arabe a changé ; la tendance s’est presque inversée. Certains intellectuels, certains  cercles politiques estiment qu’il serait imprudent aujourd’hui de remettre en cause les accords  Sykes-Picot, parce que le problème, aujourd’hui précisément, c’est non seulement la division entre Etats arabes, mais les divisions entre Arabes au sein de chaque Etat. Quand on regarde, en effet, ce qui se passe en Syrie, en Iraq, en Egypte, au Yémen, en Arabie Saoudite, en Palestine même, un peu partout dans le monde arabe, c’est l’Etat-nation arabe, né dans les années 40/50, qui est menacé d’éclatement, et donc, finalement, on préfère garder des accords que la nouvelle littérature arabe considère désormais plutôt comme un acquis et comme une garantie de stabilité pour la nation arabe.

J’en viens maintenant au sujet que l’on m’a demandé de traiter : « Comment l’Etat d’Israël a empêché la création de l’Etat de Palestine ». Mon point de départ chronologique sera le plan de partage de la Palestine, sans m’attarder sur les conditions dans lesquelles ce partage a été décidé, puisque la question a été abondamment traitée ce matin.

Je rappelle simplement que ce plan de partage de la Palestine a été décidé sans que la population palestinienne ait été consultée et donc sans que son avis ait été pris en compte, que la résolution 181 des Nations Unies du 29 novembre 1947 accordait à l’Etat Juif 56% du territoire de la Palestine historique et 44% à l’Etat arabe de Palestine, avec un statut international pour Jérusalem. Mais tout le monde sait également qu’en1948/1949, l’Etat d’Israël, s’étant emparé de 22% supplémentaires, s’est établi sur 78% de la terre de Palestine, soit sensiblement plus que le plan de partage ne lui avait accordé. Et vous savez aussi que la Naqba n’a pas commencé – comme l’a prétendu la propagande israélienne, suivie par nombre de manuels scolaires occidentaux– au lendemain du15mai1948, après la proclamation de l’Etat d’Israël, lorsque les armées arabes sont entrées en Palestine. Aujourd’hui, tous les historiens, y compris les nouveaux historiens israéliens, reconnaissent que les accrochages, puis la guerre, avaient commencé dès 1947. Ainsi, dès avant l’adoption de la résolution18l, le mouvement sioniste avait engagé le processus de destruction de ce qui aurait pu être l’Etat de Palestine, selon les termes mêmes de cette résolution, rasant plus de 500 villages et contraignant à l’exil plus de 400 000 Palestiniens. Le mouvement sioniste avait déjà à cette époque montrer sa volonté d’empêcher la naissance, avant même qu’elle ne soit déclarée, de l’Etat de Palestine : c’est ce qu’Elias Sambar a appelé « le processus de disparition de la Palestine ».

« Disparition de la Palestine », cela signifie, non seulement la disparition de sa population, mais aussi de toutes ses richesses, non seulement économiques mais culturelles. Or la Palestine, depuis le début du siècle, jouissait d’une situation économique florissante. Jérusalem, la vieille Ville, la Terre Sainte, attirait beaucoup de touristes, beaucoup d’investissements, beaucoup de présences occidentales. Les ports de Haïfa et de Jaffa favorisaient un remarquable essor de l’activité économique : des familles syriennes, libanaises, arabes venaient y travailler. Cet essor était aussi culturel : Haïfa, était la deuxième capitale de la presse du monde arabe ; en 1934, il y avait deux stations de radio dans le monde arabe, la première au Caire, la seconde en Palestine ; à la même époque, les grands chanteurs arabes passaient par les studios de la « Voix Arabe » de Palestine. On découvre et l’on mesure de plus en plus aujourd’hui, grâce aux recherches universitaires, le caractère systématique de la tentative sioniste de faire disparaître toute présence palestinienne, non seulement démographique et politique, mais aussi économique et culturelle.

Nous savons, par exemple, aujourd’hui que, dès les années 1930, le mouvement sioniste avait réussi à mettre la main sur les archives, détenues par les autorités britanniques mandataires, concernant l’ensemble des localités de la Palestine historique. Aujourd’hui, les archives de l’Etat d’Israël détiennent une profusion de documents relatifs à la vie économique, intellectuelle et politique dans la Palestine des périodes ottomane et mandataire. J’ai été moi- même très étonné de découvrir récemment que les journaux palestiniens des années 20 et 30 se trouvent dans les archives israéliennes ! De même, des bibliothèques israéliennes, publiques ou privées, détiennent dans leurs collections des ouvrages palestiniens datant de ces mêmes périodes. Ce processus de confiscation totale des archives palestiniennes témoigne de la volonté, israélienne, dès cette époque, de faire disparaître l'image de la Palestine, le nom même de Palestine, tout ce qui a fait l’histoire de la Palestine et, par là même, de priver les Palestiniens d’un moyen essentiel pour la création et la construction de leur Etat. Pour rendre impossible la naissance de l’Etat de Palestine, ce que tentait déjà le mouvement sioniste, était de faire disparaître la société palestinienne elle-même, avec toute la diversité de ses aspects économiques et culturels.

À partir de là s’éclaire tout ce qu’Israël a fait par la suite, sur le terrain, pour empêcher la création de l’Etat de Palestine.

Ce sont, immédiatement après la proclamation de l’Etat d’Israël, en 1948, les massacres perpétrés contre la population palestinienne et révélés par les nouveaux historiens israéliens, tueries qui vont précipiter l’exode des familles palestiniennes, chassées de leurs terres et de leurs villages détruits. Il s’agissait surtout de les empêcher de revenir. Or, beaucoup étaient partis, n’emportant presque rien, sinon la clé de leur maison, dans l’espoir qu’après quelques jours, au plus quelques semaines, dans les camps de réfugiés au Liban ou en Syrie, ils pourraient revenir chez eux. Israël, non seulement, a tout fait sur le terrain pour rendre leur retour impossible, mais il a adopté tout un arsenal législatif permanent : c’est d’une part la « Loi des Absents » et, d’autre part et la complétant, la « Loi du retour », toutes deux promulguées en 1951. La première permet à l’Etat d’Israël de confisquer tout bien, toute propriété, toute maison dont le propriétaire palestinien s’est absenté même pour un bref déplacement à l’étranger, la seconde d’installer tout Juif résidant ou arrivant en Israël dans la maison expropriée d’un Palestinien, alors que le « droit au retour » est refusé à tout Palestinien.

L’écrivain et historien israélien Ilan Pappé a révélé beaucoup de vérités sur ce qui s’est passé à cette époque, visant à détruire la société palestinienne.

Israël a constamment prétendu que c’étaient les Palestiniens eux-mêmes et les Etats arabes qui avaient refusé la création, dans les conditions prévues par le Plan de partage, d’un Etat de Palestine souverain à côté de l’Etat d’Israël, parce qu’ils refusaient de reconnaître celui-ci et voulaient sa destruction.

On sait aujourd’hui, grâce au livre d’Eric Rouleau préfacé par Alain Gresh, combien de chances d’accords se sont présentées et ont été rejetées par Israël. Il y eu notamment les messages envoyés par le Président Gamal Abdel Nasser, figure emblématique de la Nation arabe et son porte-parole légitime, proposant des contacts avec les Israéliens afin de parvenir à un accord pour un retrait israélien des territoires illégalement occupés.

On ne peut pour autant fermer les yeux sur d’autres facteurs qui ont empêché la naissance de l’Etat de Palestine. Je parle des régimes arabes et de leurs responsabilités à l’époque où l’Etat d’Israël a été créé sur 78% de la terre de Palestine. Deux zones palestiniennes restaient hors de son contrôle : la Cisjordanie et la bande de Gaza.

La Cisjordanie, à la suite d’une négociation au cours de laquelle certains notables palestiniens avaient demandé son rattachement à la Transjordanie, a été purement et simplement annexée par le pouvoir hachémite, ce qui eut pour conséquence la création du Royaume Hachémite de Jordanie. De ce fait, les Palestiniens de Cisjordanie devinrent citoyens jordaniens à part entière et le nom de Palestine disparut alors complètement, y compris en Cisjordanie, y compris dans la dénomination adoptée par des partis politiques composés d’une écrasante majorité de Palestiniens : c’est ainsi que le plus important d’entre eux à l’époque, le Parti Communiste, devint le Parti Communiste « Jordanien ». Ainsi la Palestine perdit son nom historique au profit d’un nom nouveau, celui de Jordanie.

Dans la Bande de Gaza, qui fut alors placée sous administration militaire égyptienne, on ne chercha pas à confisquer l’identité palestinienne, au contraire. C’est à Gaza, en 1948, qu’un nouveau gouvernement palestinien est constitué et c’est à Gaza que se réunit le premier Conseil National Palestinien, représentant ce qui restait des élites politiques palestiniennes, alors toutes présentes à Gaza, sous l’égide et avec l’aide et les encouragements du Grand Mufti Hadj Amir El Husseini. Et, c’est à Gaza aussi, que ce premier Conseil National Palestinien proclame, en octobre 48, le gouvernement « oumma Palestine », c’est-à- dire le «gouvernement de toute la Palestine ». Ce gouvernement fut reconnu par la Ligue Arabe et même un passeport palestinien fut créé. L’idée était d’établir un Etat Palestinien sur ce qui restait de la Palestine, et que cette bande de Gaza qui ne représentait que 1,33 % de la surface de la Palestine historique devienne en quelque sorte la base de départ d’un Etat Palestinien.

Mais ce gouvernement minuscule fut interdit par les deux rois de l’époque, le roi d’Egypte Farouk et le roi Jordanien Abdallah. Tout a donc été fait pour empêcher la naissance de l’Etat de Palestine y compris sur cette minuscule parcelle qui subsistait du territoire palestinien.

Ainsi, lorsqu’en 1967 Israël a occupé toute la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, il put, immédiatement, reprendre le processus de colonisation et tous les gouvernements israéliens successifs, de gauche comme de droite, ont depuis lors tout fait pour mettre la main sur la Terre de Palestine afin, justement, d’empêcher la naissance de l’Etat de Palestine : confiscation de terres, implantation de colonies, contrôle de l’eau. Or, contrôler la terre et l’eau, c’est exercer un contrôle total sur la population d’un territoire, c’est du même coup rendre impossible la création d’un Etat souverain sur ce territoire. Et c’est cette politique qu’Israël a constamment poursuivie et poursuit encore pour empêcher la création de l’Etat de Palestine.

Des perspectives pourtant se sont ouvertes. Le Conseil National Palestinien, organe suprême de l’OLP, le 15 novembre 1988 à Alger, a reconnu l’Etat d’Israël. Israël a tout fait pour sous- estimer la portée de cette importante avancée de l’OLP. En 2003 « l’initiative de paix» lancée par le roi d’Arabie Saoudite, devenue le « plan de paix arabe » permettait, et permettrait encore, si Israël se retirait des territoires occupés depuis 1967, une normalisation totale de ses relations avec l’ensemble du Monde Arabe, avec l’ensemble du Monde Musulman. Jusqu’ici Israël a rejeté cette initiative, acceptant seulement la partie concernant la normalisation de ses relations, mais sans rien concéder en contrepartie.

A la lumière de toute la politique de colonisation et du refus total d’Israël de reconnaître L’initiative de paix arabe, comme aussi bien tout plan international prévoyant la fin de l’occupation de 1967, tout se passe, selon moi, comme si Israël envisageait une solution, non pas à « 2 Etats » mais à « 4 Etats » : l’Etat d’Israël, l’Etat de Gaza, un « Etat des colons » et un Etat palestinien sur ce qui reste de la Cisjordanie.

Tout se passe comme si Israël voulait reproduire ce que la France avait un temps imaginé de faire en Algérie pour résoudre le conflit : une partition avec un Etat pour les Algériens et un Etat pour les colons. Aujourd’hui lorsque Netanyahou parle de « 2 Etats », il s’agit de la Cisjordanie telle qu’elle résulte des Accords d’Oslo et de la politique de colonisation. Cette politique, avec toute l’aide officielle qu’elle reçoit des Occidentaux, est en train de créer les bases pour la création d’un « Etat des Colons ». Resterait alors un Etat palestinien sans Jérusalem, sans eau, sans souveraineté, cerné par un Etat de colons bénéficiant de tout.

La question se pose maintenant de savoir ce que veut réellement Israël ? Et de savoir si la communauté internationale veut encore réellement un Etat de Palestine afin de sauver l’option de deux Etats ?

Parmi les intervenants au colloque organisé par le CVPR-PO, le 8 octobre 2016, au Palais du Luxembourg, figuraient Alain Gresh, le général Philippe Gunet, Myriam Benraad, Boutros Hallaq… (Rappel Colloque au Sénat)

Extraits :

Myriam Benraad,- « De quoi l’Etat islamique (EI) est-il le nom ? » :

  • « … On a tendance dans le débat actuel à essentialiser, à prêter des traits religieux à ce qui est profondément politique, y compris dans l’usage du religieux. Il est trop facile aujourd’hui de se lancer dans des analyses sur l’EI en termes théologiques et religieux en fermant les yeux sur ce qui se passe sur le plan géopolitique ou même politique au sein de nos sociétés…. L’Irak a été de ce point de vue, et c’est mon sujet, le berceau par excellence de ce revivalisme musulman, on peut parler de panislamisme à travers toutes ces formes… »
  • « Donc c’est un nationalisme religieux extrême, qui repose sur la purification, la recréation d’une communauté musulmane idéale. Qui, pour moi, me fait penser encore une fois, avec toutes les limites que la comparaison implique au sionisme… Quant au Khalifat, on peut même établir une comparaison avec l’idée du Grand Israël qui avait, à l’époque, beaucoup nourri l’imaginaire juif ».

Général Philippe Gunet – «Les interventions étrangères au Proche-Orient de 1947 à aujourd’hui » :

  • « …les bombes ne font que nourrir et entretenir un djihadisme mutant, qu’il se nomme Al Qaida ou Etat islamique, le font métastaser jusqu’à l’intérieur de nos frontières où nous minons, croyant nous protéger, nos propres libertés individuelles….avec pour résultat un regain , chez nous, des nationalismes identitaires et le délitement du vivre ensemble »

*Cent ans après les accords Sykes-Picot

L’ORIENT ARABE TRAHI

Les actes du colloque organisé le 8 octobre 2016 au Palais du Luxembourg par le CVPR-PO, en partenariat avec ORIENT XXI, peuvent être commandés moyennant la somme de 10 euros (port compris) adressée au :

CVPR-PO –  c/o Me Maurice Buttin –

54 rue des Entrepreneurs – 75015 Paris.
 

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